Выбрать главу

Mon amour inconditionnel…

Mon amour inconditionnel, Toi qui me fais monter au ciel, Protège ma solitude. Les journées, parfois, sont bien rudes.
Noble idée de l'infinité, Toi qui nous aides à respirer, Protège le cœur de mon âme. Je vis, parfois, des nuits infâmes.
Et j'ai besoin de cette fille Aperçue au fond de ma nuit Qui pense à moi, et me sourit; Dont le regard, dans la nuit, brille.
Et j'ai besoin de ces enfants Aux yeux entrouverts de bonheur Qui nous donnent tout, et leur cœur; Qui font aimer le fil du temps.

RETROUVAILLES

Quand tu ne cherches plus à comprendre Ni à avoir un destin Dans cette vie
Parce que tu sais que tu n'as pas de destin Ou plus Ou pas encore Pas dans cette incarnation
Et tu penses à l'incarnation suivante Où nous nous reverrons Dans de fastueuses retrouvailles.

Boule de sang, boule…

Boule de sang, boule de haine, Pourquoi tous ces gens réunis? C'est la société humaine; La nuit retombe sur Paris.
Pendant que dans l'azur fictif Se croisent les euromissiles, Un vieux savant à l'œil plaintif Examine quelques fossiles.
Dinosaures, gentils dinosaures, Que voyaient vos grands yeux stupides? Se battait-on déjà à mort Dans vos marécages torpides?
Y a-t-il eu un âge d'or, Une bonne loi naturelle? Répondez, gentils dinosaures: Pourquoi la vie est si cruelle?

Aux confins du désert…

Aux confins du désert mojave Vit un cactus bimillénaire. Il a poussé sur de la lave, Serein comme un dieu tutélaire.
A l'équinoxe de printemps, Au temps où la Terre bascule, Les Indiens s'agenouillent devant Toute la nuit. Et la nuit brûle
De leurs incantations vibrantes Comme la langue d'un serpent. De leurs voix hachées et stridentes, Ils essaient de dompter le Temps
De le forcer à se plier, A refermer enfin sa courbe. Un jour viendra, disent les sorciers, Où le Temps, tortueux et fourbe,
Finira par être piégé Dans cette architecture de plaintes. Et nous serons légers, légers… L'Eternité sera atteinte.

VARIATION 49. LE DERNIER VOYAGE

Un triangle d'acier sectionne le paysage; L'avion s'immobilise au-dessus des nuages. Altitude 8000. Les voyageurs descendent: Ils dominent du regard la Cordillière des Andes
Et dans l'air raréfié l'ombilic d'un orage Se développe et se tord; Il monte des vallées comme un obscur présage, Comme un souffle de mort.
Nos regards s'entrecroisent, interrogeant en vain L'épaisseur de l'espace Dont la blancheur fatale enveloppe nos mains Comme un halo de glace.

Santiago du Chili, le 11 décembre.

La Nationale 27 était…

La Nationale 27 était déserte et vide, Tu arriveras seul en fin d'après-midi.
Tu arriveras seul, et que pourras-tu faire? Les corps d'enfants meurtris, fins comme des lanières, S'empileront en tas florissants et prospères Dans le salon de ta résidence secondaire.
Négligeant d'observer les tissus pulmonaires, Tu prendras, mon ami, ton blanc bâton de guerre.
Puis dans le soir naissant qui serpente et chemine Tu monteras tout seul en haut de la colline. Elevant ton esprit vers la raison ultime, Tu rendras grâce à Dieu qui choisit les victimes.
Puis tu voudras chanter, d'une voix sombre et douce, Humblement, dans la nuit, comme à l'insu de tous; Et les mots argentins du dernier des hommes S'envoleront distincts, faibles et monotones.

LES OPÉRATEURS CONTRACTANTS

Vers la fin d'une nuit, au moment idéal Où s'élargit sans bruit le bleu du ciel central, Je traverserai seul, comme à l'insu de tous, La familiarité inépuisable et douce Des aurores boréales.
Puis mes pas glisseront dans un chemin secret, A première vue banal, Qui depuis des années serpente en fins dédales, Que je reconnaîtrai.
Ce sera un matin apaisé et discret. Je marcherai longtemps, sans joie et sans regret, La lumière très douce des aubes hivernales Enveloppant mes pas d'un sourire amical. Ce sera un matin lumineux et secret.
L'entourage se refuse au moindre commentaire; Monsieur est parti en voyage. Dans quelques jours sûrement il y aura la guerre; Vers l'Est le conflit se propage.

La texture fine et…

La texture fine et délicate des nuages Disparaît derrière les arbres; Et soudain c'est le flou qui précède un orage: Le ciel est beau, hermétique comme un marbre.

PASSAGE

I

Des nuages de pluie tournoient dans l'air mobile, Le monde est vert et gris. C'est le règne du vent. Et tout sens se dissout hormis le sens tactile… Le reflet des tilleuls frissonne sur l'étang.
Pour rejoindre à pas lents une mort maritime, Nous avons traversé des déserts chauds et blancs, Et nous avons frôlé de dangereux abîmes… De félines figures souriaient en dedans.
Et les volontés nues refusaient de mourir. Venus de Birmanie, deux de nos compagnons, Les traits décomposés par un affreux sourire, Glissaient dans l'interorbe du Signe du Scorpion.
Par les chemins austères des monts du Capricorne, Leurs deux corps statufiés dansaient dans nos cervelles; Les sombres entrelacs du pays de Fangorn Engloutirent soudain l'image obsessionnelle.
Et quelques-uns parvinrent à l'ultime archipel…

II

C'est un plan incliné environné de brume; Les rayons du soleil y sont toujours obliques. Tout paraît recouvert d'asphalte et de bitume, Mais rien n'obéit plus aux lois mathématiques.
C'est la pointe avancée de l'être individuel; Quelques-uns ont franchi la Porte des Nuages. Déjà transfigurés par un chemin cruel, Ils souriaient, très calmes, au moment du passage.
Et les courants astraux irradient l'humble argile Issue, sombre alchimie, du bloc dur du vouloir Qui se mêle et s'unit comme un courant docile Au mystère diffus du Grand Océan Noir.
Un brouillard fin et doux cristallise en silence Au fond de l'univers; Et mille devenirs se dénouent et s'avancent, Les vagues de la mer.