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On disait autrefois « à bride avallée », c’est-à-dire au sens propre « descendue. » Après leur débarquement en l’île d’Utopie, Pantagruel et ses compagnons voient « six cent soixante chevaliers montez à l’advantaige sur chevaulx légiers, qui accouroient là veoir quelle navire c’estoit qui estoit de nouveau abordée au port, et couroient à bride avallée pour les prendre s’ils eussent peu. »

Ronger son frein

Le cheval n’a pas d’embrayage mais il a un frein ! C’est la barre de fer — elle pouvait être d’argent ou d’or chez les princes — qui, comme dit Furetière, « se met sur la bouche du cheval pour la tenir sujette. » C’est la même chose que le mors. Le cheval au repos mâche et remâche cet instrument en attendant d’avoir à nouveau l’autorisation de se dégourdir les jambes. « On dit proverbialement Ronger son frein, pour dire, cacher le dépit qu’on a d’une injure dont on ne se peut venger. » (Furetière.)

Prendre le mors aux dents

Quand le cheval en a assez de suivre la volonté de son maître, il agrippe les branches du frein — ou mors — avec les incisives, empêchant ainsi l’engin de lui tirer douloureusement les commissures des lèvres. Il peut dès lors en faire à sa tête. « On dit figurément, Prendre le mors aux dents, pour dire, prendre une bonne résolution & l’exécuter. » (Furetière.)

Une vieille habitude apparemment chez les chevaux ; vers 1225, dans le Roman de la Rose de G. de Lorris, Raison conseille à l’amoureux de se ressaisir contre sa propre passion :

Prens durement au denz le frain Si dente [94] ton cuer et refrain. Tu doiz metre force et desfense encontre ce que tes cuers pense.

Prendre ombrage

Le cheval est un animal soupçonneux, qu’un rien inquiète. Il a fallu toute la persévérance et la ruse humaines pour le convaincre de participer, par exemple, aux batailles. Normalement le cheval est effrayé par tout ce qui bouge de façon soudaine, même si c’est une ombre, ce qui fait placer sur son harnais des œillères, spécialement destinées à éviter qu’il ne « prenne ombrage » à tort et à travers.

Une histoire célèbre de cheval particulièrement ombrageux est celle que raconte Pline du cheval d’Alexandre, et que Rabelais met dans la bouche de Grantgouzier : « Philippe, roy de Macedone, congneut le bon sens de son fils Alexandre à manier dextrement un cheval. Car ledict cheval estoit si terrible et efrené que nul ne ouzoyt monter dessus, par ce que à tous ses chevaucheurs il bailloit la saccade, à l’un rompant le coul, à l’aultre les jambes, à l’aultre la cervelle, à l’aultre les mandibules. Ce que considérant Alexandre en l’hippodrome (qui estoit le lieu où l’on pourmenoit et voltigeoit les chevaulx), advisa que la fureur du cheval ne venoit que de frayeur qu’il prenoit à son umbre. Dont, montant dessus, le feist courir encontre le soleil, si que l’umbre tumboit par darrière, et par ce moien rendit le cheval doulx à son vouloir. »

C’est donc à l’imitation de son ami le cheval que l’homme s’emporte sur un soupçon. « Les fréquentes visites d’un cavalier donnent de l’ombrage aux maris jaloux », note Furetière.

Prendre la mouche

« Volonté de folle et vache qui mouche sont trop fors à tenir », dit un ancien proverbe. Tout autant que le cheval c’est en effet la vache qui prend la mouche. P.-J. Héliaz fait une description précise de la chose dans le cas d’un bœuf : « Un taon peut se glisser sous sa queue et c’est la déroute, aveugle, éperdue, la corde entre les jambes, le pieu battant les flancs et l’échine quand la bête secoue vainement les cornes. » (Le Cheval d’orgueil.) En effet la notion de « mouche » était autrefois très extensible, et allait jusqu’à la mouche à miel : l’abeille. Comme on s’en doute c’est surtout la mouche à bœufs, ou mouche bovine, autrement dit le taon, énorme, au dard aigu, qui provoque ces fureurs soudaines et à première vue inexplicables.

« On dit aussi Prendre la mouche, pour dire, se piquer, se fâcher sans sujet et mal à propos. Et lorsque quelqu’un s’emporte, se met en colère sans qu’on sache pourquoi, sans qu’il paraisse en avoir eu le moindre sujet, on demande quelle mouche l’a piqué. » (Furetière.)

Naturellement c’est affaire d’épaisseur de cuir. On disait au XVIIe siècle « être tendre aux mouches », pour dire « avoir le cœur facile aux moindres émotions, ressentir vivement les moindres désagréments. » C’était le cas de Mme de Sévigné : « En vérité — dit-elle — la vie est triste quand on est aussi tendre aux mouches que je le suis. »

Un coup de pied en vache

Le cheval rue. C’est-à-dire qu’il est capable de vous lancer noblement les deux pieds à la fois en pleine figure, à condition que vous soyez placé juste derrière lui. La vache non, ou très exceptionnellement. Elle est trop lourde.

Elle ne sait guère lancer qu’un seul pied à la fois. Par contre, elle peut vous l’envoyer à l’improviste, aussi bien vers l’avant, que par côté, un peu à la façon d’un karatéka… Chacun sa technique. La sienne est si connue qu’on en a fait un temps un pas de danse. « En terme de danse — signale Furetière — on appelle “rut de vache”, un pas où l’on jette le pied à côté. »

Or il arrive que certains chevaux particulièrement vicieux, négligeant la belle ruade spectaculaire de leur espèce, puissent eux aussi vous allonger un coup de pied en travers, d’une seule jambe, lorsque vous passez à côté d’eux. C’est cela que les cavaliers appellent le coup de pied « en vache », précisément parce que cette technique n’appartient pas en principe à leur catégorie. Mais il est fréquemment employé dans le commerce, l’industrie, et généralement dans une foule d’activités humaines !

L’expression, qui apparut vers le milieu du siècle dernier, était promise à une belle carrière. « Aucun d’eux n’a le culot de dire carrément son opinion, et de telles séances ne paraissent avoir d’autre objet que le plaisir que prennent deux hommes à s’adresser publiquement, tout en s’offrant leurs sourires vinaigrés, à s’adresser, dis-je, dans les côtes et dans les tibias des renfoncements meurtriers et des coups de pied en vache. » (Jehan Rictus, Le cas Edmond Rostand, 1905.)

Tenir la dragée haute

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Dompte.