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Du reste les termes dits techniques ne se sont pas formés autrement. Ce sont à l’origine des allusions : coït vient de coire qui en latin signifie « aller ensemble », au sens où une fille va avec les hommes. Copuler vient de la copule, au sens propre « ce qui sert à attacher », puis « lien conjugal » ; forniquer est davantage motivé dans la mesure où il dérive de fornix, prostituée, mais le sens initial du mot est une « voûte », puis une « chambre voûtée » : « Les prostituées de bas étage habitaient souvent, comme les esclaves et le bas peuple, dans des réduits voûtés, établis dans la muraille des maisons » (Bloch & Wartburg).

Je ne présente donc ici qu’une moisson élémentaire, réduite aux expressions les plus connues, mais qui ne vont pas toutes sans surprises.

HUMEURS

Courir le guilledou

L’expression était belle ; on sait encore de quoi il s’agit. Le mot amuse, mais en ces temps de drague ouverte je crois bien que personne ne court plus vraiment le guilledou ! « À croire qu’elles le faisaient exprès pour l’exciter. Pas étonnant que le Marin aille courir le guilledou après ça ! Il avait beau dire qu’elles ne l’intéressaient pas, la vue de tous leurs appas devait bien finir par le chatouiller au bon endroit. » (R. Guérin, L’Apprenti, 1946.)

Le guilledou a fait, comme on dit, couler beaucoup d’encre. On y a vu des choses un peu extravagantes, le terme venant pour M. Rat d’un certain kveldulr, un « loup du soir » Scandinave ; selon lui il s’agirait de « courir à la rencontre du loup-garou à l’heure où la nuit tombe. »

Pour Furetière, à la fin du XVIIe siècle, le guilledou est un « terme burlesque dont on se sert pour exprimer la débauche des personnes. On dit qu’une femme court le guilledou lorsqu’elle se dérobe à son domestique [entendez sa “maison”] & qu’on ne sçait où elle va ; ce qui fait présumer que c’est dans de mauvais lieux. Ménage croit — continue Furetière — que le mot vient de gildonia, qui était une espèce d’ancienne confrérie qui a lieu encore en quelques endroits d’Allemagne, où on faisait quelques festins et réjouissances : & comme ces assemblées étaient licencieuses, ou pouvaient servir à d’autres débauches on a appelé les débauchés des coureurs de guilledou. » — Décidément ces messieurs voyaient des partouzes partout !

Je croirais plutôt avec Bloch & Wartburg que le mot est « sans doute composé de l’ancien verbe guiller, “tromper, attraper” et de l’adjectif doux dans son acception morale. » Cela d’autant plus volontiers que la guille, la ruse, était un terme très courant dans l’ancienne langue, où il est de surcroît souvent associé à l’amour !

… Vous veut requerre que ne mainteniez plus guerre vers le chaitif qui languit là, qui d’amour onques ne guilla

(qui ne trompa jamais personne avec des paroles amoureuses), dit le Roman de la Rose ; et dans les Chansons satyriques de la même époque :

Cils qui veulent aimer Par amour, sans guiller, Sans nulle vilainie, Doivent souvent aller Au jeu pour quaroler [7] Pour voir qui leur sied.

Le mot est formé comme guillemin, c’est-à-dire « trompe la main », ce jeu bête et méchant, très en vogue au XVe siècle, qui consistait à faire saisir par un joueur aux yeux bandés un bâton enduit de merde ! Rabelais l’appelle « Guillemin, baille ma lance »

Le guilledou est-il une caresse, la ruse en douceur, le trompe la belle qui veut bien, dans les soirs palpitants et les herbes folles ?… C’est fort probable. Cependant, selon une enquête récente, le verbe guiller semble avoir eu dans certaines régions une acception plus précise. Ainsi dans le sud-est du Poitou il signifie : « introduire dans un petit orifice. Se glisser dans un passage étroit. » Pour cette raison le lézard vert s’appelle « guillenvert » — « il se guille dans les buissons[8]. »

C’est là un éclairage neuf et particulièrement vif qui se passe de commentaires.

Courir la prétentaine

Dans la même idée générale, courir la prétentaine (ou prétantaine) a un sens plus anecdotique et moins leste que le précédent. Le mot signifiait seulement au XVIIe siècle « aller deçà et delà », aller et venir sans sujet particulier. C’est ainsi que l’emploie Scarron, s’adressant à ses propres vers qu’il appelait des « vermisseaux » :

Petits enfants ecervelez Sçavez vous bien où vous allez ? Vostre entreprise est bien hautaine, D’aller courir la prétentaine. A peine estes vous avortez Et desja dehors vous sortez, Et desja vous courez les rues.

Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le Dictionnaire de Trévoux relève une possible intention galante : « On dit qu’une femme court la prétantaine ; pour dire qu’elle fait des promenades, des voyages contre la bienséance, ou dans un esprit de libertinage » (1771).

Dans le même temps, en 1773, l’auteur des Porcherons l’associe aux affaires de cœur :

Un’n fill met rudement dans la peine, Quand son cœur court la prétentaine ; Drès qu’al fait comm le parpillon Al vous met l’ame au court bouillon.

Selon Bloch & Wartburg le mot est à rapprocher du normand pertintaille, ou prétintaille, « collier de cheval garni de grelots. » La terminaison serait venue par évocation des refrains de chansons du type « tonton-ton-taine », etc. C’est vrai que flâner « deçà et delà » donne souvent du cœur à la chansonnette…

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8

L. et J. Blondeau, Un parlement du Poitou, 1977.