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« Je gage que cette monstrueuse complicité devait lui rapporter un max. Peut-être le tenait-on par d’autres affaires clandestines ? L’enquête l’établira. Mais il n’a pas attendu les conclusions de la Justice et s’est gazé avec son brancard devant un calandos et du picrate. L’épopée des Halles !

Dernier protagoniste notoire : Piere Cadoudal, l’attaché de presse. Mon avis ? Un connard amoureux de Valériane de la Liche et se laissant prendre dans ses rets (ou par sa raie ?). Elle s’en est servie à sa guise, l’a manœuvré, puis supprimé bassement le moment venu.

« La conclusion est là : Mlle de la Liche apprend que sa voisine du dessous a eu recours à un procédé qui connut son heure de gloire : le micro-film. Tu peux photographier la Bible de manière à ce qu’elle tienne sur quelques millimètres carrés. On a trouvé encore mieux depuis, mais la chère dame en est restée à ce procédé. Elle dispose, pour planquer ces documents explosifs, d’une cachette à toute épreuve : son œil de verre ! Le plus extraordinaire de cette aventure, c’est que la vieille femme a raconté dans un livre de souvenirs intitulé « Mes missions » que sa prothèse oculaire lui avait servi à passer des documents au nez et à la barbe des Allemands, après son opération.

« Éléonore avait reçu ce livre de sa voisine elle-même, à l’issue d’un thé pris chez celle-ci. Coupable imprudence d’une héroïne amollie par les ans ! La découverte de ce que son organisation cherchait depuis tant de temps a grisé Valériane. Ce micro-film dans le creux de la main, elle s’est sentie puissante. Elle possédait tout à coup un pouvoir terrifiant et une fortune sans fin… »

— Si bien qu’elle a décidé de garder sa trouvaille ? exprime l’officier de police Hanoudeux.

— Gagné ! Ricane l’Hénorme. Tu continues ?

Ces échanges stériles, vagues considérations de cabaret, ne sont proférés que par besoin de détente, mais ils ne font pas évoluer la situation ; c’est pourquoi je renoue avec mon récit sans plus attendre…

— Donc, enchaîné-je, la fille agit avec précision et rapidité. Comme en état second, préciserait un con. Elle reçoit chez elle sa vieille voisine et lui administre, par spray, un soporifique. Profite du léger temps d’absence mentale de la dadame pour lui ôter son œil bidon et y prélever le microfilm. Remet la prothèse à la va-vite, sans se rendre compte qu’elle est à l’envers.

« Revenue à elle, la mère Maubec, toute chavirée par son étourdissement provoqué, réclame les gogues. Éléonore l’y conduit. La mémé s’y enferme d’un geste naturel. Elle se regarde machinalement dans la glace, en digne fille d’Ève. Elle aperçoit son œil à l’envers, constate qu’il est vide et se met à gueuler au charron. Lors, le mannequin prend son arquebuse d’aventurière et seringue l’autre à travers la lourde…

« Ensuite ? Ben je dois imaginer, n’ayant point encore recueilli les aveux de la meurtrière. J’ai le sentiment, pourtant, qu’elle avait dûment mijoté son coup. À cause de quoi ? Des croquenots d’homme qu’elle a passés pour opérer sa mise en scène. À qui les a-t-elle empruntés ? Proviennent-ils de son exploitation viticole du Sud-Ouest ? Toujours est-il qu’elle les chausse et part à travers le parc, non sans avoir préalablement dressé l’échelle d’un jardinier contre la fenêtre de sa cuisine. Elle va les jeter dans la fosse à compost, remet ses propres souliers et s’enfuit en direction de la gare.

« Accaparée par cet emploi du temps chargé, elle ne s’est pas aperçue qu’elle avait perdu l’une de ses boucles d’oreilles dans la cuisine. Si ce genre d’étourderie n’existait, les flics n’auraient plus qu’à se reconvertir dans la moule de Bouchot. »

37

PETITE CAUSERIE, GRANDS EFFETS

Il est tard et ça se met à torpeurer dans mon burlingue. Pour « tenir le coup, on l’a bu », dirait Béru, et ça nous pâtouille un tantisoit la pensarde. Ce récit, en fait, constitue une épopée. La napoléonienne, c’était du Lucky Luke, en comparaison !

Mes potes sont des ogres affamés. À me dévorer de questions incessantes. Leurs : « mais pourquoi », « comment se fait-il », finissent par me rompre la cervelle et les claouis, ces deux pôles de l’homme. Leurs hameçons venaient me pêcher l’histoire au fond de l’estomac. Qu’à la longue, j’en prenais des crises…

— Pour quel motif es-tu devenu la cible de la bande à Éléonore ?

— Parce qu’elle a persuadé les méchants de sa bande que j’en savais long comme la grève des éboueurs sur elle.

— Comment a-t-elle eu l’idée de te faire porter le bada ?

— À cause de ce putain de secteur téléphonique perturbé. Il me permettait de capter ses communications, mais, en retour, elle captait les miennes ! Ah ! on peut dire que les P. et T. m’ont offert un chouette cadeau d’anniversaire ! Elle a exploité cette anomalie à outrance, faisant croire à ses complices qu’elle devait s’effacer temporairement par mesure de sécurité, mais en faisant le nécessaire pour me les coller dans les pattes. J’ai failli y laisser ma peau en plus de ma chignole de rêve !

— Elle va t’être remboursée ? bêle le gars César.

— Je ne sais pas ; mon avocat s’en occupe.

Sais-tu ce que me déclare alors l’Ineffable ?

— Au cas où elle ne le serait pas, je t’en offrirais une autre !

Les larmes m’en viennent. Chère vieille Pine !

— Penses-tu, je roulerai en voiture thaïlandaise, pour changer !

Mon cher Blanc est le plus acharné dans les questions. Lui, c’est boulot-boulot. Vachement opiniâtre sur une enquête. Il veut la décortiquer jusqu’au bout.

— Pierre Cadoudal, dans tout ça ?

— Un amoureux transi d’Éléonore. Elle avait besoin d’assistance pour accréditer sa propre fin. Elle savait qu’elle pouvait compter sur lui. Sans doute lui a-t-elle inventé un joli conte de Noël.

— Pourquoi s’est-elle réfugiée dans la villa du mandataire ?

— Parce que c’était l’endroit idéal pour réaliser son plan.

— C’est-à-dire ?

— Elle était allée trop loin et, grâce au micro-film, avait un avenir assuré. Il lui fallait disparaître officiellement pour se fondre ensuite dans une identité nouvelle d’où ne viendraient la déloger, ni la Police, ni les gens de son réseau.

— Alors ? houspille l’Enfoirure béruréenne qui n’a pas envie de jouer davantage aux devinettes et donne sa langue aux pourceaux.

— Je parie que Hanoudeux a compris ? fais-je.

— À la seconde ! exulte le Clermontois.

— Dis-le-lui !

L’homme des volcans éteints a un sourire de supériorité.

— La bâtarde demeurée ?

— Gagné !

— Ça vous gênererait d’éclairer la loupiote des ceusses qu’ont pas vot’ génille ? gronde cet ours bien léché mais irascible.

— Notre collègue parle d’une enfant adultérine, Mina, que le père d’Éléonore fit à une servante ibérique. La jeune fille vit, recluse, dans son manoir, car elle est à moitié idiote. Hélène, l’amie très intime et la belle-doche de Valériane, n’a eu qu’à l’amener par la route jusqu’à Pompechibre. Pour fêter leurs retrouvailles, ces braves gens burent un whisky dont les verres restèrent au salon ; oubli fâcheux de ces dames. Comme il était tard, on décida d’aller se reposer.

« En fait, Cadoudal y alla le premier. Les deux femelles « s’occupèrent » alors de la bâtarde. Elles la mirent à mort et commencèrent son incinération en prenant soin de mettre les propres vêtements d’Éléonore dans le foyer, ainsi que son sac à main et son bridge dentaire (elles détruisirent, avant de brûler l’innocente, sa propre denture à coups de marteau). »