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« Voilà comment il faut s’y prendre ! l’encouragea Sally. Il peut toujours envoyer son message ! »

Tandis que Blaine se pressait d’aller remuer son équipage, Sally quitta la passerelle pour aller se cacher dans sa cabine.

Rod lança un autre appel. « Commandant Sinclair, s’il y a du retard, là-dehors, faites-le-moi savoir. » Si Frenzi les ralentissait, Blaine le ferait passer par les armes. Ou, en tout cas, il essaierait… jadis déjà, il avait rêvé de faire fusiller Frenzi.

Les rapports commencèrent à affluer. Cargill vint à la passerelle avec, à la main, une liasse d’ordres de mutation et, sur le visage, un air satisfait.

Les maîtres d’équipage du Mac-Arthur, une copie du message priorité N.C. à la main, étaient allés rechercher les meilleurs hommes de Brigit.

Les nouvelles recrues et les membres de l’ancien équipage s’affairaient tout autour du vaisseau, arrachant les équipements endommagés et les remplaçant à la hâte par des pièces détachées venues des dépôts de Brigit, procédant à leurs vérifications, puis se précipitant vers la tâche suivante. On fit des stocks de matériel qui seraient plus tard mis à la place des bricolages de fortune de Sinclair… si quelqu’un réussissait à trouver le moyen de le faire. Il était difficile de savoir ce que contenaient ces boîtes noires standardisées. Rod découvrit un système de chauffage par micro-ondes et le fit porter au carré des officiers. Ça ferait plaisir à Cargill.

Quand le ravitaillement en propergol fut presque achevé, Rod endossa sa combinaison pressurisée et sortit. Son inspection était inutile, mais cela soutiendrait le moral de l’équipage de savoir que le « Vieux » veillait sur lui. Arrivé à l’extérieur, Rod chercha l’intrus dans les cieux.

Le Visage de Dieu le fixait à travers l’espace.

Le Sac à Charbon était une masse nébulaire de poussière et de gaz, petite, à l’échelle sidérale, mais dense et assez proche de la Néo-Calédonie pour occulter un quart du ciel. La Terre et la capitale impériale, Sparta, étaient à jamais invisibles, de l’autre côté. Cette noirceur mouvante cachait la majeure partie de l’Empire mais offrait aussi un doux écrin de velours à deux brillantes étoiles voisines.

Mais, sans cet arrière-plan sombre, l’Œil de Murcheson aurait tout de même été l’astre le plus lumineux de la voûte céleste – un énorme géant rouge, distant de trente-cinq années-lumière. Le petit flocon sur le bord de cette étoile était un soleil nain, de couleur jaune, plus petit, plus effacé, moins intéressant : le Grain, la Poussière. D’ici, le Sac à Charbon avait la forme d’un homme encagoulé, sa tête et ses épaules. Et le super-géant rouge, légèrement excentré, devenait un œil, attentif et malveillant.

Le Visage de Dieu. Cette vue du Sac à Charbon, à partir de la Néo-Calédonie, était un site connu dans tout l’Empire. Mais debout, ici, dans le froid de l’espace, c’était différent. En photographie, ça ressemblait au Sac à Charbon. Ici, c’était réel.

Et quelque chose que Blaine ne réussissait pas à distinguer était en train de fondre sur lui, venu de la Poussière dans l’Œil de Dieu.

6. La voile solaire

Une atmosphère seulement. Avec des sensations nauséeuses, alors que le Mac-Arthur s’alignait sur son trajet d’interception. Un filet élastique le retint au fauteuil d’accélération pendant ces quelques instants de retour à l’atmosphère normale. Des instants auxquels Rod soupçonnait qu’il repenserait bientôt avec regret.

Avant de servir à bord du Mac-Arthur comme chargé de navigation, Kevin Renner avait été officier sur un vaisseau marchand interstellaire. C’était un homme mince, au visage allongé et il était âgé de dix ans de plus que Blaine. Tandis que Rod conduisait son fauteuil jusque derrière lui, Renner s’efforçait de superposer deux courbes sur un écran de vision et son sourire d’autosatisfaction n’était pas celui d’un homme de la Royale.

« Vous avez notre cap, lieutenant Renner ?

— Oui, commandant, dit Kevin avec amusement. Droit vers le soleil à quatre g d’inertie ! »

Blaine céda au plaisir de relever le défi : « En avant ! »

Les klaxons d’alerte résonnèrent et le Mac-Arthur se mit à accélérer. L’équipage et les passagers sentaient leur poids s’enfoncer peu à peu plus profondément dans leurs lits, leurs couchettes ou leurs fauteuils et s’énervaient à la pensée de passer plusieurs jours à peser bien trop lourd.

« Vous plaisantiez, non ? » demanda Blaine.

L’officier de navigation le regarda, intrigué. « Vous saviez que nous avions affaire à un système de propulsion par voile solaire, capitaine ?

— Naturellement.

— Alors regardez ceci. » Les doigts agiles de Renner tracèrent une courbe verte sur l’écran, une parabole grimpant rapidement vers la droite. « La quantité de lumière captée par centimètre carré décroît comme le carré de la distance de la voile au soleil. L’accélération varie proportionnellement à la quantité de lumière réfléchie par la voile.

— Bien entendu. Allez au but, Renner. »

Renner afficha une autre parabole, ressemblant beaucoup à la première, mais bleue. « Ces voiles sont également propulsées par le vent solaire. La poussée varie à peu près de la même façon. Mais la différence importante est que ce vent est formé de noyaux atomiques qui se collent à la voile là où ils la heurtent. Leur quantité de mouvement lui est directement transférée… et elle est dirigée droit sur le soleil.

— Vous voulez dire que l’on ne peut pas virer de bord face au vent, dit Blaine qui venait de comprendre. On peut virer grâce à la lumière en inclinant la voile, mais le vent solaire, lui, continuera à la repousser.

— Oui, commandant. Aussi, imaginez que vous soyez en train de pénétrer dans le système stellaire à… Dieu nous en garde… sept pour cent de la vitesse de la lumière et que vous vouliez vous arrêter. Que feriez-vous ?

— Je lâcherais tout le lest disponible, risqua Blaine. Mais je ne vois pas comment cela pourrait présenter une difficulté. C’est comme cela qu’ils ont dû être lancés dans l’espace.

— Je ne pense pas. Leur vitesse est trop élevée. Mais oublions ça un instant. Ce qui compte, c’est qu’ils vont trop vite pour pouvoir s’arrêter sauf en allant très près du soleil, très très près. L’intrus est d’ailleurs en train de plonger droit vers lui. Il est probable qu’il virera très court après que la lumière du soleil l’aura assez ralenti… Si d’ici là, le vaisseau n’a pas fondu et si les voiles ne sont pas déchirées. Mais ils ne peuvent pas faire autrement, ils n’ont pas le choix.

— Ah, fit Blaine.

— Il n’est pas besoin de rappeler, ajouta Renner, que lorsque nous aurons synchronisé notre orbite avec la leur, nous aussi nous nous trouverons en train de filer droit vers le soleil…

— À sept pour cent de la vitesse de la lumière ?

— À six pour cent. L’intrus aura quelque peu ralenti d’ici là. Cela prendra cent vingt-cinq heures, à près de quatre g, et en ralentissant en fin de course.

— Tout le monde va en souffrir », dit Blaine. Et, tout à coup, mais un peu tard, il se demanda si Sally Fowler avait débarqué sur Brigit. « Surtout les passagers. Ne pourriez-vous pas calculer un trajet moins éprouvant ?