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– Je vous préviens, qu'ils quittent vos frontières et je prendrai toutes les mesures qui sont en mon pouvoir pour les stopper.

– J'imagine que vous vous garderez bien d'en aviser le conseil. Je vous suis redevable, je ne vous dénoncerai pas, mais je ne vous couvrirai pas non plus. Comme vous me l'avez fait remarquer, je suis trop jeune dans mes nouvelles fonctions pour risquer de me compromettre.

– Je ne vous en demandais pas tant, répondit sèchement Ashton. Ne jouez pas à l'apprenti sorcier avec ces scientifiques, AMSTERDAM, vous ne mesurez pas les conséquences s'ils arrivaient à leur but, et ils sont déjà allés bien trop loin. Que comptez-vous faire d'eux puisque vous les avez sous la main ?

– Je leur confisquerai leur matériel et les ferai expulser vers leurs pays respectifs.

– Et Ivory, il est avec eux, n'est-ce pas ?

– Oui, je vous l'ai déjà dit, et que voulez-vous que je fasse, nous n'avons rien à lui reprocher, il est libre de circuler comme bon lui semble.

– J'ai une petite faveur à vous demander, prenez cela comme une façon de me remercier pour ce poste que vous semblez si heureux d'occuper.

*

*     *

Université de Virje

Ubach avait allumé le projecteur suspendu au plafond. Les images filmées en haute définition par les caméras avaient été stockées sur le serveur de l'université, il nous faudrait attendre plusieurs heures avant que le logiciel de décompression finisse de les traiter. Keira et moi demandâmes que les calculateurs concentrent leurs efforts sur la dernière séquence à laquelle nous avions assisté. Ubach pianota sur son clavier et envoya une série d'instructions à l'ordinateur central. Les processeurs graphiques effectuaient leurs algorithmes tandis que nous attendions.

– Soyez patients, nous dit Ubach, cela ne va plus tarder. Le système est un peu lent le matin, nous ne sommes pas les seuls à le solliciter.

Enfin la lentille du projecteur commença à s'animer, elle projeta sur le mur les sept dernières secondes du déroulement que nous avaient dévoilé les fragments.

– Arrêtez-vous là, s'il vous plaît, demanda Keira à Ubach.

La projection se figea sur le mur, je m'attendais qu'elle perde en netteté, comme chaque fois que l'on fait un arrêt sur image, mais il n'en fut rien. Je compris mieux pourquoi il nous avait fallu patienter si longtemps pour visionner les sept dernières secondes. La résolution était telle que la quantité d'informations à traiter pour chaque image devait être colossale. Loin de partager mes préoccupations techniques, Keira s'approcha de la projection et l'observa attentivement.

– Je reconnais ces circonvolutions, dit-elle, ce trait qui serpente, cette forme qui fait penser à une tête, cette ligne droite, puis ces quatre boucles, c'est une partie de la rivière Omo, j'en suis presque certaine, mais il y a quelque chose qui cloche, là, dit-elle en désignant l'endroit où brillait le point rouge.

– Qu'est-ce qui ne va pas ? questionna Ubach.

– Si c'est bien la partie de l'Omo à laquelle je pense, on devrait y voir un lac, à droite sur cette image.

– Tu reconnais ce lieu ? demandai-je à Keira.

– Évidemment que je le reconnais, j'y ai passé trois ans de ma vie ! L'endroit que ce point désigne correspond à une minuscule plaine, encerclée d'un sous-bois en lisière de la rivière Omo. Nous avions même failli y entreprendre des fouilles, mais la position était trop au nord, trop éloignée du triangle d'Ilemi. Ce que je te dis n'a aucun sens, si c'était bien l'endroit auquel je pense, le lac Dipa devrait apparaître.

– Keira, les fragments que nous avons trouvés ne composent pas seulement une carte. Ensemble, ils forment un disque qui contient probablement des milliards d'informations, même si, malheureusement pour nous, le morceau manquant contenait la séquence qui m'intéressait le plus, mais qu'importe pour l'instant. Ce disque mémoire nous a projeté une représentation de l'évolution du cosmos depuis ses tout premiers instants, jusqu'à l'époque où il fut enregistré. En ces temps reculés, le lac Dipa n'existait peut-être pas encore.

Ivory nous rejoignit et s'approcha du mur, examinant l'image attentivement.

– Adrian a raison, il faut que nous obtenions maintenant des coordonnées précises. Avez-vous dans vos serveurs une carte détaillée de l'Éthiopie ? demanda-t-il à Ubach.

– Je suppose que je dois pouvoir trouver cela sur Internet et la télécharger.

– Alors faites-le s'il vous plaît et essayez de voir si vous pourriez la superposer à cette image.

Ubach retourna derrière son pupitre. Il chargea la carte de la corne de l'Afrique et fit ce qu'Ivory lui avait demandé.

– À part une légère déviation du lit de la rivière, la correspondance est quasiment parfaite ! dit-il. Quelles sont les coordonnées de ce point ?

– 5° 10' 2'' 67 de latitude nord, 36° 10' 1'' 74 de longitude est.

Ivory se retourna vers nous.

– Vous savez ce qu'il vous reste à faire..., nous dit-il.

– Il faut que je libère ce laboratoire, nous dit Ubach, j'ai déjà décalé les travaux de deux chercheurs pour vous satisfaire. Je ne le regrette pas, mais je ne peux pas mobiliser cette salle plus longtemps.

Wim entra dans la pièce au moment même où Ubach venait de tout éteindre.

– J'ai raté quelque chose ?

– Non, répondit Ivory, nous nous apprêtions à partir.

Alors qu'Ubach nous amenait à son bureau, Ivory ne se sentit pas bien. Une sorte de vertige l'avait saisi. Ubach voulut appeler un médecin mais Ivory le supplia de n'en rien faire, il n'y avait pas de raison de s'inquiéter, c'était juste un coup de fatigue, assura-t-il. Il nous demanda si nous aurions la gentillesse de le raccompagner à son hôtel, il s'y reposerait et tout irait mieux. Wim proposa aussitôt de nous y conduire.

De retour au Krasnapolsky, Ivory le remercia et l'invita à nous retrouver autour d'un thé en fin d'après-midi. Wim accepta l'invitation et nous laissa. Nous soutînmes Ivory jusqu'à sa chambre, Keira déplia le couvre-lit et je l'aidai à s'allonger. Ivory croisa ses deux mains sur sa poitrine et soupira.

– Merci, dit-il.

– Laissez-moi appeler un médecin, c'est ridicule.

– Non, mais pourriez-vous me rendre un autre petit service ? demanda Ivory.

– Oui, bien sûr, répondit Keira.

– Allez regarder à la fenêtre, écartez discrètement le rideau et dites-moi si cet imbécile de Wim est bien parti.

Keira me regarda, intriguée, et s'exécuta.

– Oui, enfin, il n'y a personne devant l'hôtel.

– Et la Mercedes noire avec les deux abrutis à l'intérieur, garée juste en face, elle est toujours là ?

– Je vois en effet une voiture noire, mais d'ici je ne peux pas vous dire si elle est occupée.

– Elle l'est, croyez-moi ! répliqua Ivory en se levant d'un bond.

– Vous devriez rester allongé...

– Je n'ai pas cru une seconde au petit malaise de Wim tout à l'heure et je doute qu'il ait cru au mien, cela nous laisse peu de temps.

– Mais je pensais que Wim était notre allié ? dis-je, surpris.

– Il l'était jusqu'à ce qu'il soit promu. Ce matin, vous ne parliez plus à l'ancien assistant de Vackeers, mais à l'homme qui le remplace, Wim est leur nouvel AMSTERDAM. Je n'ai pas le temps de vous expliquer tout cela. Filez dans votre chambre et préparez vos bagages pendant que je m'occupe de vos billets. Retrouvez-moi ici dès que vous serez prêts, et dépêchez-vous, il faut que vous ayez quitté la ville avant que le piège se referme, s'il n'est pas déjà trop tard.

– Et nous allons où ? demandai-je.

– Où voulez-vous aller ? En Éthiopie bien sûr !

– Hors de question ! C'est trop dangereux. Si ces hommes, dont vous ne voulez toujours rien nous dire, sont à nos trousses, je ne remettrai pas la vie de Keira en danger, et ne cherchez pas à me convaincre du contraire !