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À force de répéter lavabo, etc., en s’essuyant les mains, les officiants appelèrent ainsi l’essuie-mains lui-même, puis le coin de l’autel où ils le rangeaient avec le vase. Ce mot de sacristie passa aux ablutions profanes, pour désigner un meuble de toilette avec cuvette et pot à eau, puis avec la modernisation le bassin de faïence que l’on connaît. C’est bien le comble de la déchéance pour un terme de liturgie que de finir, pour ainsi dire, au cabinet !

Devoir une fière chandelle

Si quelqu’un vous évite un désastre vous lui devez naturellement une fière chandelle — fier a ici le sens de fort, ou remarquable, comme dans « fier courage » ou « fier culot. » L’expression signifie que vous devez faire brûler un cierge à l’église la plus proche pour remercier Dieu et la personne en question de vous avoir sauvé du péril. L’habitude d’offrir un cierge à une divinité est assurément très ancienne, et la survivance d’offrandes et de sacrifices plus archaïque encore.

J’ai connu un garçon qui devait personnellement une chandelle, non seulement à saint Christophe, mais à chaque saint du paradis. Au cours d’un amusement qu’il n’avait nullement choisi — il descendait du ciel sur une base d’entraînement militaire — ses deux parachutes se sont, l’un après l’autre, mis en chandelle !… Il a dû ajouter un cierge à l’intention du chirurgien qui a habilement recollé les morceaux.

Être en odeur de sainteté

La sépulture des saints passe pour répandre une odeur agréable. Cet adage ne s’est pas démenti lorsqu’on ouvrit le cercueil de sainte Bernadette Soubirous à Nevers en 1933 : il s’en dégagea, paraît-il, une odeur de roses…

« Odeur, dit Furetière, se dit figurément aux choses morales, & signifie Bonne ou mauvaise réputation. Cet homme est mort en odeur de sainteté. Il s’est mis en bonne odeur dans le monde. »

L’ennui est que c’est toujours en mourant que ce parfum se dégage le mieux.

Attendre la Saint-Glinglin

Tous les saints n’ont pas la même réputation, ni le même culte. Saint Glinglin est un amuseur, forgé de toutes pièces par la fantaisie de la langue. Son histoire généralement admise est la suivante : il existait un vieux mot sein qui désignait les cloches — dérivé du latin signum, signe, signal (parce que les cloches émettent un signal) — lequel a donné également le seing, signature, resté dans blanc-seing, signature sur page blanche, et sous seing privé, signature effectuée entre soi, sans qu’un officier public soit présent.

Lorsque la dame de Yönec (lai de Marie de France) s’en revient du château prodigieux où elle a laissé son ami mourant, les cloches (les seins) lui apprennent qu’il est mort :

N’ot pas demie liwe [115] erré Quant ele oi les seins suner E le dœl el chastel mener Por lu seignur ki se mureit.
(Vers 1180.)

Lorsque aussi le sénéchal descend au fond de la cuve (voir Mettre sa main au feu, p. 324) tout le monde se réjouit :

Li clerc en ont mout Deu loé En lor chanz et en sains soner.
(Vers 1230.)

C’est ce sein qui constitue la racine de tocsin (toque-sein). Il est devenu « saint » pour les besoins de la cause, par un de ces jeux de mots dont les anciens se régalaient. Il n’est pas surprenant du reste qu’il se soit effacé au profit de « cloche », probablement vers la fin du XIIIe siècle, tant les « seins » et « sains » abondaient dans l’ancienne langue. À côté du saint du paradis on compte le sein, cloche, le seing, signature, sain, de la bonne santé, deux autres disparus : un sain qui désignait un lien, une « ceinture », le sain, graisse, qui a donné le saindoux, sans oublier le sein, mamelle, qui désigna d’abord le « giron » puis vers le XIIIe le sein de la femme que jusque-là on appelait le pis — c’est le sens propre du mot.

Le calembour était donc facile, et grande la tentation, puisque ce sein était à l’église, d’en faire un « saint », distingué par « glin glin » qui est à la fois une onomatopée comme tic tac, et le dérivé d’un verbe « glinguer », sonner. En somme c’était le saint qui fait glin-glin… Or, autrefois les gens repéraient les dates, et même les saisons, non par le jour des mois du calendrier, mais par la fête des saints. Du premier de l’an à la Saint-Sylvestre ils réglaient leurs travaux, leurs repos, leurs foires et marchés, le payement de leurs dettes et toutes leurs transactions, selon Saint-Blaise, Saint-Valentin, Saint-Georges, Saint-Médard pour la pluie, Saint-Fiacre, la Sainte-Croix, jour des grandes foires à la fin de l’été, Saint-André, Sainte-Luce, et j’en passe énormément. On n’aurait pas donné un rendez-vous le 24 juin, mais pour la Saint-Jean.

Il était donc naturel que le saint fictif entrât dans la danse, et qu’on parle d’une date si éloignée qu’elle en devient incertaine, comme étant la « Saint-Glinglin »… On pouvait toujours attendre !

Tout le saint-frusquin

Autre saint de plaisanterie, mais de création beaucoup plus récente. Il n’est d’ailleurs pas facile de savoir exactement ce qu’a pu être le frusquin tout court. Au XVIIe siècle il semble désigner certaines parties de l’habillement, mais ces vers de Scarron n’éclairent pas grand-chose :

Il vise à ta déconfiture, A la perte de ta fressure [116] De ton bandeau, de ton frusquin, Du moule de ton casaquin[117].

Ce qui est sûr c’est que dans ce sens il a donné les « frusques. » Frusquin désigne aussi « ce que l’on possède », ses petites affaires à soi : « Dans deux petits sacs mettant tout son frusquin. » (1710.) G. Esnault le fait venir d’un ancien mot frische, ou frisque, qui avait le sens de vif, gaillard, et aussi de « bon. » C’est ainsi qu’est frère Jan des Entommeures, de Rabelais : « jeune, guallant, frisque, dehoyt, bien à dextre, hardy, adventureux », etc.

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115

Lieue.

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116

Le cœur et le foie.

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117

Image pour le « corps ».