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L’époque, d’autre part, avait la puce en poupe ! Peut-être par attention naturelle, mais sans doute aussi à cause de l’expression, la puce eut ses heures de gloire dans le domaine érotique. En 1579 tout un recueil de vers lui fut consacré sous le titre La Puce de Mademoiselle Desroches. La jeune fille ainsi nommée avait en effet suscité de la part de divers poètes une série de vers coquins, et elle en avait elle-même écrit sur ce sujet chatouilleux. Voici par exemple ceux que lui avait dédiés E. Pasquier :

Pleust or à Dieu que je pusse Seulement devenir une pulce : Tantost je prendrois mon vol Tout en haut de ton col, Ou d’une douce rapine Je sucerois ta poitrine ; Ou lentement, pas à pas, Je me glisserois plus bas : Là, d’un muselin folastre Je serois pulce idolastre, Pincetant je ne say quoy Que j’aime trop plus que moy.

Il s’ensuivit une mode des puces liées à l’« objet aimé », qui dura presque un demi-siècle. Au XVIIe, un soupirant qui avait la chance de capturer une puce sur le corps de sa belle l’attachait avec une minuscule chaîne en or, ou bien, reprenant la fantaisie de Panurge, la faisait enchâsser dans un médaillon et « la portait au cou comme une relique. » (P. Larousse.)

À la fin du siècle, Furetière concluait : « On dit que quelcun a la puce à l’oreille, quand il est fort éveillé, ou quand il a quelque passion agréable qui l’empêche de dormir. » Au XVIIIe, le mot faisait encore image ; c’est sur la même équivoque « oreille, coquille », que joue Diderot dans Jacques le Fataliste, en même temps que sur la démangeaison prémonitoire, lorsque le héros blessé entend dans la chambre voisine les ébats nocturnes de sa jeune hôtesse et de son mari :

« … je suis sûre que je vais être grosse !

— Voilà comme tu dis toutes les fois.

— Et cela n’a jamais manqué quand l’oreille me démange après, et j’y sens une démangeaison comme jamais.

— Ton oreille ne sait ce qu’elle dit.

— Ne me touche pas ! laisse là mon oreille ! laisse donc, l’homme ; est-ce que tu es fou ?…

[…]

— Ah ! Ah !

— Eh bien ! qu’est-ce !

— Mon oreille !…

— Eh bien ! ton oreille ?

— C’est pis que jamais.

— Dors, cela se passera.

— Je ne saurais. Ah ! l’oreille ! ah ! l’oreille !

— L’oreille, l’oreille, cela est bien aisé à dire…

« Je ne vous dirai point ce qui se passait entre eux ; mais la femme, après avoir répété l’oreille, l’oreille plusieurs fois de suite à voix basse et précipitée, finit par balbutier à syllabes interrompues l’o… reil… le, et à la suite de cette o… reil… le, je ne sais quoi, qui, joint au silence qui succéda, me fit imaginer que son mal d’oreille s’était apaisé d’une ou d’une autre façon, il n’importe : cela me fit plaisir. Et à elle donc ! »

Avoir la gaule

C’est avoir une « érection naturelle de la verge » comme dit Furetière pour « bander »… L’expression paraît dater de la fin du XIXe siècle :

Nibé, Môme !… Alorss… t’es ma « neuve » ? Ben, j’en r’viens pas… j’en suis comm’ saoul, j’peux pus cracher… j’ai l’sang qui m’bout ; tu parl’s si pour toi j’ai la gaule !
(Jehan Rictus, Le Cœur populaire, v. 1900.)

Au-delà de l’idée de simple bandaison, toutefois, avoir la gaule semble exprimer à la fois une effusion générale de tout le corps, de désir éperdu, comme dans l’exemple de Rictus, et aussi une bonne santé, une satisfaction proche de la joie de vivre. La gaule est un outil agreste et léger, qui est au cueille-fruits ce qu’une partie de jambes en l’air est au planning familial. C’est vrai que pour bien bander il faut avoir le moral…

Voici une utilisation récente du mot qui permet de rapprocher le poète Jehan Rictus et le poète Renaud Séchan, dit Renaud :

T’as p’t’ête raison j’te parle comme un vieux con, Mais j’suis un vieux con vivant, j’ai la gaule j’suis content. Toi t’as les boules, moi j’ai la frite, C’est pas du Bashung, non mon pote, c’est du Nietzsche.
(Renaud Séchan, La blanche, 1981.)

Avoir la trique

C’est aussi une vigoureuse érection, mais davantage de l’ordre de la description physique, ou de l’observation physiologique ; avoir la trique c’est sans connotation morale — sans auréole.

« Après dix-neuf heures de sommeil continu, Pierrot se réveille consterné.

— Je bande pas ! il s’écrie.

Il contemplait son entrecuisse barbouillé de sang avec l’air désemparé d’une fillette non prévenue devant ses premières règles.

— Eh ! Jean-Claude ! je bande pas !

— Ben quoi ? Moi non plus !… Je vois pas pourquoi on banderait ! Elle est pas là, Kiki Caron !

— D’habitude, le matin, j’ai la trique… »

(B. Blier, Les Valseuses, 1972.)
MAINS À LA PÂTE

Pelotage et patinage

Pelotage et patinage sont les deux mamelles de la fornication. Le premier terme a supplanté le second dans l’expression des attouchements et tripotages lascifs durant la seconde moitié du XIXe siècle où tous deux avaient également cours.