Un matin de soleil rapide…
Un matin de soleil rapide,
Et je veux réussir ma mort.
Je lis dans leurs yeux un effort:
Mon Dieu, que l'homme est insipide!
On n'est jamais assez serein
Pour supporter les jours d'automne.
Dieu que la vie est monotone,
Que les horizons sont lointains!
Un matin d'hiver, doucement,
Loin des habitations des hommes.
Désir d'un rêve, absolument,
D'un souvenir que rien ne gomme.
Incapable de nostalgie…
Incapable de nostalgie
J'envie le calme des vieillards
La petite mort dans leurs regards
Leur air en deçà de la vie.
Incapable de m'imposer
J'envie la soif des conquérants
La simplicité des enfants
La façon qu'ils ont de pleurer.
Mon corps tendu jusqu'au délire
Attend comme un embrasement
Un devenir, un claquement;
La nuit je m'exerce à mourir.
Dans ta Renault 5 écarlate…
Dans ta Renault 5 écarlate,
Tu revenais du cinéma.
Mon cœur, mon cœur, mon cœur éclate;
Je n'ai jamais eu de nana.
Je me haïssais dans la glace
Le samedi soir, à quinze ans.
J'essayais de sauver la face,
Je me prétendais différent.
Pendant ce temps, de mec en mec,
Tu usais l'amour dans ton cœur.
Tu sortais dans les discothèques,
Tu ne croyais plus au bonheur.
On s'est rencontré bien trop tard,
Il faut être jeune pour s'aimer.
Ton passé vit dans ton regard,
Et je ne sais plus pardonner.
Précoce comédien, expert à la…
Précoce comédien, expert à la souffrance,
J'ai vécu une étrange et pathétique enfance.
Je jouais aux voitures, croyais à l'amitié,
Et malgré moi déjà j'excitais la pitié.
L'agonie des fleurs est brutale
Comme l'envers d'une explosion.
Le pourrissement de leurs pétales
Evoque nos dérélictions.
J'ai grandi au milieu de machines à plaisir
Qui traversaient la vie sans aimer, sans souffrir.
Je n'ai pas renoncé à ce monde idéal
Entraperçu jadis. Et j'ai souvent eu mal.
L'agonie de l'homme est sordide
Comme une lente crucifixion.
On n'arrive pas à faire le vide;
On meurt avec ses illusions.
Ce soir en marchant dans Venise…
Ce soir en marchant dans Venise
J'ai repensé à toi, ma Lise.
J'aurais bien aimé t'épouser
Dans la basilique dorée.
Les gens s'en vont, les gens se quittent
Ils veulent vivre un peu trop vite
Je me sens vieux, mon corps est lourd
Il n'y a rien d'autre que l'amour.
Ton regard, bien-aimée…
Ton regard, bien-aimée, me portait dans l'espace
Tes yeux étaient si tendres et je n'avais plus peur
Au milieu des courants et des cristaux de glace
Le doux flot de la joie faisait battre mon cœur.
Au milieu du danger mon âme était sereine
L'homme déchirait l'homme, plein de hargne et de haine,
Nous vivions un moment redoutable et cruel
Et le monde attendait une parole nouvelle.
Ton regard, mon amour, me portait dans la foule
Et je n'avais plus peur d'affronter les cyniques
Quelquefois, cependant, j'avais la chair de poule
Le mal se propageait comme un choc électrique.
Alors je t'appelais, je te disais: «Je t'aime»
Et tu me promettais qu'il y aurait d'autres jours
Au milieu de la mort, de l'orgueil, du blasphème
Si nous pouvions le faire, nous sauverions l'amour.
Et puis cette nuit vint, une nuit ordinaire
Le soleil se battait, glissait dans les ténèbres
Mes genoux ont plié, je suis tombé par terre
Son baiser était froid, indifférent, funèbre.
Je me suis redressé après quelques secondes
Et j'ai lu dans tes yeux que tu n'aimais personne
Tu glissais vers la vie, tu revenais au monde,
Au chaos sec et dur que la mort emprisonne.
J'ai vu de grands rochers se briser dans le ciel
J'ai vu de longs courants se tordre et se détendre
J'ai vu le grand serpent du monde matériel
Qui étouffait en toi le dernier regard tendre.
Notre amour se brisait comme une maison s'effondre
Jamais on ne viendrait pour relever ses murs
Jamais des cris d'enfants au milieu des décombres
N'éveilleraient les spectres et leur vague murmure.
L'aube vint. J'étais seul. Vers l'Est, de grands nuages
Se tordaient souplement, annonciateurs d'orage.
Je me suis relevé après une longue attente;
J'ai arraché des fleurs de mes deux mains tremblantes;
Très loin, je le savais, l'Eternel Destructeur
Refaisait ses calculs et soupesait mon cœur.
DERNIERS TEMPS
Il y aura des journées et des temps difficiles
Et des nuits de souffrance qui semblent insurmontabl
Où l'on pleure bêtement les deux bras sur la table
Où la vie suspendue ne tient plus qu'à un fil;
Mon amour je te sens qui marche dans la ville.
Il y aura des lettres écrites et déchirées
Des occasions perdues des amis fatigués
Des voyages inutiles des déplacements vides
Des heures sans bouger sous un soleil torride
Il y aura la peur qui me suit sans parler
Qui s'approche de moi, qui me regarde en face
Et son sourire est beau, son pas lent et tenace
Elle a le souvenir dans ses yeux de cristal
Elle a mon avenir dans ses mains de métal
Elle descend sur le monde comme un halo de glace.
Il y aura la mort tu le sais mon amour
Il y aura le malheur et les tout derniers jours
On n'oublie jamais rien, les mots et les visages
Flottent joyeusement jusqu'au dernier rivage.
Il y aura le regret, puis un sommeil très lourd.
III
Peuple assoiffé de vie…
Peuple assoiffé de vie,
Connais ton créateur.
Je me retrouve dans la nuit
Il bat, mon cœur.
Photographies de ses…
Photographies de ses enfants,
Cet amour inconditionnel.
Il faut mourir, un jour, pourtant;
Nous nous reverrons tous au ciel.
Est-il vrai qu'en un lieu…
Est-il vrai qu'en un lieu au-delà de la mort
Quelqu'un nous aime et nous attend tels que nous sommes?
Des vagues d'air glacé se succèdent sur mon corps;
J'ai besoin d'une clef pour retrouver les hommes.
Est-il vrai que parfois les êtres humains s'entraident
Et qu'on peut être heureux au-delà de treize ans?
Certaines solitudes me semblent sans remède;
Je parle de l'amour, je n'y crois plus vraiment.