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— Hein ?

— Cela ne pourra pas nous coûter la moitié de ce que nous possédons à nous deux. » Elle se précipita dans l’appartement de Rod, le traversa, puis elle s’élança dans le couloir vers le sien. Il la suivit et la vit fouiller dans la pile de cadeaux de mariage qui encombrait la grande table en bois de teck rose se trouvant dans son vestibule. Elle soupira de satisfaction lorsqu’elle trouva son ordinateur de poche.

Dois-je en être irrité ? pensa Rod. Je crois que j’ai intérêt à apprendre à être heureux quand elle est ainsi. J’aurais beaucoup de temps pour cela. « Les Granéens étudient leur problème depuis un bon moment », lui rappela-t-il.

Elle leva les yeux vers lui, avec un soupçon d’impatience. « Bah. Ils ne voient pas les choses comme nous. Le fatalisme, tu t’en souviens ? Personne ne les a obligés à adopter les solutions qu’ils ont pu imaginer. » Elle se remit à griffonner des notes. « Nous aurons besoin d’Horowitz, bien sûr. Il dit qu’il y a un homme valable sur Sparta : nous devons le faire venir. Et le docteur Hardy… nous aurons besoin de lui aussi. »

Il la considéra d’un air impressionné et perplexe. « Quand tu t’y mets, tu y vas. » Et j’ai intérêt à te suivre si je dois t’avoir à mes côtés toute ma vie. Je me demande à quoi cela ressemble de vivre avec une tornade. « Tu auras le père Hardy si tu le veux. Le cardinal l’a affecté aux problèmes de Grana… et je crois que Son Éminence a en réserve quelque chose de plus important. Hardy aurait pu être évêque il y a longtemps, mais il n’en a pas tellement envie. Je crois qu’il n’a guère le choix à présent. Il est le premier délégué apostolique auprès d’une race extra-terrestre, ou quelque chose comme ça.

— Alors le conseil d’administration comprendra, avec toi et moi, le docteur Horvath, le père Hardy… et Ivan.

— Ivan ? » Mais pourquoi pas ? Puisque nous y sommes, autant bien faire les choses. Il nous faudra un bon administrateur. Sally en est incapable, et je n’en aurai pas le temps. Horvath, peut-être. « Sally, sais-tu au juste à quoi nous allons nous heurter ? Le problème biologique : comment transformer une femelle en mâle sans grossesse ni stérilité permanente. Et même si tu trouves quelque chose, comment ferons-nous pour que les Granéens s’en servent ? »

Elle n’écoutait plus. « Nous trouverons un moyen. Nous sommes plutôt doués pour gouverner…

— Nous savons à peine gouverner un empire d’humains !

— Mais nous y arrivons, n’est-ce pas ? D’une façon, ou d’une autre. » Elle écarta une pile de paquets aux emballages bigarrés afin de faire de la place. Une grande boîte faillit tomber et Rod dut la rattraper. Sally continuait à gribouiller des notes dans la mémoire de l’ordinateur de poche. « Rappelle-moi le code pour “les Scientifiques de l’Empire”, demanda-t-elle. Il y a un homme sur Meiji qui a fait du très bon travail sur l’ingénierie génétique, mais je n’arrive pas à me souvenir de son nom… »

Rod soupira lourdement. « Je le rechercherai. Mais il y a une condition.

— Laquelle ? » Elle le regarda avec curiosité.

« Que tu en aies fini d’ici à la semaine prochaine, car Sally, si tu emmènes cet ordinateur de poche lors de notre lune de miel, je jetterai ce fichu truc dans le convertisseur de masse ! »

Elle rit, mais Rod ne se sentit pas du tout rassuré. Tant pis. Les ordinateurs n’étaient pas chers. Il pourrait lui en acheter un autre à leur retour. En fait, il vaudrait mieux qu’il conclut un marché avec Bury ; il lui faudrait peut-être des cargaisons entières de ces ordinateurs s’il voulait finir par avoir une famille.

Horace Bury suivit les Marines à travers le palais, ignorant sciemment ceux qui s’étaient placés derrière lui. Son visage était calme et seule une étude approfondie de ses yeux aurait révélé le désespoir qui le rongeait.

C’est la volonté d’Allah, soupira-t-il. Il se demanda pourquoi cette pensée ne lui était pas plus amère. Peut-être trouverait-il un réconfort dans la résignation… nulle autre consolation ne s’offrait à lui. Les Marines avaient emmené son domestique et tous ses bagages sur la navette et l’avaient ensuite séparé de Nabil sur le toit du palais. Avant cela, Nabil lui avait murmuré un message : les aveux de Jonas Stone parvenaient en ce moment même au palais.

Stone était encore sur Néo-Chicago, mais ce qu’il avait raconté aux Services de Renseignements de la Flotte était suffisamment important pour justifier qu’on le transmette par aviso rapide. L’informateur de Nabil ne savait pas ce que le chef rebelle avait dit, mais Bury le savait de manière aussi sûre que s’il avait lu les bandes codées. Le message serait bref et entraînerait la pendaison d’Horace Bury.

Ainsi, c’est là que tout s’achève. L’Empire réagit avec rapidité contre la trahison : dans quelques jours, quelques semaines. Pas plus. Il n’y a aucune chance de s’échapper. Les Marines sont polis, mais toujours sur le qui-vive. Ils ont été prévenus et ils sont nombreux, trop nombreux. L’un d’eux pourrait se laisser soudoyer, mais pas devant ses camarades.

Si Allah le veut… Mais c’est dommage. Si je ne m’étais pas autant occupé des extra-terrestres, si je n’avais pas travaillé pour l’Empire auprès des Marchands, j’aurais filé depuis longtemps. Levant est vaste. Mais j’aurais dû quitter la Néo-Écosse, et c’est là que toutes les décisions seront prises… à quoi bon s’échapper alors que les extra-terrestres nous anéantiront peut-être tous ?

Le sergent des Marines le conduisit à une salle de réunion très décorée et tint la porte ouverte jusqu’à ce que Bury y entre. Puis, étrangement, les gardes se retirèrent. Il n’y avait que deux hommes dans la pièce avec Bury.

« Bonjour, messire », dit Bury à Rod Blaine. Son ton était égal et coulant, mais il avait la bouche sèche et un arrière-goût prononcé au fond de la gorge. Il s’inclina devant l’autre homme. « Je n’ai jamais été présenté au sénateur Fowler, mais tout le monde dans l’Empire connaît son visage, bien sûr. Bonjour, sénateur. »

Fowler hocha la tête sans quitter le fauteuil qu’il occupait à la table de réunion. « Bonjour, Excellence. Aimable à vous d’être venu. Voulez-vous vous asseoir ? » Il montra de la main le siège situé en face du sien.

« Merci. » Bury prit la place indiquée. L’étonnement fut plus grand lorsque Blaine apporta du café que Bury renifla consciencieusement. Il reconnut le mélange qu’il avait envoyé au cuisinier du palais pour l’usage personnel de Blaine.

Par Allah ! Ils jouent avec moi, mais à quelle fin ? Il ressentit une rage mêlée de crainte, mais aucun espoir. Et un rire fou et pétillant lui vint à la gorge.

« C’est juste pour savoir où nous en sommes, Excellence », dit Fowler. Il fit signe et Blaine alluma l’écran mural. Les traits épais de Jonas Stone apparurent dans la pièce aux boiseries ornées. La sueur perlait sur le front et les pommettes de l’homme, et son ton était tantôt grondant, tantôt implorant.

Bury écouta, impassible, la bouche déformée de mépris pour la faiblesse de Stone. Il n’y avait aucun doute : la Flotte avait plus que les preuves nécessaires pour l’envoyer à la potence pour trahison. Pourtant, le sourire ne s’effaça pas des lèvres de Bury. Il ne leur donnerait aucune satisfaction. Il n’implorerait pas.

Enfin la bande se termina. Fowler agita de nouveau la main et l’image du chef rebelle disparut. « Personne n’a vu ceci en dehors de nous trois, Excellence », dit Fowler gravement.

Mais… Que veulent-ils ? Y a-t-il de l’espoir, après tout ?