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Les cicatrices de la bataille étaient omniprésentes : de vilaines brûlures aux endroits où le champ Langston de protection du vaisseau avait subi une surcharge momentanée. Un trou, aux contours irréguliers, plus gros que le poing, traversait de part en part une des consoles auprès de laquelle deux techniciens œuvraient, comme emprisonnés à jamais dans le réseau des câbles qu’ils installaient. Rod Blaine considéra les taches noires qui maculaient sa tenue de combat. Il avait encore présente à l’esprit l’odeur des vapeurs métalliques et de la chair grillée et, à nouveau, il revoyait le feu et le métal en fusion surgir de la coque et balayer l’intérieur du vaisseau, sur sa gauche. Son bras gauche était soutenu contre sa poitrine par un bandage élastique et il pouvait retracer la plupart des activités de la semaine par les taches qu’il portait.

Et je ne suis à bord que depuis une heure ! pensa-t-il. Avec le patron à terre et le désordre partout. Je ne peux pas partir tout de suite ! Il se tourna vers l’enseigne « Sur-le-champ ?

— Oui, commandant. Le télex dit que c’est urgent. »

Alors rien d’autre à faire que d’obéir. Rod allait se faire vertement réprimander au retour du commandant. Le premier lieutenant Cargill, et l’ingénieur Sinclair étaient des hommes compétents mais Rod avait le commandement ; il était responsable des réparations, même s’il avait été absent du Mac-Arthur quand le vaisseau avait essuyé les tirs les plus ajustés.

L’aide de camp de Rod, un commando, toussota discrètement et indiqua du doigt l’uniforme taché. « Nous avons peut-être le temps de vous rendre plus… présentable ?

— Bonne idée. » Rod jeta un coup d’œil à l’indicateur de situation de navire pour être sûr. Oui, il lui restait une demi-heure avant de pouvoir prendre une navette vers la surface de la planète. Cela ne l’avancerait pas de partir plus tôt. Et ce serait un soulagement que de quitter sa tenue. Il ne s’était pas déshabillé depuis qu’il avait été blessé.

On dut envoyer un infirmier pour l’extraire de son uniforme. Le médic entailla le tissu armé collé à son bras et grommela : « Ne bougez pas, capitaine. Ce bras est cuit à point. » Son ton se fit désapprobateur. « Vous devriez être à l’infirmerie depuis une semaine.

— Guère possible », répondit Rod. Une semaine auparavant, le Mac-Arthur avait été engagé dans un combat contre un vaisseau de guerre rebelle qui l’avait touché, plus efficacement qu’il n’aurait dû, avant de se rendre. Après la victoire, Rod était parti comme maître de prise à bord du bâtiment ennemi et n’y avait pas trouvé d’installation médicale adéquate. Au fur et à mesure que l’armure se détachait, il sentait quelque chose de pire que l’odeur de la sueur d’une semaine. Un peu de gangrène peut-être.

« Oui, c’est cela. » Le médic coupa encore quelques fils. Le tissu était aussi résistant que l’acier. « Maintenant il va falloir passer en chirurgie, commandant. On va devoir enlever tout ça avant d’y appliquer les stimulateurs de régénération. Et pendant qu’on vous tiendra, on pourra rectifier ce nez.

— J’aime bien mon nez », lui dit Rod d’un ton froid. Il palpa son appendice légèrement tordu et se rappela la bataille au cours de laquelle il avait été cassé. Rod trouvait que cela le vieillissait, ce qui n’était pas plus mal à vingt-quatre ans standard. Et c’était la marque d’un succès mérité et non hérité. Rod était fier de l’histoire de sa famille mais il était des moments où la réputation des Blaine était un peu difficile à soutenir.

L’armure fut enfin retirée et on badigeonna son bras de Numbitol. Les stewards l’aidèrent à revêtir un uniforme bleu clair, orné d’une ceinture d’étoffe rouge, de galons dorés et d’épaulettes ; tout froissé mais plus présentable que les surtouts en monofibre. La vareuse rigide le meurtrissait, malgré l’anesthésie, mais il découvrit qu’il pouvait poser son avant-bras sur la crosse de son pistolet.

Une fois habillé, il monta à bord de la navette dans le pont-hangar du Mac-Arthur et le pilote fit passer celle-ci par les grandes portes de l’ascenseur de vol sans demander la stabilisation du vaisseau. C’était une manœuvre dangereuse mais cela allait plus vite. Les rétrofusées s’allumèrent et la petite chaloupe ailée plongea dans l’atmosphère.

NÉO-CHICAGO : planète habitée, secteur « trans-Sac à Charbon » (au-delà du Sac à Charbon), vingt parsecs environ de la Capitale. L’astre primaire du système est une étoile jaune de type F 9 appelée Beta Hortensis.

L’atmosphère est presque de type terrien et respirable sans aides, ni filtres. La pesanteur est de 1,08. Le diamètre de la planète est de 1,05 et la masse de 1,21 géo-unités, soit un corps céleste un peu plus dense que la normale. Néo-Chicago est inclinée à 41 degrés avec un apogée de rotation de 1,06 UA (unité astronomique) de rayon, modérément excentrique. Les variations saisonnières de température qui résultent de ces données ont réduit les zones habitées à une bande relativement mince autour de l’équateur.

Il existe un satellite naturel, à distance normale, appelé communément Evanston. L’origine de ce nom reste obscure.

70 pour 100 de la surface de Néo-Chicago est occupée par la mer. Les zones de terre sont surtout montagneuses et subissent une activité volcanique continue. Les grandes industries sidérurgiques de la période du Premier Empire furent presque toutes détruites lors des guerres de Sécession ; la reconstruction du potentiel industriel progresse de façon satisfaisante depuis l’admission de Néo-Chicago au sein du Second Empire en 2940 après J.-C.

La plupart des habitants résident dans une ville qui porte le même nom que la planète. Les autres centres de peuplement sont très éparpillés, aucun d’entre eux ne comptant plus de 45 000 âmes. La population globale de la planète était estimée par le recensement de 2990 à 6,7 millions d’habitants. Il existe, dans les montagnes, des villes où l’on extrait et traite le fer et dans les plaines, de grandes fermes. La production alimentaire de la planète couvre tous ses besoins.

Néo-Chicago possède une flotte spatiale marchande en expansion et est située à un endroit lui permettant de servir de centre d’échanges commerciaux interstellaires au niveau trans-Sac à Charbon. La planète est sous l’autorité d’un gouverneur général et d’un conseil nommés par le vice-roi du secteur trans-Sac à Charbon. On y trouve aussi une assemblée d’élus dont deux délégués ont été admis à siéger au parlement impérial.

Les mots défilant sur l’écran de son ordinateur de poche firent sourire Rod Blaine. Les données physiques étaient exactes mais tout le reste était dépassé. Les rebelles avaient changé ; même le nom de leur monde ; « Néo-Chicago » devenant « Dame Liberté ». Le gouvernement de la planète devrait être à nouveau complètement restructuré et elle perdrait probablement ses délégués ; elle perdrait peut-être même le droit de posséder une assemblée d’élus.

Il rangea le petit instrument et regarda vers le sol. Ils survolaient des régions montagneuses où rien ne témoignait de la guerre. Il n’y avait pas eu de bombardements de zone, Dieu merci.

Cela arrivait parfois : une ville-forteresse tenait grâce à des défenses planétaires basées dans l’espace. La Flotte n’avait pas le temps de mener des sièges prolongés. La politique de l’Empire était de mater les rébellions avec le moins possible de pertes en vies humaines – mais de les mater. Une planète rebelle qui résistait pouvait être réduite en un champ de lave luisante, avec pour seules survivantes, quelques villes protégées par les dômes sombres des champs Langston. Et ensuite ? Il n’y avait pas assez de vaisseaux pour transporter de la nourriture à des distances interstellaires. La famine et la peste s’ensuivaient.