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Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

211. L'ARMÉE DES LUTINS

Un cri. Un policier s'effondra à la vision de cette marée noire et grouillante qui se dirigeait sur eux et semblait vouloir les escalader. Il y avait là vingt hommes. Trois périrent d'une crise cardiaque dans l'instant. Les autres déguerpirent sans demander leur reste.

Sur les trois corps doigtesques gisant, des exploratrices émettent gentiment molécule de salutation et ne compren nent pas qu'on ne leur réponde pas. Princesse 103e leur a pourtant affirmé que certains Doigts connaissent le langage olfactif des fourmis.

– Mais qu'est-ce que c'est que ça? s'écria Julie en fixant l'écran vidéo.

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Princesse 103e regarde autour d'elle les fourmis escalader les Doigts en leur souhaitant la bienvenue et elle comprend soudain que, si elle est à l'origine du mouvement, maintenant il la dépasse.

Elle demande à tout le monde de se calmer. Elle sait que les Doigts peuvent s'effrayer de leur présence en masse. Ils sont très timides, après tout.

Les douze jeunes exploratrices galopent tout le long de la colonne pour prier les marcheuses de rester à bonne distance des Doigts.

Devant, des fourmis grimpent sur les trois Doigts couchés, montagnes tièdes et figées.

Autour, on déplore des milliers de pèlerins qui, ayant escaladé des dieux, ont été emportés par. eux dans une course folle.

Princesse 103e conseille de garder son calme. Elle stoppe ses troupes. Elle interdit de manger les Doigts ou même de les mordre. Elle demande à tout un chacun de ne pas s'affoler devant l'importance de cet instant délicat.

Puis, le calme revenu, elle essaie de masquer son affolement et inspecte la colline. 24e et les douze jeunes exploratrices perçoivent que quelque chose ne va pas. Tout a été si brusque et maintenant tout est si paisible. Trop paisible.

Les escargots sortent leur tête de leur coquille.

Princesse 103e erre parmi les fougères et retrouve la bouche d'aération affleurant le sol, par laquelle elle s'est enfuie du nid des Doigts.

Elle se perche sur un rocher et s'adresse à la foule. Elle dit que cette colline est un de leurs nids et que les Doigts qui y vivent sont parmi les rares à savoir parler le langage olfactif. C'est une aubaine à saisir.

Elle va y descendre d'abord seule pour dialoguer avec eux et elle reviendra ensuite rendre compte de son entrevue.

En attendant, elle confie la responsabilité de la longue marche aux bons soins de 24e et des douze jeunes exploratrices.

Tandis que les fourmis volantes téléguidées filmaient la nappe noire recouvrant la colline, il y eut comme un grattement à l'une des grilles d'aération. Arthur alla voir et aperçut une fourmi de bonne taille équipée de petites ailes. Elle tenait une brindille dans ses mandibules pour gratter plus fort.

Il demanda qu'on la laisse entrer. On discernait une marque jaune sur son front et le visage du vieillard s'illumina.

103e.

103 e était de retour.

– Bonjour, 103e, prononça-t-il, très ému. Ainsi, tu as tenu ta promesse, tu es revenue…

La fourmi rousse, bien incapable évidemment de comprendre ces paroles auditives, remua à tout hasard ses antennes à la réception des odeurs buccales d'Arthur.

– Et tu as des ailes, désormais, s'émerveilla le vieil homme. Ah! nous avons sûrement beaucoup de choses à nous dire…

Il prit précautionneusement 103e entre ses doigts et la porta jusqu'à la «Pierre de Rosette».

Tous les gens de la pyramide se rassemblèrent autour de la machine dans laquelle 103e s'installait à son aise et mettait comme autrefois ses antennes en contact avec les tiges du bocal.

– Bonjour, 103e.

La machine grésilla et la voix synthétique répondit enfin:

– Salutations, Arthur!

Arthur fixa les autres d'un œil fiévreux et leur demanda de retourner à leurs écrans. Finalement, il préférait parler seul à seul avec son amie. Tous comprirent que le vieillard était bouleversé par ces retrouvailles et s'éloignèrent.

Pour être sûr d'être seul à écouter la fourmi, Arthur se coiffa d'un casque audiophonique et, ensemble, ils se confièrent ce qu'ils avaient à se confier.

212. ENCYCLOPÉDIE

Nos ALLIÉS DIFFÉRENTS: L'histoire a connu de nombreux cas de collaboration militaire entre humains et animaux, sans que les premiers aient jamais pris la peine de demander l'avis des seconds. Durant la Seconde Guerre mondiale, les Soviétiques dressèrent ainsi des chiens antitanks. Harnachés d'une mine, les canidés avaient pour tâche de se glisser sous le char ennemi et de le faire exploser. Le système ne fonctionna pas très bien car les chiens avaient tendance à revenir trop tôt auprès de leurs maîtres.

En 1943, le docteur Louis Feiser imagina de lancer à l'assaut des navires japonais des chauves-souris équipées de bombes incendiaires miniaturisées. Elles auraient été la réponse des Alliés aux kamikazes nippons. Mais, après Hiroshima, ces armes devinrent obsolètes.

En 1944, les Britanniques conçurent, de même, le projet de se servir de chats pour piloter de petits avions bourrés d'explosifs. Ils pensaient que les félins, craignant l'eau, feraient tout pour orienter leur engin vers un porte-avions. Il n'en fut rien. Pendant la guerre du Viêt-nam, les Américains essayèrent de se servir de pigeons et de vautours pour expédier des bombes sur le Viêt-cong. Échec encore.

Lorsque les hommes ne cherchent pas à utiliser les animaux comme soldats, ils tentent de s'en servir comme espions. Ainsi, durant la guerre froide, la C.I.A. se livra à des expériences destinées à marquer les suspects en filature avec l'hormone de cafard femelle, le péripalone B. Cette substance est si excitante pour un cafard mâle qu'il arrive à la détecter et la rejoindre sur des distances de plusieurs kilomètres.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

213. MISE AU POINT

Nul ne sut jamais ce que se dirent, ce jour-là Arthur et 103e. Sans doute la fourmi lui expliqua-t-elle pourquoi elle avait fui son laboratoire. Sans doute Arthur la priat-il de demeurer là avec ses troupes pour protéger la pyramide de la prochaine attaque des Doigts. Sans doute 103e lui demanda-t-elle où en était le projet de coopération entre les deux mondes.

214. COMMUNICATION DES APÔTRES

Dehors, les douze jeunes exploratrices établissent douze bivouacs au sommet de la colline avec chacun une braise en son centre.

Dans chaque campement, une des douze raconte durant toute la nuit ce qu'elle croit qui se passe à l'intérieur du nid humain. Toutes pensent que la princesse a rejoint les dieux qui savent parler, pas comme ces trois tas de viande incapables de dialoguer et qui se sont effondrés dès qu'on les a abordés.

Princesse 103e est en train de demander que se noue un pacte irrévocable entre les Doigts et les fourmis, annonce d'ailleurs Prince 24e pour rassurer tout le monde.

A l'heure qu'il est, ce doit être déjà chose faite.

Au matin, c'est 5e qui, dressée sur ses béquilles, perçoit le premier bruit. Des pales brassent l'air au-dessus des campements. Elle comprend tout de suite que ces gros frelons lointains constituent une menace mais ils volent trop haut pour être à portée de jets d'acide. Les tirs des artilleuses fourmis ne vont pas au-delà de vingt centimètres et ces frelons sont à bien plus de vingt centimètres des antennes myrmécéennes.