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II

Comme un plant de maïs…

Comme un plant de maïs déplanté de sa terre Une vieille coquille oubliée par la mer A côté de la vie
Je me tourne vers toi qui a osé m'aimer. Viens avec moi, partons, je voudrais retrouver Les traces de la nuit.

UNE SENSATION DE FROID

Le matin était clair et absolument beau; Tu voulais préserver ton indépendance. Je t'attendais en regardant les oiseaux: Quoi que je fasse, il y aurait la souffrance.

Après-midi de fausse joie…

Après-midi de fausse joie, Et les corps qui se désunissent. Tu n'as plus très envie de moi, Nos regards ne sont plus complices.
Oh! la séparation, la mort Dans nos regards entrecroisés. La lente désunion des corps, Ce bel après-midi d'été.

Les petits objets nettoyés…

Les petits objets nettoyés Traduisent un état de non-être. Dans la cuisine, le cœur broyé, J'attends que tu veuilles reparaître.
Compagne accroupie dans le lit, Plus mauvaise part de moi-même, Nous passons de mauvaises nuits Tu me fais peur. Pourtant, je t'aime.
Un samedi après-midi, Seul dans le bruit du boulevard. Je parle seul. Qu'est-ce que je dis? La vie est rare, la vie est rare.

Pourquoi ne pouvons…

Pourquoi ne pouvons-nous jamais Jamais Etre aimés?
Vivre sans point d'appui, entouré par le vide, Comme un oiseau de proie sur une mesa blanche. Mais l'oiseau a ses ailes, sa proie et sa revanche; Je n'ai rien de tout ça. L'horizon reste fluide.
J'ai connu de ces nuits qui me rendaient au monde, Où je me réveillais plein d'une vie nouvelle, Mes artères battaient, je sentais les secondes S'égrener puissamment, si douces et si réelles.
C'est fini. Maintenant, je préfère le soir. Je sens chaque matin monter la lassitude, J'entre dans la région des grandes solitudes, Je ne désire plus qu'une paix sans victoire.
Vivre sans point d'appui, entouré par le vide, La nuit descend sur moi comme une couverture, Mon désir se dissout dans ce contact obscur: Je traverse la nuit, attentif et lucide.

Le long fil de l'oubli…

Le long fil de l'oubli se déroule et se tisse Inéluctablement. Cris, pleurs et plaintes. Refusant de dormir, je sens la vie qui glisse Comme un grand bateau blanc, tranquille et hors d'atteinte.

Cette envie de ne plus rien…

Cette envie de ne plus rien faire et surtout ne plus rien éprouver Ce besoin subit de se taire et de se détacher Au jardin du Luxembourg, si calme, Etre un vieux sénateur vieillissant sous ses palmes.
Et plus rien du tout, ni les enfants, ni leurs bateaux, ni surtout la musique, Ne viendrait troubler cette méditation désenchantée et presque ataraxique. Ni l'amour surtout, ni la crainte. Ah! n'avoir aucun souvenir des étreintes.

Cet homme a beaucoup lu…

Cet homme a beaucoup lu et beaucoup pardonné; Il ne peut plus y croire. Je repense à l'amour que tu m'avais donné; Il vieillit sans histoire.
Un moment vient toujours où l'on cesse de vivre; Parfois tôt, parfois tard. On ne cherche plus vraiment la passion dans les livres Il est six heures et quart et je suis déjà ivre Je n'ai plus envie de vivre Il est six heures et quart.
Que tu m'as fait souffrir, ma triste bien-aimée! Que de cris, que de larmes… Me voici maintenant, je suis si fatigué Il est six heures et quart, j'ai envie de me tuer; J'ai acheté une arme.

Je n'ai plus le courage…

Je n'ai plus le courage de me voir dans la glace. Parfois je ris un peu, je me fais des grimaces; Ça ne dure pas longtemps. Mes sourcils me dégoûtent. J'en arrache une partie; cela forme des croûtes.
Le soir j'entends rentrer la voisine d'en face; J'en ai le cœur serré, je me fige sur place. Je ne l'ai jamais vue car je suis très habile, Je deviens un pantin sardonique et docile.
La nuit tranquillement s'insinue dans la cour; Derrière mes carreaux je contemple la plante. Je suis vraiment content d'avoir connu l'amour, Je me suis démoli pour une chose vivante.
Hier au petit jour j'ai brûlé des photos; C'était un plaisir neuf, quoique vraiment fugace. J'ai même envisagé d'écouter la radio; La musique fait mal et les discours agacent.
Je ne m'indigne plus du silence des choses, Elles ne parlent qu'à ceux qui vivent parmi elles; Il y a des êtres humains, leur visage est tout rose, On dirait des bébés. Fiction émotionnelle.

LA FÊLURE

Dans l'immobilité, le silence impalpable, Je suis là. Je suis seul. Si on me frappe, je bouge. J'essaie de protéger une chose sanglante et rouge, Le monde est un chaos précis et implacable.
Il y a des gens autour, je les sens qui respirent, Et leurs pas mécaniques se croisent sur le grillage. J'ai pourtant ressenti la douleur et la rage; Tout près de moi, tout près, un aveugle soupire.
Cela fait très longtemps que je survis. C'est drôle. Je me souviens très bien du temps de l'espérance Et je me souviens même de ma petite enfance Mais je crois que j'en suis à mon tout dernier rôle.
Tu sais je l'ai compris dès la première seconde Il faisait un peu froid et je suais de peur Le pont était brisé, il était dix-neuf heures La fêlure était là, silencieuse et profonde.

APAISEMENT

Tout seul au point du jour – solitude sereine Un manteau de brouillard descend de la rivière La tristesse a fini par dissiper la haine Je ne suis déjà plus du monde de la matière.
Hier mon corps scarifié rampait sur les dallages Et je cherchais des yeux un couteau de cuisine Du sang devait couler, mon cœur gonflé de rage Secouait péniblement les os de ma poitrine.
L'angoisse bourgeonneait comme un essaim de vers Cachés sous l'épiderme, hideux et très voraces; Ils suintaient, se tordaient. J'ai saisi une paire De ciseaux. Et puis j'ai regardé mon corps en face.
Tout seul au point du jour – infinie solitude La rivière charrie des monceaux de cadavres Je plane à la recherche de nouvelles latitudes Un caboteur poussif remonte vers Le Havre.