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Patiner est venu d’abord. « Promener indiscrètement les mains sur la robe d’une femme pour s’assurer que l’étoffe de dessous en est aussi moelleuse que celle du dessus », dit benoîtement Alfred Delvau en 1864. Le mot signifie « manier », et particulièrement de la viande, ou des fruits ; il était constant au XIXe siècle, au sens « libre », mais la chose elle-même paraissait un peu rude aux gens raffinés. « S’approchant des comédiennes, il leur prit les mains sans leur consentement, et voulut un peu patiner : galanterie provinciale, qui tient plus du satyre que de l’honnête homme. » (Scarron, Roman comique, 1651.) Furetière fait chorus en 1690 : « On dit aussi, qu’on patine une femme, quand on luy manie les bras, le sein, etc. Il n’y a que les paysannes et les servantes qui se laissent patiner. Ce n’est point la mode de patiner parmy le beau monde. »

On patina, cependant, peu ou prou, deux siècles encore dans le petit monde où l’on n’arrête point les plaisirs sur ordre de bienséance. Ces caresses avaient la réputation d’amollir les personnes ; une poissonnière des Halles écarte ainsi un soupirant : « T’es bin délicat avec ta perruque à jour. Allons, nous patine pas tant, ça nous amollit. C’pendant j’taime à cause d’ta mine r’venante. » (Le Panier de maquereaux, 1764.)

Parmi les catins du bon ton, Plus d’une, de haute lignée, À force d’être patinée Est flasque comme du coton.
(E. Debraux, 1832.)

Le verbe peloter a pris naissance chez les joueurs de paume, à cause de la balle, la « pelote », que l’on maniait. « Peloter — dit Furetière — Joüer à la paume pour s’exercer, ou passer le temps, sans joüer partie réglée. On dit figurément, qu’un homme pelote en attendant partie, quand il s’amuse à quelque léger divertissement en attendant un meilleur. » (1690.) C’était déjà la porte ouverte à un sens grivois ; le pas fut vite franchi, et se peloter acquit bientôt l’acception de se bagarrer, se lutiner, et, dans une joute d’amoureux, se caresser. On trouve ainsi le mot employé dans son sens quasi actuel en plein XVIIIe siècle, dans un passage des Porcherons où les gaillards et leurs poissardes vont faire la fête dans les fameux cabarets hors-les-murs. Le contexte érotique de cet échange de partenaires est sans ambiguïté, et suggère par « se pelote » des agaceries pas du tout innocentes :

De tacites conventions Autorisent leurs passions ; Point d’humeur, point de jalousie, C’est affaire de fantaisie : Il faudrait encore que Javote Avec le Bastien se pelote, Pour qu’également son Charlot Devint de Suson le ballot. Les amants feraient la navette Et ce serait nôce complète.
(Les Porcherons, 1773.)

Dès la fin du XIXe siècle l’évolution était consommée : les pelotages avaient remplacé les patinages.

Dis, Môm’, maint’nant y faut m’montrer tes beaux petits rondins bombés… Donne… ah ! ben vrai, c’qu’y sont gentils ! (c’est pas ces gros tétons d’borgeoise qui dégoulin’nt jusqu’au nombril !) Ben dis donc ! Moi j’veux les p’loter ; euss ont deux bell’s petit’s framboises qui donnent envie d’les boulotter !
(Jehan Rictus, Le Cœur populaire, v. 1900.)

Peloter a conservé quelque chose de ses origines bouliques dans la mesure où l’on pelote essentiellement les rotondités du corps : les seins principalement, les fesses, et réciproquement les « balloches »… C’est demeuré longtemps les premières armes timides des adolescents :

« Qu’est-ce qu’elle attend de moi ? Je sens ses petits seins contre ma poitrine, tout petits mais durs, et vivants, des seins de chienne, j’ai envie de les prendre dans mes mains, une terrible envie. Mais n’est-ce pas ce qu’on appelle “peloter” ? Une fille comme ça, bien élevée, délicate et tout, si je lui fais un truc aussi grossier elle va me filer une baffe et se tailler aussi sec. J’en rougis d’avance. » (Cavanna, Les Russkoffs, 1979.)

Mettre la main au panier

Mettre la main au panier est une expression grivoise, euphémisme un peu rude de « mettre la main au cul » à une femme, dont les traces écrites sont relativement récentes — la fin du XIXe. Il est donc difficile de savoir si elle date, comme on le dit couramment, de l’époque où les femmes portaient des « paniers à baleines » autour de la taille pour faire gonfler leurs robes et leur donner les silhouettes que l’on voit sur les gravures du XVIIIe siècle.

Cependant, au cas où l’expression serait vraiment ancienne et aurait seulement échappé à la plume des chroniqueurs érotiques, on peut se demander si les robes à paniers de l’époque Louis XV ont réellement inspiré la métaphore, car « mettre la main au panier » est une façon de parler assez crue, dont il n’est pas certain du tout qu’elle ait pu naître dans les salons huppés où la mode avait cours. De plus elle signifie mettre la main au sexe, carrément, et non pas la glisser vaguement sous les jupes des dames…

Par contre, le « panier » est un des désignatifs du sexe de la femme depuis fort longtemps. Au XVIe siècle on disait déjà « avoir son panier percé » pour « perdre son pucelage. » Pourquoi cette image éloquente ? Bien sûr, je l’ai dit, le sexe peut engendrer n’importe quelle image… Cependant il faut voir que ce qui est aujourd’hui le pénil, le « mont de Vénus » — dit autrement la « touffe » — s’appelait dès l’ancienne langue le poinil ou panil. Mettre la main sur le panil d’une fille paraît un geste assez naturel dans les échanges amoureux de tous les temps. On trouve déjà le mot et la chose dans un fabliau du XIIIe, De la demoiselle qui ne pouvait ouïr parler de foutre, où un galant faux naïf détaille l’anatomie de la belle en lui posant des questions hypocrites :