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« Regardez, commandant, dit-il en affichant une carte de l’espace alentour. L’intrus est venu d’ici. Celui qui l’a lancé a utilisé un ou plusieurs canons laser – probablement tout un tas de batteries réparties sur les astéroïdes, avec des miroirs pour condenser le faisceau. Il a fait marcher son système pendant quarante-cinq ans afin que la sonde puisse avoir un rayon lumineux pour se propulser. Le rayon et l’intrus venaient tous deux droit du Grain.

— Mais il y aurait des traces écrites, dit Blaine. Quelqu’un se serait aperçu du fait que le Grain émettait un faisceau de lumière cohérente. »

Renner haussa les épaules. « Que valent les archives de Néo-Écosse ?

— Nous allons voir. » Il ne fallut pas longtemps pour apprendre que les données astronomiques néo-écossaises étaient suspectes et qu’à ce titre la bibliothèque du Mac-Arthur n’en avait pas en mémoire. « Bon. Admettons que vous ayez raison.

— Mais justement, commandant. Pourquoi n’ont-ils pas viré de bord. C’est très facile à réaliser. Voilà ce qu’ils auraient dû faire… »

Renner afficha un nouveau trajet qui quittait le Grain à un angle de quelques degrés de la route effectivement suivie par la sonde. « Vous voyez : là aussi, ils se laissent propulser. À cet endroit-là… » Où l’intrus aurait été bien au-delà de la Néo-Calédonie… « On crée une charge électrique de dix millions de volts sur le vaisseau. Le champ magnétique ambiant de la galaxie fait virer la sonde de cent quatre-vingts degrés. Elle s’approche alors du système de la Néo-Calédonie par l’arrière de celui-ci. Pendant ce temps-là on a coupé le rayon laser durant cent cinquante ans. On le remet alors en marche et la sonde l’utilise pour se freiner.

— Vous êtes sûr que votre effet magnétique marcherait bien ?

— C’est de la physique élémentaire ! Et on a de bonnes cartes des champs magnétiques interstellaires !

— Alors pourquoi ont-ils procédé autrement ?

— Je ne comprends pas ! dit Renner. Peut-être n’y ont-ils tout simplement pas pensé. Peut-être craignaient-ils que les lasers ne durent pas. Peut-être les astronautes ne faisaient-ils pas confiance à ceux qu’ils laissaient derrière eux. On n’en sait pas assez pour affirmer quoi que ce soit, commandant.

— J’en ai bien conscience, Renner. Pourquoi s’en faire ? Peut-être allons-nous pouvoir leur demander tout cela, le plus simplement du monde. »

Le visage de Renner finit par retrouver, lentement, son sourire. « Vous trichez un peu.

— Oh, allez vous coucher, Renner. »

Rod se réveilla au son des haut-parleurs : « CHANGEMENT DE PESANTEUR DANS DIX MINUTES. PARÉS POUR UNE ATMOSPHÈRE DANS DIX MINUTES. »

Rod sourit : une atmosphère !, puis laissa son visage se figer. Une heure avant que l’on ne synchronise la vitesse du Mac-Arthur à celle de l’intrus. Il éclaira ses écrans de veille et vit, à l’arrière, deux flamboiements de lumière. Le Mac-Arthur était pris en étau par deux soleils. Cal était maintenant aussi imposant que Sol vu de Vénus, mais plus brillant. Cal était une étoile plus chaude. La sonde extra-terrestre était un disque plus petit mais plus éclatant. La voile était concave.

Blaine dut fournir un effort physique pour utiliser l’interphone.

« Sinclair.

— Salle des machines. À vos ordres, commandant. »

Rod fut content de constater que Sinclair se trouvait sur une couchette anti-g. « Comment se comporte le bouclier ?

— Très bien, commandant. Température constante.

— Merci. » Rod était satisfait. La fonction de base du champ Langston était d’absorber de l’énergie. Même celle des particules radioactives ou des explosions de gaz et ce avec une efficacité proportionnelle au cube de la vitesse des projectiles. Au cours des combats, la furie des torpilles thermonucléaires et l’énergie photonique concentrée des lasers frappaient le bouclier et étaient dispersées, absorbées, contenues. Au fur et à mesure que les niveaux énergétiques augmentaient, le champ commençait à luire : son noir absolu devenant rouge, orange, jaune, grimpant le spectre coloré vers le violet.

C’était le problème principal que posait le champ Langston. Il fallait qu’il irradie cette énergie. Si on surchargeait le bouclier, celui-ci libérait en un flash aveuglant toute l’énergie emmagasinée, vers l’intérieur comme vers l’extérieur. Pour empêcher cela, il fallait toute la puissance des astronefs… et celle-ci s’ajoutait à l’énergie déjà stockée dans le champ. Quand le bouclier devenait trop chaud, les vaisseaux mouraient. Rapidement.

Normalement un bâtiment de guerre pouvait s’approcher très près d’un astre sans être en danger de mort : son champ Langston ne devenait jamais plus chaud que la température de l’étoile, à laquelle s’ajoutait la quantité de chaleur nécessaire à la maîtrise du système de protection du vaisseau. Mais, avec un soleil devant et un autre derrière lui, le champ du Mac-Arthur ne pouvait irradier son énergie que vers les côtés et devait le faire avec précaution, sous peine de subir des accélérations latérales. Or les côtés devenaient moins larges, les soleils plus proches et le bouclier plus chaud. Une légère coloration rouge apparut sur l’écran de Rod. Elle ne portait pas à conséquence, mais il fallait la surveiller.

La pesanteur normale fut rétablie. Rod alla rapidement à la passerelle et salua l’enseigne de quart. « Tout le monde aux postes de combat. »

Des sirènes se mirent à hurler partout dans l’astronef.

Cent vingt-quatre heures durant, l’intrus avait semblé ignorer complètement la présence du Mac-Arthur. Il avait toujours l’air de ne pas le voir et se rapprochait régulièrement.

La voile solaire semblait n’être qu’une vaste surface d’un blanc uniforme. Puis Renner repéra un petit point noir. Il ajusta son écran jusqu’à ce qu’il y vît un gros point noir, aux côtés aigus et dont l’image radar le situait quatre mille kilomètres plus près du Mac-Arthur que la voile qui le suivait.

« C’est notre cible, commandant, annonça Renner. Ils ont probablement tout mis dans une nacelle, tout ce qui n’est pas voilure. Un poids au bout des haubans qui équilibre la voile.

— Bien. Amenez-nous côte à côte avec lui, Renner. Whitbread, mes respects au chef de timonerie ; je veux envoyer des messages en clair. Sur autant de fréquences radio que possible, en faible puissance d’émission.

— Oui, commandant. Enregistrement.

— Bonjour, vaisseau à voile solaire. Ici, l’astronef impérial Mac-Arthur. Ici vous donnez nos-signaux de reconnaissance. Bienvenue en Néo-Calédonie, Empire de l’Homme. Nous souhaitons venir bord à bord. Veuillez accuser réception… Envoyez cela en anglique, en russe, en français, en chinois, en tout ce que vous voulez. S’ils sont humains, ils peuvent être originaires de n’importe où. »

Synchronisation vitesse moins quinze minutes. La pesanteur de bord changeait sans cesse sous l’impulsion de Renner qui commençait à accorder la vitesse du Mac-Arthur à celle de la nacelle.

Rod ne répondit pas tout de suite à l’appel de Sally : « Faites vite, Sally, je vous prie. Nous sommes en condition de combat.

— Oui, Rod, je sais. Puis-je venir sur la passerelle ?

— Bien peur que ce soit non. Tous les sièges sont occupés.

— Pas étonnant. Rod, je voulais seulement vous rappeler quelque chose. Ne vous attendez pas à ce qu’ils soient simples.