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— Vos civilisations ont-elles connu des moments de décadence depuis lors ? demanda Hardy.

— Certainement. Enfermés dans ce système comme nous l’étions, comment pourrait-il en être autrement ?

— Avez-vous des archives sur la guerre des astéroïdes ? » interrogea Renner.

Jock fronça les sourcils. Son visage ne s’y prêtait pas, mais le geste suggérait le dégoût. « Que des légendes. Nous avons… Elles ressemblent beaucoup à vos chansons ou à vos poèmes épiques. Des instruments linguistiques pour faciliter la mémorisation. Je ne pense pas qu’elles soient traduisibles, mais… » La Granéenne s’arrêta un instant. C’était comme si elle s’était figée dans la même position qu’elle occupait quand elle avait décidé de réfléchir. Puis :

Il fait froid ; il n’y a plus rien à manger. Les démons ravagent les terres Nos sœurs meurent et les eaux bouillonnent Car les démons font tomber les cieux.

L’extra-terrestre fit une pause, lugubre. « Je crains que ce ne soit pas très bon, mais c’est tout ce que je peux faire.

— C’est assez bien pour que je saisisse, dit Hardy. Nous avons ce genre de poésie aussi : des histoires de civilisations perdues, des désastres de notre préhistoire. Nous pouvons suivre leur trace jusqu’à une explosion volcanique, il y a quatre mille cinq cents ans. D’ailleurs, c’est, semble-t-il, alors que les hommes pensèrent que Dieu pourrait intervenir dans leurs affaires. Et cela directement, par opposition à la création de cycles et de saisons, et ainsi de suite.

— Une théorie intéressante… mais cela ne bouleverse-t-il pas vos croyances religieuses ?

— Non, pourquoi ? Dieu ne peut-il pas arranger un fait naturel afin qu’il produise un effet désirable aussi aisément qu’il peut déranger les lois de la nature ? En fait, qu’est-ce qui est le plus miraculeux : un raz de marée quand il le faut ou un événement surnaturel et unique ? Mais je ne pense pas que vous ayez le temps de discuter théologie avec moi. Le sénateur Fowler semble avoir terminé son repas. Si vous voulez bien m’excuser, je m’absenterai quelques minutes, et je crois que nous reprendrons… »

Ben Fowler emmena Rod et Sally à un petit bureau derrière la salle de réunion. « Eh bien ? demanda-t-il.

— Mon avis est sur le procès-verbal, dit Sally.

— Mmm… oui. Rod ?

— Il nous faut faire quelque chose, sénateur. La pression devient impossible à contrôler…

— Oui, dit Ben. Bon sang, j’ai besoin de boire un verre. Rod ?

— Merci, je passe.

— Eh bien, si je n’ai pas l’esprit clair avec une bonne dose de scotch, c’est que l’Empire s’est déjà écroulé. » Il fouilla le bureau jusqu’à ce qu’il trouve une bouteille, regarda la marque en ricanant, et se versa une bonne rasade dans une tasse à café déjà utilisée. « Une chose m’intrigue. Pourquoi l’A.I.M. ne crée-t-elle pas plus d’ennuis ? Je m’attendais qu’ils exercent un maximum de pression, et ils se taisent. Remercions Dieu pour les faveurs qu’il nous accorde. » Il avala la moitié de la tasse et soupira.

— Quel mal cela ferait-il d’accepter maintenant ? demanda Sally. Nous pouvons changer d’avis si nous découvrons du nouveau…

— Tu parles, mon petit chat, dit Ben. Une fois que quelque chose de spécifique sera mis en œuvre, les commerciaux penseront au moyen d’en tirer profit, et lorsqu’ils y auront investi de l’argent… je croyais que tu avais appris un peu plus de politique élémentaire. Qu’enseigne-t-on dans les universités de nos jours ? Rod, j’attends toujours une réponse. »

Rod tâta son nez tordu. « Bon, nous ne pouvons pas traîner davantage. Les Granéens doivent le savoir… Ils pourraient même retirer leur offre quand ils verront sous quelle pression nous sommes. À mon avis, il faut céder.

— Ah oui, hein ? Vous rendrez votre femme heureuse en tout cas.

— Il ne le fait pas pour moi ! intervint Sally. Cessez de le tourmenter.

— Oui. » Le sénateur se massa son crâne chauve un instant. Puis il but sa tasse et la posa. « Il faut vérifier une ou deux choses. Ça ne posera probablement pas de problème. S’ils sont… Bon, j’imagine que les Granéens ont enlevé l’affaire ! Allons-y. »

Jock gesticula son ravissement et son excitation. « Ils sont prêts à consentir ! Nous sommes sauvés ! »

Ivan considéra froidement la médiatrice. « Vous allez vous maîtriser. Il y a encore beaucoup à faire.

— Je le sais. Mais nous sommes sauvés. Charlie, n’est-ce pas vrai ? »

Charlie étudia les humains. Les visages, les attitudes… « Oui. Mais le sénateur n’est toujours pas convaincu, et Blaine a peur, et… Jock, observez Renner.

— Vous êtes si froide ! Ne pouvez-vous pas vous réjouir avec moi ? Nous sommes sauvés !

— Observez Renner.

— Oui… Je connais ce regard. C’est celui qu’il a en jouant au poker, lorsque la carte qu’il va poser est inattendue. Cela ne nous aide pas. Mais il n’a aucun pouvoir, Charlie ! C’est un aventurier sans aucun sens des responsabilités !

— Peut-être. Nous jonglons avec des œufs sans prix dans une pesanteur variable. J’ai peur. Je ressentirai de la crainte jusqu’à ma mort. »

55. L’atout de Renner

Le sénateur s’assit lourdement et regarda autour de la table. Ce regard suffit à faire taire les chuchotements et à capter l’attention générale. « Je suppose que nous savons tous ce que nous recherchons, dit-il. Il faut à présent discuter du prix. Posons les principes directeurs, d’accord ? Premièrement et avant tout : vous consentez à ne pas armer vos colonies, et à nous les laisser inspecter pour nous en assurer.

— Oui », affirma Jock. Elle gazouilla avec le maître. « L’ambassadeur est d’accord. À condition que, moyennant rémunération, l’Empire protège nos colonies contre vos ennemis.

— Nous le ferons certainement. Ensuite : vous consentez à l’encadrement de votre commerce par des sociétés accréditées par l’Empire ?

— Oui.

— Eh bien, c’était là les points essentiels, annonça Fowler. Allons-y pour les points annexes. Qui commence ?

— Puis-je demander quels genres de colonies vont être établies dit Renner.

— Comment ? Bien sûr !

— Merci. Emmènerez-vous des représentants de toutes vos classes ?

— Oui… » Jock hésita. « Tous ceux qui répondront aux conditions, monsieur Renner. Nous n’installerons tout de même pas des agriculteurs sur un astéroïde non terraformé tant que les ouvriers n’y auront pas construit un dôme.

— Oui. Eh bien, je me le demandais, à cause de ça. » Il tripota son ordinateur de poche et les écrans s’allumèrent. Ils montraient Néo-Cal curieusement déformé, un éclair brillant, puis le noir. « Holà. Ce n’est pas le bon endroit. Ça, c’était au moment où la sonde a tiré sur le vaisseau du capitaine Blaine.

— Ah ? » dit Jock. Elle gazouilla avec les autres. Ceux-ci répondirent. « Nous nous étions demandé ce qu’était devenue la sonde. Franchement, nous croyions que vous l’aviez détruite, et nous n’avions donc pas voulu demander…