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dit un texte du XIIIe ; et Collerye en 1536 :

Par ce temps froit, or, argent m’ont en haine ; Roupye au nez, la toux, et courte alaine M’ont assally…

Donc on comprend fort bien que la roupie en elle-même représente une valeur assez négligeable. Mais pourquoi sous-entendre que celle du sansonnet est encore plus médiocre ?… On a dit autrefois « de la roupie de singe », ce qui s’entend, l’animal étant parfois roupieux de nature. Mais le sansonnet est un vulgaire petit étourneau dont on ne sache pas qu’il soit particulièrement morveux !… À moins qu’il n’y ait là un jeu de mots bien déguisé : de la roupie de « sens-son-nez » ? C’est bizarre tout de même…

Curieux aussi qu’en certains endroits « roupie » ait désigné le rouge-gorge, particulièrement dans la région d’Angers.

Enfin, l’essentiel c’est d’avoir la santé !

Une fine mouche

La mouche, j’ai le regret de le dire, a rarement été l’objet d’une grande considération parmi les peuples. On dit que jamais aucune mouche ne pénétra dans le Temple de Salomon, et selon une légende mahométane toutes les mouches sont destinées à périr, à l’exception d’une seule : la mouche à miel (voir p. 209). Les Grecs sacrifiaient un bœuf à Zeus pour le conjurer de les préserver des mouches, et Pline raconte qu’à Rome un sacrifice était dédié aux insectes eux-mêmes, mais c’était dans le même but de préservation. Pour les Hébreux, Belzébuth, dont le nom signifie le « dieu des mouches », est devenu l’exemple même de la fausse divinité, tandis que chez les chrétiens il apparaît, avec Lucifer et Satan, comme une des appellations du diable en personne.

On s’est moqué de la mouche ; on l’a avilie. Dans le Roman de Renart, par exemple, Dame Hersant insulte en ces termes sa rivale, la femme de Renart :

… plus estez pute que mouche qui en esté les genz entouche.

C’est dans ce contexte de mépris généralisé que dès le XVe siècle au moins une mouche a désigné un espion au service d’un puissant : « Il n’y a rien qui rende tant odieux les tyrans que les mouches, c’est-à-dire les espions qui vont partout espiant ce qui se fait et qui se dit », juge Amyot. Plus tard la mouche, avec son dérivé péjoratif le « mouchard », s’est appliqué également aux agents de police spécialisés dans la filature. « Mouche — explique Furetière — se dit figurément d’un Espion, de celui qui suit un autre pas à pas. Entre les sergents il y en a un qui fait la mouche, qui suit tous les pas de celui qu’ils veulent prendre, & qui marque la piste au coin de toutes les rues où il passe : c’est de là qu’on a dit, une fine mouche, pour dire un homme qui a de la finesse, de l’habileté pour attraper les autres. »

Pas piqué des vers

On dit d’une histoire, d’une situation, d’une anecdote, d’une chanson, qu’elle n’est pas piquée des vers, quand elle est généralement excellente en son genre, et cela signifie qu’elle est drue, quelquefois un peu verte, et même, peut-être, franchement salace.

Le ver est depuis toujours ce qui gâte, qui ronge, aussi bien les chairs que les végétaux ; c’est le « principe de corruption » des anciens, le symbole du vieillissement, du périssable. La locution piqué de vers était déjà en usage au XVIIe siècle, au sens propre, appliquée aux étoffes mitées et au bois vermoulu. « Ver — dit Furetière en 1690 — se dit aussi d’une certaine tigne, ou petit animal qui s’engendre dans les étoffes, ou dans les bois qui sont vieux. Ce bois, ces étoffes ne valent rien, elles sont piquées de vers. »

« Ne pas être piqué des vers » signifie donc à l’inverse jeune, sain, solide, encore dans toute sa vigueur.

L’expression apparaît avec une valeur métaphorique vers le premier tiers du XIXe siècle, pour désigner une personne jeune et vigoureuse. On relève une première attestation en 1832, dans Les Amours de Mahieu — Mahieu, ce personnage de bossu, franc luron paillard, petit bourgeois au parler dru dont les caricatures firent florès sous la Monarchie de Juillet, se vante de la conquête d’une belle fille :

C’est qu’elle n’était pas piquée des vers, C’est c’qu’il faut à Mahieu !

Le sens est : une fille jeune et fraîche, une « belle plante », propre à la joute amoureuse de l’insatiable bossu[100].

C’est encore cette valeur au premier degré qui demeure en 1867, glosée par Delvau : « Ne pas être piqué des vers. Être bien conservé, avoir de l’élégance, de la grâce — dans l’argot du peuple qui emploie cette expression à propos des gens et des choses. »

Trente ans plus tard l’expression avait évolué vers son sens actuel ; elle s’était dématérialisée, passant à des situations, des événements « pas piqués des vers », tout en conservant l’idée de vigueur. Dans ce passage du Père Peinard, à la fin du siècle, le sens paraît être « ce sera nouveau, dynamique, épatant, et rudement chic ! » : « C’est qu’aussi ce ne sera plus comme avant : il y avait désaccord à tel point entre les prolos des villes et les gas de la cambrousse que quand les uns se levaient, les autres les laissaient en frime.

« Au prochain coup, ça ira autrement : des villes aux campluches on se tendra les pognes et, en chœur, on marchera !

« Aussi, ce ne sera pas piqué des vers ! Ça ronflera tant et si bien que la Sociale nous fera en plein risette. » (Le Père Peinard, 18 septembre 1898.)

Aujourd’hui l’image du bois et des étoffes s’est entièrement effacée ; appliquée à des propos, à une historiette, l’expression garde cependant une connotation de « verdeur » caractéristique. Une lettre « pas piquée des vers », est une lettre qui en dit « des vertes et des pas mûres », qui tient des propos vigoureux dans une langue drue et crue, qui ne mâche pas ses mots. Ça peut secouer l’opinion, des harangues pareilles : « … je dois dire qu’avec moi, Brinon dans nos rapports, travaux ensemble, fut toujours correct, régulier… et il aurait eu à dire lui aussi !… de ces propos qu’on m’attribuait !… pas piqués des vers !… que la Bochie était foutue !… Adolf, catastrophe !… propos publics et en privé !… » (L.-F. Céline, D’un château l’autre, 1957.)

Pas piqué des hannetons

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Ce sens existe et vit toujours, inchangé, dans certains parlers occitans ; on dit d’un homme : N’es pas cussonnat ! (le cusson étant indifféremment le ver du bois, du fruit, ou le charançon), pour dire qu’il a conservé une force physique intacte et impressionnante, voire toute sa vigueur sexuelle. De même pour une femme.