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Faire des fredaines

« Les fredaines qu’on fait ensemble rendent camarades », disait Mme de Genlis au XVIIIe siècle. C’est sûrement vrai, et pas très méchant. Les fredaines sont des « écarts de conduite par folie de jeunesse, de tempérament ou autrement », précise Littré.

Gardez-vous d’imiter ces coquettes vilaines Dont par toute la ville on chante les fredaines

conseillait prudemment Arnolphe de L’École des femmes.

Ce vieux mot représente le féminin de l’adjectif fredain qui signifiait « mauvais. » Selon Bloch & Wartburg il se rattache à un groupe de termes d’ancien provençal désignant un scélérat, avec pour origine lointaine celui « qui a renié le serment prêté. »

Être un chaud de la pince

C’est être, pour un homme, d’une humeur ardente aux plaisirs — comme dit Delvau, « un bon fouteur. » L’expression était courante au XIXe siècle, ainsi dans cette chanson de Festeau (1867) :

C’’était un chaud, de la pince Qui peuplait dans chaqu’ province L’hospice des enfants trouvés.

Elle pourrait provenir d’un croisement burlesque entre « chaud de la pointe », fort compréhensible, et le « chaud lapin » dont nous avons l’habitude, si ce dernier, malheureusement, ne semblait être venu plus tardivement dans l’usage… Les dates tendraient à faire penser que c’est le « chaud lapin » qui s’est créé par glissement à partir de l’original chaud de la pince, et du « lapin » tout court dont on désignait un « rude gaillard » au siècle dernier. Un jeu de mots sur chaud de la pine — vieux mot séculaire pour le pénis — serait plus satisfaisant, au moins pour l’esprit.

L’expression est demeurée relativement vivante ; elle était fort en usage jusqu’aux années 50 : « Lui, si guindé dans le service ! C’était un Alsacien au teint vif, aux cheveux blonds, avec quelque chose de fripé dans toute sa petite personne. Ce qui ne l’empêchait pas d’être aussi chaud de la pince que Pacot. » (R. Guérin, L’Apprenti, 1946.)

Être porté sur la question

C’est là une variante d’être « porté sur la chose », c’est-à-dire aux plaisirs de l’amour, comme depuis longtemps on a pu être « porté sur sa bouche » ou « sur sa gueule. » La « question » est donc un euphémisme de teinte plus intellectuelle dans un parler populaire qui singe les manies des gens instruits. Cette façon de dire ne semble pas avoir plus d’un demi-siècle d’existence.

« Je peux vous dire que Nicole, sur la question elle était portée pas qu’un peu. Oh là là, ces râles infinis ! Plus de « mon cœur », une fois au page… Mon machin en salut nazi, sans défaillance, je m’attaquais à des records de durée. » (A. Boudard, La Cerise, 1963.)

Avoir du sex-appeal

Le sex-appeal, c’est le charme qui émane des personnes désirables. Ce mot anglais fit mode dans l’entre-deux-guerres, après le passage des premières troupes américaines qui avait contribué à le répandre ; cette notion d’attirance qui pouvait s’appliquer aussi aux hommes mettait au rancart la vieille expression « avoir du chien » qui ne se disait que des femmes. Le sex-appeal faisait plus neuf, plus franc, plus dynamique, autorisant un désir moins retors, plus ouvert que les fièvres louches chargées du péché des vieilles lunes ; reste que le succès du mot se fondait sans doute sur un curieux calembour phonétique chez des usagers dont la plupart ignoraient tout de l’anglais, et entendaient naïvement « sexe-à-pile. »

« Pour mieux mettre ses jambes en valeur, elle avait gardé ses bas. Des bas bien tirés par un porte-jarretelles de dentelle noire. Sous son bas gauche, elle portait une chaînette d’or à la cheville. Ça faisait plus gousse. Et pas de danger non plus qu’elle enlève ses escarpins. Elle s’en moquait bien de salir le divan. Avant tout, avoir du sex-appeal ! Quelle salope elle était ! » (R. Guérin, L’Apprenti, 1946.)

TICKET

Avoir le coup de foudre

La foudre a frappé les imaginations depuis les temps les plus reculés. Le coup de foudre était connu au XVIIe siècle, mais pas encore comme le témoignage d’une « passion violente et soudaine » ; il traduisait alors la stupeur d’un événement inattendu, généralement catastrophique. Furetière commente ainsi ce coup-là en 1690 : « Quand ce favory apprit la nouvelle de sa disgrâce, ce fut un coup de massue qui l’estourdit tout à fait, ce fut un coup de foudre qui l’abattit. »

Ce sens dura tout au long du XVIIIe siècle, et bien au-delà, toujours lié à l’annonce d’une nouvelle étonnante ; en 1925 encore, Blaise Cendrars écrivait : « Il éclate de rire à la pensée de la niche qu’il va jouer au courrier officiel en arrivant avant lui à Washington et en apportant lui-même la grande nouvelle ! Dieu, quel coup de foudre ! » (B. Cendrars, L’or, 1925.)

Cependant la métaphore s’est appliquée de bonne heure à un « amour à première vue », traduisant la stupéfaction ravissante d’une passion prise au premier regard sur la personne aimée. Cette acception amoureuse, popularisée par le XIXe siècle, est entrée dans la langue plus tôt que ne le disent les dictionnaires — celui de l’Académie la relève pour la première fois en 1798. Voici ce qui constitue à ma connaissance la première attestation de ces foudroyantes atteintes, et que j’ai glanée dans une œuvre peu connue du rare comte de Caylus, publiée au milieu du XVIIIe siècle : « Veuve de très bonne heure, elle goûtait à vingt ans avec une parfaite indolence les tristes agrémens d’une liberté dont elle ne sentait pas le prix ; un de ces coups de foudre, rares à la vérité, mais que l’amour lance de tems-en-tems pour prouver qu’il porte aussi son tonnerre, causa dans son esprit, dans son cœur, dans son caractère, un changement qui échappa aux yeux même de celui qui l’avoit causé. » (Caylus, Les Manteaux, 1746.)

Il est plaisant de fournir à l’appui de ces « coups de cœur » une citation qui vient deux cents ans, date pour date, après l’ancêtre : « Tout de même, si on lui avait dit, ce matin, qu’il s’embarquerait ce soir dans une histoire semblable ! On habite pendant des mois dans la même maison. On n’y pense jamais. On s’ignore. Et tout d’un coup, c’est le coup de foudre. L’amour était une chose bien bizarre. » (R. Guérin, L’Apprenti, 1946.)

En pincer pour quelqu’un

Le pincement délicat que le sentiment amoureux produit dans la poitrine, entre autres choses, a toujours été remarqué : « Philis que l’amour toujours pince, / Par un désir parfait et beau… » sont des octosyllabes du Cabinet Satyrique, de 1618. Pourtant en pincer pour une chose, en être entiché, ou pour une personne, en être épris, n’est venu dans l’usage du parler populaire parisien que vers la fin du XIXe siècle, et semble s’être employé d’abord aussi bien pour des entités, des objets, ou des symboles : « Socialos et anarchos ne barguignent pas : ils défendent la république actuelle » — écrit Le Père Peinard en octobre 1898. « Non pas qu’ils en pincent pour ses beaux yeux, mais parce qu’ils considèrent qu’il est indispensable de lui passer sur le ventre pour aller à la Sociale. »