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Une partie de jambes en l’air

Dans l’état actuel des connaissances il est bien difficile de savoir avec précision à quel moment de l’Histoire sont apparues les « parties de jambes en l’air » !… Le plus probable c’est que la position joyeuse qu’évoque cette expression-là n’a pas d’âge. En tout cas la voici passablement décrite en 1618, dans le Cabinet Satyrique, où la « belle Margot » se donne du bon temps avec le Sieur de Sigogne :

Des jambes son col accolle, Et pendant qu’au branle du cul Ses pieds passaient la cabriole Voici revenir son cocu.

L’expression faire une partie, sans précision, existait déjà dès le XVIIIe : « Veux-tu faire une partie, Margoton ? Tiens, pose là ton inventaire. — Ah ben oui ! eune partie avec un croc de billard ! » (Rétif de la Bretonne.) La jambe en l’air n’a eu qu’à s’ajouter comme d’elle-même, probablement dans le dernier tiers du siècle passé. E. Chautard (L’Étrange vie de l’argot) relève l’expression complète en 1883 : « faire une partie de jambes en l’air (1883), l’acte charnel. »

Ces habitudes lestes se sont heureusement transmises jusqu’aux temps présents. « C’était contre la cloison du 17 qu’il avait collé son oreille. De l’autre côté, ils avaient vraiment trop bu. Les filles gloussaient à tous propos, fin saoules. On entendait des bruits de baisers sonores. Puis les rires avaient été plus étouffés, plus plaintifs, les silences plus longs. Le lit grinçait (…) Après, ç’avait été une fameuse partie de jambes en l’air. M. Hermès n’en avait pas dormi de la nuit. » (R. Guérin, L’Apprenti, 1946.)

Les expressions s’allègent parfois avec le temps, la « jambe en l’air » tend maintenant à faire cavalier seul : « Paraît qu’elle en a dépanné plus d’un pour la bricole, la Rolande. Paraît que beaucoup lui doivent leurs débuts dans la jambe en l’air. Et même pas mal de ceux qui la chambrent au passage. Des ingrats, en fait. » (Berroyer, J’ai beaucoup souffert, 1981.)

Tirer un coup

On entre là dans les rudesses des métaphores balistiques. Il faut savoir qu’avant la propagation des armes à feu on rompait des lances, expression de joute et de tournois qui fut courante pendant tout le XVe siècle pour les ébats du lit ; Montaigne disait encore en 1580 : « Le marié ayant envie de rompre un bois en faveur de sa nouvelle épouse… »

La notion de coup, sexuellement parlant, remonte au moins au XVe siècle ; témoin ce passage des œuvres de Coquillart, avec la vieille expression « coup à demi pécune », qui signifiait : « faveur d’amour à moitié donnée, à moitié vendue. »

Elle est bien si estourdie Que de cuider, ou de penser La chair d’un homme assouvie, D’une femme et de s’en passer, Que de baiser et d’embrasser, Voire à Dieu, passer sa fortune, Assez, assez, trop d’avancer Pour ung coup à demi pécune.
(Coquillart, 1491.)

Au XVIIe tirer un coup est déjà d’usage fréquent ; en voici un exemple agréable dans cette petite histoire du Cabinet Satyrique de 1618 :

Un bon mari, des meilleurs que l’on face, Venu de loin plus tôt qu’il ne devait Sa femme voit dormant de bonne grâce Que ces reins frais sur la plume couvait. Il y prend goût, d’un masque se pourvoit ; Il niche et joue, elle le trouve doux. Quand le bon Jean eut tiré ces grands coups Se démasqua ; lors le voyant la belle Et qu’est ceci mon mari ? (ce dit-elle), Je pensais bien que fût autre que vous.

La métaphore n’a dès lors jamais failli jusqu’à nos jours. Je n’en donnerai qu’un bref florilège puisé aux meilleurs auteurs du siècle dernier : « J’ai passé vingt et un jours à Valence sans m’ennuyer, mais j’y ai tiré une trentaine de coups. J’avais quatre filles en activité de service, appelées toutes les quatre Vicenta, saint Vincent est le patron de la ville. » (Mérimée, Lettre à Stendhal du 30 avril 1835.) Jehan Rictus pour sa part note ainsi dans son journal, au 5 décembre 1898, la relation de sa visite à une chanteuse dans sa loge : « Elle a ma foi de fort beaux tétons et la peau fine et blanche. Apprivoisée, elle devient lubrique — et malgré les bruits et les rumeurs du couloir, nous tirons un coup, avec des soupirs étouffés et des rires. »

La forme tirer son coup donne à l’expression un tour plus personnalisé qui ne va pas sans une légère teinte d’égoïsme :

« En régie, un technicien envoie un bobineau préenregistré. Il consulte sa Seiko à quartz. Il dit à son collègue :

— Plus qu’une heure à tirer, mec.

Il bâille. L’air sec qui fait ça. Il dit aussi :

— Faut que je pense à acheter de la bière avant de rentrer à la maison. Je bois toujours de la bière quand j’ai tiré mon coup. »

(J. Vautrin, La canicule, 1982.)

Tirer sa crampe

Depuis le XVIIe siècle, au moins, une crampe désigne l’érection.

Le grivois, à l’aspect des lieux qu’il envisage Où nichent mille attraits qu’il lorgne tour à tour, Se sent atteint d’une crampe d’amour.