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Et s’ils étaient hostiles ? pensa-t-il soudain. Si le vieux Mac doit affronter un vaisseau inconnu, il faudrait le réparer plus efficacement. Or c’était un travail qu’ils avaient repoussé parce qu’il valait mieux l’effectuer en orbite. Et maintenant, ils allaient devoir le faire sous une accélération de plus de deux g. Mais cet intrus appartenait au Mac-Arthur… et à Blaine. Ils allaient se débrouiller.

5. Le Visage de Dieu

Blaine gagna rapidement la passerelle et se sangla dans son siège de commandement. Dès qu’il fut installé, il porta son attention sur l’unité de communication.

C’est un enseigne Whitbread ébahi qu’il découvrit, grâce à son écran de contrôle, assis dans la cabine du commandant.

Blaine tenta sa chance : « Lisez-les-moi, lieutenant.

— Euh… pardon ?

— Vous avez devant vous le code de procédure ouvert à la page des ordres permanents en cas de rencontre avec des extra-terrestres, non ? Lisez-les-moi, s’il vous plaît. » Blaine se souvint de les avoir parcourus, longtemps auparavant, pour le plaisir et par curiosité. La plupart des élèves officiers le faisaient.

« Oui, commandant. » Whitbread se demandait visiblement si Blaine avait lu dans son esprit et décida que c’était la prérogative du capitaine. Cet incident serait à la source de nombreuses légendes. « Section 4500 : Premier contact avec des êtres intelligents non humains. Note : Les êtres intelligents sont définis comme étant des créatures qui emploient des outils et communiquent à des fins volontaires. N.B. : Il est recommandé aux officiers de n’appliquer cette définition qu’après mûre réflexion. Le rat sociable de Makassar, par exemple, utilise des outils et possède des moyens de communication qu’il met en œuvre pour défendre sa colonie, mais il n’est pas doué d’intelligence.

« Paragraphe 1 : Dès le contact avec des êtres intelligents non humains, les officiers informeront le P.C. de la Flotte le plus proche de l’existence de tels extra-terrestres. Toutes leurs autres missions en cours seront considérées comme secondaires par rapport à cette communication.

« Paragraphe 2 : Après que l’ordre décrit ci-dessus aura été exécuté, les officiers tenteront d’entrer en contact avec les extraterrestres, étant entendu, néanmoins, que ce faisant ils ne sont pas autorisés à mettre leur unité en péril, sauf ordre contraire de l’autorité supérieure. Bien qu’il soit interdit aux officiers d’entamer des hostilités, ils doivent supposer que les créatures intelligentes non humaines peuvent être inamicales. Paragraphe trois… »

Le dernier avertissement avant l’accélération coupa la parole à Whitbread. Blaine lui adressa un signe de tête et se laissa glisser en arrière sur sa couchette. De toute façon, le code de procédure n’allait pas être d’une grande utilité. Il prévoyait surtout le contact initial sans préavis, alors que, dans le cas présent, le Q.G. de la Flotte savait très bien que le Mac-Arthur partait intercepter un vaisseau non identifié.

La pesanteur se mit à augmenter. Assez lentement pour permettre à l’équipage de se mettre en poste : une minute entière pour atteindre trois g. Blaine sentit deux cent soixante kilos l’écraser sur son berceau d’accélération. Partout dans l’astronef, les hommes allaient se déplacer avec le même soin que l’on apporte à soulever des haltères, mais l’accélération ne serait pas paralysante. Pas pour des hommes jeunes. Bury allait souffrir, mais il ne lui arriverait rien s’il demeurait dans sa couchette anti-g.

Blaine se sentait très à l’aise dans son fauteuil-baquet. Celui-ci était doté d’accoudoirs, d’instruments de contrôle que l’on pouvait actionner du bout des doigts, d’un panneau de voyants au-dessus des cuisses de l’occupant et même d’un tuyau permettant de se soulager d’un besoin naturel sans changer de position. Il pouvait pivoter électriquement pour donner sans effort une vue de toute la passerelle. Sur les astronefs de guerre, tout est prévu pour les longues périodes de haute apesanteur.

Blaine tripota les commandes d’écran pour produire un graphique tridimensionnel au-dessus de lui.

Autour de lui, les officiers de la passerelle se tenaient à leurs postes : Cargill et l’officier de navigation serrés l’un contre l’autre à la console d’astrogation, l’enseigne Staley assis à côté du timonier, prêt à l’aider si nécessaire, mais apprenant surtout à piloter le vaisseau. Les doigts fins de Blaine survolèrent les commandes de visualisation.

Une longue et verte ligne de vitesse, un court vecteur violet pointé dans la direction opposée et une petit boule blanche entre les deux. Bien. L’intrus venait directement du Grain et arrivait en décélérant droit dans le système néo-calédonien… et il était plus gros que la Lune de Terre. Un objet de la taille d’un vaisseau serait apparu sur l’écran comme un point, sans dimension.

Tant mieux si Whitbread ne s’en était pas aperçu. Sinon on aurait jasé, raconté des histoires à l’équipage et les nouvelles recrues auraient déclenché une panique… Blaine avait lui-même le goût métallique de la peur dans la bouche. Mon Dieu, que c’est gros.

« Mais ils sont obligés de se déplacer sur quelque chose d’aussi grand », marmonna Rod. Trente-cinq années-lumière à travers l’espace normal ! Jamais une civilisation humaine n’aurait pu réussir cet exploit. Enfin. De quelle façon l’amirauté voulait-elle qu’il « identifie » cet engin ? Ou qu’il « l’intercepte » ? Fallait-il y atterrir avec des Marines ?

Et qu’était donc cette propulsion solaire ?

« Cap sur Brigit, commandant », annonça Renner.

Blaine émergea de sa rêverie et actionna de nouveau ses commandes d’écran. La route suivie par le vaisseau apparut sous forme d’un diagramme surmonté de colonnes de chiffres. Rod fit un effort pour parler. « Approuvé. » Puis son regard se reporta sur l’objet incroyablement imposant qu’il avait devant lui. Soudain il s’empara de son ordinateur de poche et y griffonna à toute vitesse. Des mots et des chiffres défilaient à la surface du petit appareil et Rod hocha la tête…

Bien sûr, la pression de la lumière pouvait assurer la propulsion. C’était d’ailleurs exactement ce que faisait le Mac-Arthur en produisant, grâce à la fusion de l’hydrogène, des photons et en les émettant en un énorme cône de lumière. Un miroir permettrait d’utiliser la lumière naturelle et d’obtenir une efficacité deux fois meilleure. Naturellement, il faudrait que ce réflecteur soit aussi grand que possible. Et aussi léger. Et idéalement il devrait renvoyer à cent pour cent la lumière qu’il capterait.

Blaine eut un sourire intérieur. Il s’était imaginé avoir à attaquer une planète vagabonde avec son croiseur à demi réparé ! Naturellement l’ordinateur avait dessiné un objet de grande taille. En réalité c’était probablement une feuille de matériau argenté large de milliers de kilomètres, liée en voiles dépliables à la masse centrale qui devait être le vaisseau proprement dit.

D’ailleurs, avec un albédo égal à un… Blaine se remit à écrire. La voile solaire devrait avoir une surface de huit millions de kilomètres carrés. Si elle était circulaire, son diamètre serait d’environ trois mille kilomètres…

Or l’objet se propulsait grâce aux photons, donc… Blaine fit afficher l’accélération négative de l’intrus, la compara à la quantité totale de lumière réfléchie, divisa… ainsi… ainsi la voile et le vaisseau avaient une masse globale d’environ quatre cent cinquante mille kilogrammes.