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Bury noya dans un nouveau gobelet de vin le souvenir des premiers jours passés dans les écoles de la capitale. Il avait compris ! Mais son argent et celui de son père étaient déjà investis. D’Horace Bury, il ne fallait pas rire. Cela avait pris treize ans, mais ses agents avaient retrouvé l’officier qui lui avait donné son prénom. Les stéréographes de sa lente agonie étaient cachés dans la résidence de Bury, sur Levant. C’est lui qui avait ri le dernier.

Aujourd’hui, il achetait les hommes qui se moquaient de lui comme il achetait des votes au Parlement, ou des astronefs, et comme il avait presque acquis cette planète : Néo-Chicago. Et par le Prophète – mince ! – par le diable, il la posséderait quand même un jour ou l’autre. Le contrôle de Néo-Chicago donnerait à sa famille de l’influence, ici, au-delà du Sac à Charbon ; ici où l’Empire était faible et où l’on découvrait tous les mois de nouveaux mondes. Tout… tout serait alors permis.

Sa rêverie l’avait rasséréné. Il appela ses agents : l’homme qui s’occuperait de ses intérêts ici, et Nabil qui le servirait à bord du vaisseau de guerre. Nabil, un petit homme, bien moins grand qu’Horace, plus jeune qu’il ne le paraissait, avec un visage de furet qu’il savait déguiser de bien des façons, et des dons pour la dague et le poison, acquis sur dix planètes différentes. Horace Hussein Bury eut un sourire. Ainsi les Impériaux allaient le garder prisonnier à bord de leurs astronefs ? Tant qu’il n’y aurait pas de vaisseau en partance pour Levant, d’accord. Mais dès qu’ils atteindraient un astroport majeur, la tâche leur serait moins aisée.

Rod travailla trois jours sur le Mac-Arthur. Les réservoirs percés, le matériel détruit, tout cela devait être remplacé.

Les pièces détachées étaient rares et l’équipage du vaisseau passait des heures dans l’espace à cannibaliser les épaves de la flotte de guerre de l’Union, orbitant autour de Néo-Chicago.

Lentement, le Mac-Arthur retrouva son aptitude au combat. Blaine travailla avec Jack Cargill, maintenant son second et le commandant Jock Sinclair, le chef mécanicien. Comme beaucoup d’autres officiers mécanos, Sinclair venait de Néo-Écosse. Son accent était celui de tous les Néo-Écossais de l’univers. Ceux-ci avaient, on ne sait comment, réussi à le préserver comme un emblème de leur fierté à travers toutes les guerres de Sécession et même sur les planètes où l’on ne parlait plus le gaélique. En privé, Rod soupçonnait que ces Écossais travaillaient leur élocution pendant leurs loisirs pour rester inintelligibles au reste de l’humanité.

On souda les tôles de la coque : d’énormes morceaux de blindage arrachés aux vaisseaux unionistes et usinés à leurs nouvelles dimensions. Sinclair fit des miracles pour adapter l’équipement pris à Néo-Chicago aux exigences du Mac-Arthur. Et ils eurent enfin construit un assemblage de composants et de pièces détachées qui ressemblait à peine au plan initial de l’astronef. Les officiers de quart travaillèrent jour et nuit à expliquer et décrire les changements à l’ordinateur principal du vaisseau.

Cargill et Sinclair en vinrent presque aux mains au sujet de certaines des adaptations, Sinclair maintenant que l’important était de rendre le bâtiment apte à naviguer tandis que le premier lieutenant soutenait qu’il serait incapable de diriger les réparations du système de combat, parce que Dieu lui-même ne comprenait pas ce que l’on avait fait au vaisseau.

« Je n’ai pas à écouter vos blasphèmes », dit Sinclair tandis que Rod approchait. « Ne suffit-il pas que, moi, je sache ce qu’on lui a fait ?

— Pas à moins que vous ne vouliez aussi nous servir de cuisinier, espèce de quincaillier fou ! Ce matin, le cuistot du poste de garde n’a pas pu se servir de la cafetière ! Un de vos mécaniciens a pris la plaque de chauffage à micro-ondes. Alors bon sang vous allez rapporter ça…

— Ouais, on l’ôtera du réservoir numéro trois dès que vous m’aurez trouvé les pièces détachées de la pompe qu’elle remplace.

Vous n’êtes jamais content. Le vaisseau peut à nouveau se battre. Est-ce que le café a plus d’importance que ça ? »

Cargill inspira profondément et reprit : « Le bâtiment peut se battre, dit-il en affectant un accent enfantin, jusqu’à ce que quelqu’un y ouvre une brèche ! À ce moment-là il faudra réparer. Imaginez que j’aie à rafistoler ça », dit-il en posant la main sur quelque chose dont Rod était à peu près sûr que c’était un absorbeur-convertisseur d’air. « Cette saloperie donne maintenant l’impression d’être à demi fondue. Comment pourrais-je savoir ce qui est endommagé ? Ou même s’il y a réellement des dégâts ? Imaginez…

— Écoutez, vous auriez moins de problèmes, commença Sinclair avec un accent encore plus incompréhensible, si vous ne vous embêtiez pas avec…

— C’est fini ? Vous parlez comme tout le monde quand vous êtes en colère !

— Quel menteur ! »

C’est à ce moment-là que Rod estima qu’il ferait bien de se montrer. Il envoya le chef mécanicien à son extrémité de l’astronef et Cargill vers l’avant. Leurs disputes n’auraient de fin que lorsque le Mac-Arthur pourrait être complètement réarmé dans les chantiers de la Néo-Écosse.

Blaine passa une nuit à l’infirmerie sur ordre du médecin de bord. Il en sortit avec le bras immobilisé dans un énorme plâtre matelassé, gros comme un oreiller, accroché à lui. Pendant les quelques jours suivants, il se fit méchant et surnaturellement attentif, mais ne put surprendre personne en train de rire ouvertement de lui.

Trois jours après sa prise de commandement, Blaine effectua une inspection de l’astronef. Les travaux avaient cessé et le vaisseau avait été placé en rotation. Blaine et Cargill le visitèrent de fond en comble.

Rod était tenté de tirer avantage de son expérience récente en tant qu’officier en second. Il connaissait tous les endroits où un second paresseux serait susceptible d’économiser ses efforts. Mais c’était sa première inspection, le vaisseau sortait juste de réparation après une bataille et Cargill était un officier de trop bonne qualité pour laisser passer quoi que ce soit qu’il puisse faire corriger. Blaine effectua une revue tranquille, vérifiant les équipements importants mais laissant Cargill le guider pour le reste. Et ce faisant, il prit la décision de ne pas laisser cette occasion devenir un précédent. Quand il aurait davantage de temps libre, il inspecterait le vaisseau plus sévèrement.

Une compagnie entière de Marines gardait l’astroport de Néo-Chicago. Depuis la chute du générateur de champ Langston de la ville, il n’y avait plus eu de résurgence des hostilités. La majorité de la populace semblait accueillir les forces impériales avec un soulagement fatigué, plus convaincant que ne l’auraient été des applaudissements et des parades. Mais le soulèvement de Néo-Chicago avait beaucoup surpris l’Empire ; une reprise des combats ne serait pas inattendue.

Aussi les Marines patrouillaient-ils dans le port et gardaient-ils les vaisseaux impériaux, et Sally Fowler sentait leurs regards sur elle tandis qu’elle se dirigeait, avec ses domestiques, sous la chaleur du soleil, vers une chaloupe de transbordement. Cela ne l’ennuyait pas. Elle était la nièce du sénateur Fowler ; elle avait l’habitude d’être dévisagée.

Adorable, pensait un des gardes. Mais inexpressive. On pourrait penser qu’elle serait heureuse de sortir de ce camp d’internement puant, mais elle n’en a pas l’air. Sa sueur dégoulinait lentement sur ses côtes et il se disait : Elle ne transpire pas. Elle a été sculptée dans de la glace par le plus grand artiste qui ait jamais vécu.