Выбрать главу

Ça, ça ne paraissait plus dangereux.

D’ailleurs, cela n’avait même pas l’air d’être un astronef en état de marche, en tout cas pas un qui puisse parcourir trente-cinq années-lumière en espace normal ! Les pilotes extra-terrestres deviendraient fous dans un lieu si réduit… sauf s’ils étaient minuscules, ou s’ils aimaient les espaces clos, ou s’ils avaient passé plusieurs siècles dans des ballons, avec des parois minces et légères… non. On en savait trop peu et l’imagination avait trop de champ où vagabonder. Mais il n’y avait rien de mieux à faire. Blaine porta son index à la base de son nez.

Il était sur le point d’éteindre les écrans quand il se reprit et augmenta le grossissement du télescope. Il observa le résultat de son geste pendant un long moment et jura à voix basse.

L’intrus allait droit vers le soleil.

Le vecteur accélération du Mac-Arthur chuta de presque trois gravités en entrant en orbite autour de Brigit. Puis l’astronef descendit dans le champ de protection Langston de la base, sur la petite lune comme une flèche s’enfonçant dans un énorme coussin noir et relié à lui par un faisceau d’un blanc intense. Sans le champ Langston pour absorber la poussée des moteurs du Mac-Arthur, ceux-ci auraient creusé d’énormes cratères dans le sol fait de neige du satellite naturel.

L’équipe de ravitaillement se précipita au travail. Elle envoya dans le complexe de stockage du Mac-Arthur de l’hydrogène liquide obtenu par électrolyse de la glace spongieuse de Brigit, puis distillé par liquéfaction. Au même moment Sinclair fit donner sa troupe. Les membres de son service se mirent à grouiller autour du vaisseau, profitant de la faible gravité pour parfaire les réparations. Et, un peu partout, les magasiniers de Brigit, à qui l’on arrachait toutes leurs pièces détachées, se faisaient malmener par les maîtres d’équipage du croiseur.

« Le commandant Frenzi demande l’autorisation de monter à bord, commandant », dit l’officier de vigie.

Rod grimaça. « Permission accordée. » Il se retourna vers Sally Fowler toujours assise dans le fauteuil de l’enseigne de veille, l’air posé. « Mais vous ne comprenez pas. Nous accélérerons sous de hautes gravités pendant toute l’interception. Vous savez maintenant ce que c’est ! Et de toute façon c’est une mission dangereuse !

— Bah ! Vous aviez l’ordre de m’amener en Néo-Écosse, souffla-t-elle, pas celui de m’abandonner sur une boule de neige.

— C’était un ordre général. Si Cziller avait su que nous aurions à nous battre, il ne vous aurait jamais permis de venir à bord. En tant que capitaine de ce vaisseau, c’est moi qui décide, et je dis que je ne suis sûrement pas prêt à emmener la nièce du sénateur Fowler là où il risque d’y avoir bataille.

— Ah. » Elle réfléchit un instant. Son approche directe avait échoué. « Rod, s’il vous plaît, écoutez. Vous voyez bien que c’est une aventure extraordinaire, non ? Comment croyez-vous que je l’envisage ? Que ces gens soient des extra-terrestres ou des colons perdus en train de rechercher l’Empire, c’est de mon domaine. C’est ce pour quoi j’ai étudié et je suis la seule anthropologue à bord. Vous avez besoin de moi.

— On peut se passer de vous. C’est trop dangereux.

— Mais vous laissez bien monsieur Bury rester avec vous.

— Je ne le laisse pas. L’amirauté m’a ordonné de le garder à bord de mon vaisseau. Je ne peux rien décider à son égard. Mais au vôtre et à celui de vos domestiques, j’ai tout pouvoir…

— Si vous vous inquiétez pour Adam et Annie, nous les laisserons ici. De toute façon, ils ne supporteraient pas l’accélération. Mais moi, je peux en endurer autant que vous, Sire Roderick Blaine. Je vous ai vu après un saut en hyper-espace, ébloui, hébété, ne sachant que faire, tandis que, moi, j’étais capable de quitter ma cabine et de venir ici sur la passerelle ! Alors ne me dites pas que je suis sans défense ! Vous allez me laisser rester ici, sinon…

— Sinon, quoi ?

— Sinon rien, bien sûr. Je sais bien que je ne peux pas vous menacer. S’il vous plaît, Rod ? » Elle essaya tout, même de battre des paupières, ce qui était de trop car Rod éclata de rire.

« Le commandant Frenzi, capitaine », annonça la sentinelle postée à l’entrée du sas de la passerelle.

« Entrez Roméo, entrez », dit Rod d’un ton faussement enjoué. Frenzi avait trente-cinq ans, dix bonnes années de plus que Rod qui avait servi sous ses ordres durant les trois mois de la mission la plus odieuse dont il se souvenait. Le commandant était un bon administrateur mais un très mauvais officier de bord.

Frenzi jeta un regard circulaire, le menton en avant. « Ah ! Blaine. Où est le capitaine Cziller ?

— Sur Néo-Chicago, dit Blaine d’un ton plaisant. C’est moi qui commande le Mac-Arthur, maintenant. » Il fit pivoter son siège pour que l’autre puisse voir les quatre galons qui entouraient ses manches.

Le visage de Frenzi se creusa un peu plus. Ses lèvres s’affaissèrent. « Mes compliments. » Long silence. « Capitaine.

— Merci, Roméo. Moi-même je n’arrive pas encore à m’y habituer.

— Bon, eh bien, je vais dire à mon équipage de ne pas se presser pour le ravitaillement », dit Frenzi. Il fit mine de partir.

« Comment cela : ne pas se presser ? Je suis en priorité A A 1 – Vous voulez voir le message ?

— Je l’ai vu. On m’en a envoyé une copie, Blaine… pardon… capitaine. Mais le texte indique clairement que l’amiral Cranston croit que c’est Cziller qui commande le Mac-Arthur. Je suggère respectueusement, capitaine, qu’il n’aurait pas envoyé ce vaisseau intercepter un astronef extra-terrestre s’il avait su que le maître à bord était… un jeune officier exerçant un commandement pour la première fois. Capitaine. »

Avant que Blaine n’ait pu répondre, Sally dit : « J’ai vu le message, commandant. Il était adressé au Mac-Arthur et non à Cziller. Et il donne au vaisseau une priorité de ravitaillement… »

Frenzi la considéra froidement. « Le Lermontov suffira amplement à cette interception, je pense. Si vous voulez bien m’excuser, capitaine, je dois retourner à ma base. » Il fixa à nouveau Sally du regard. « J’ignorais que l’on enrôlât des femmes, en civil, comme enseigne.

— Il se trouve que je suis la nièce du sénateur Fowler et que je me trouve à bord de ce vaisseau sur ordre de l’Amirauté, commandant, lui répondit-elle fermement. Je m’étonne de votre manque de savoir-vivre. Ma famille n’est pas habituée à ce genre de traitement et je suis sûre que mes amis, à la Cour, seront étonnés d’apprendre qu’un officier impérial peut être aussi impoli. »

Frenzi rougit et regarda désespérément autour de lui.

« Pardonnez-moi madame. Je ne voulais pas vous désobliger, je vous assure… J’étais simplement surpris, nous ne voyons pas souvent de femme à bord des vaisseaux de guerre en tout cas, certainement pas aussi belle que vous, je vous demande pardon… »

Sa voix se perdit dans le lointain, toujours sans ponctuation, tandis qu’il se retirait de la passerelle.

« Alors, pourquoi n’avez-vous pas réagi de cette façon-là ? » demanda Sally.

Rod lui sourit puis se catapulta hors de son siège. « Il va signaler à Cranston que j’ai le commandement du vaisseau ! Nous avons… disons une heure pour que le message atteigne la Néo-Écosse et une autre pour la réponse. » Rod enfonça une des touches de l’intercom. « APPEL GÉNÉRAL. ICI LE CAPITAINE. DÉCOLLAGE DANS CENT VINGT-CINQ MINUTES. DÉCOLLAGE DANS CENT VINGT-CINQ MINUTES. NOUS ABANDONNERONS ICI TOUS CEUX QUI NE SERONT PAS À BORD. »