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Troisième énigme: «faire huit triangles avec six allumettes». Il suffisait de poursuivre la pénétration du triangle du bas dans le triangle du haut et on obtenait le troisième pas: une pyramide posée sur un miroir, donc deux pyramides, une à l'envers, une à l'endroit, formant une sorte de losange en volume.

L'évolution du triangle… L'évolution du savoir. Il y avait donc une pyramide à l'envers sous la pyramide à l'endroit… et le tout formait un gigantesque dé à six faces.

Vivement, il arracha toutes les moquettes et trouva enfin une trappe en acier. Il y avait une poignée, il la tira et découvrit un escalier.

Il éteignit sa torche devenue inutile. À l'intérieur, tout était lumineux.

221. ENCYCLOPÉDIE

STADE DU MIROIR: À douze mois, le bébé traverse une phase étrange: le stade du miroir, Auparavant, l'enfant croyait que sa mère, lui-même, le sein, le biberon, la lumière, son père, ses mains, l'univers et ses jouets ne faisaient qu'un. Tout était en lui. Pour un bébé, il n'y a aucune différence entre ce qui est grand et ce qui est petit, ce qui est avant et ce qui est après. Tout est en un et tout est en lui. Survient alors le stade du miroir. À un an, l'enfant commence à se tenir debout, la motricité de sa main gagne en habileté, il parvient à surmonter les besoins qui auparavant le submergeaient. Le miroir va maintenant lui indiquer qu'il existe et qu'il y a d'autres humains et un monde autour de lui. Le miroir va alors entraîner soit une socialisation, soit un refermement. L'enfant se reconnaît, se fait une image de lui qu'il apprécie ou n'apprécie pas, l'effet est tout de suite visible. Soit il se fait des câlins dans la glace, s'embrasse, rit à gorge déployée, soit il s'envoie des grimaces.

Généralement, il s'identifie comme étant une image idéale. Il tombera amoureux de lui-même, il s'adorera. Épris de son image, il se projettera dans l'imaginaire et s'identifiera à un héros. Avec son imaginaire développé par le miroir, il commencera à supporter la vie, source permanente de frustrations. Il supportera même de ne pas être le maître du monde.

Même si l'enfant ne découvre pas de miroir ou son reflet dans l'eau, il passera malgré tout par cette phase. Il trouvera un moyen de s'identifier et de s'isoler de l'univers, tout en comprenant qu'il doit le conquérir.

Les chats ne connaissent jamais la phase du miroir. Quand ils se regardent dans une glace, ils cherchent à passer derrière pour attraper l'autre chat qui s'y trouve et ce comportement ne changera jamais, même avec l'âge.

Edmond Wells, Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, tome III.

222. BAL TRAGIQU EAU CAVEAU

Quel spectacle!

Au début, le policier se dit que c'était son vieux rêve d'enfance de train électrique. Car c'était ça: une fantastique maquette de ville à échelle réduite.

La partie supérieure était occupée par Arthur et les gens du nid, la partie inférieure était une cité myrmé-céenne.

Moitié pour les hommes vivant comme des fourmis, moitié pour les fourmis vivant comme des hommes. Et les deux communiquaient par des tuyaux-couloirs et des fils électriques transportant leurs messages.

Tel Gulliver, Maximilien se pencha sur cette cité de lilliputiens. Il promena ses doigts sur des avenues, les arrêta dans des jardins. Les fourmis ne semblaient pas inquiètes. Elles étaient sans doute accoutumées aux fréquentes visites d'Arthur et des siens.

Quel chef-d'œuvre de l'infîniment petit…! Il y avait des rues éclairées de réverbères, des routes, des maisons. À gauche, des champs de branches de rosiers où paissaient des troupeaux de pucerons, à droite, une zone industrielle et ses usines fumantes. En centre-ville, devant des immeubles de belle allure, des rues piétonnes attendaient les chalands.

«MYRMÉCOPOLIS», la ville des fourmis, annonçait un panneau à l'entrée de l'avenue principale.

Des fourmis circulaient en voiture sur les autoroutes et dans les rues. Au lieu d'être munis d'un volant, les véhicules avaient été dotés d'un gouvernail, plus pratique à manier avec des griffes.

Dans des chantiers, des fourmis étaient en train de construire de nouveaux bâtiments avec des mini-bulldozers à vapeur. Intuitivement, les fourmis avaient opté pour des toits arrondis.

Il y avait encore un métro aérien, des stades. Maximi-lien plissa les yeux. Il lui sembla que deux équipes myr-mécéennes étaient en train de se livrer à une sorte de match de football américain, sauf qu'il n'apercevait pas de ballon. En fait, c'était plutôt de la lutte collective.

Il n'en revenait pas.

MYRMÉCOPOLIS.

C'était donc cela, le grand secret caché de la pyramide! Aidées par Arthur et ses complices, les fourmis avaient connu ici la plus fulgurante des évolutions de civilisation. En quelques semaines, elles étaient passées de la préhistoire à l'époque la plus moderne.

Maximilien découvrit une loupe par terre et la saisit pour mieux observer. Sur un grand canal voguaient des bateaux à aubes, semblables à ceux du Mississippi. Des zeppelins bondés de fourmis les survolaient.

C'était féerique et effrayant.

Le policier était convaincu que la reine 103e était là, parmi les habitants de cette fourmilière de science-fiction. Comment dénicher cette sexuée et la ramener au palais de justice? L'aiguille et la meule de foin. L'allumette et l'aimant. Découvrir la méthode.

Maximilien saisit dans la poche de sa veste une cuillère à café et une petite fiole.

Pour retrouver une reine fourmi, il suffirait de suivre le trajet des couvains et de remonter à leur source. Or, ici, il n'y avait pas de couvains. Peut-être la reine 103e était-elle stérile?

Il se souvint alors que l'avocat général avait signalé que cette sexuée portait une marque jaune sur le front. Très bien, mais toutes ces maisons pouvaient dissimuler des centaines de fourmis avec des marques jaunes sur le front. Il fallait donc les en faire sortir pour les rassembler en un lieu ouvert où il n'y aurait plus de toit pour les dissimuler.

Il remonta, fureta et trouva un bidon de pétrole. Il répandit ce poison.

Dans la panique, les gens révèlent toujours leurs secrets. Maximilien savait qu'aux premiers effluves de son noir venin, les fourmis se précipiteraient pour sauver leur reine. Si dégénérés que soient ces insectes initiés aux secrets des hommes, ils avaient forcément conservé en eux le besoin de sauver la reine.

Il déversa le pétrole en partant du coin droit le plus élevé. Le liquide noir, visqueux et puant, coula lentement, dévalant les avenues, noyant les maisons, inondant les jardins et les usines. Un raz de marée noir envahit la ville.

Ce fut la panique. Des fourmis jaillirent des maisons pour s'engouffrer dans leurs voitures et gagner au plus vite les autoroutes. Mais les autoroutes étaient déjà poisseuses.

Le canal n'était pas en meilleur état, son eau claire était devenue huileuse et sombre, les roues des bateaux à vapeur s'y engluaient.

Les fourmis semblaient surprises que les Doigts qui les avaient tant aidées permettent à présent une telle catastrophe. On avait l'impression qu'elles s'attendaient à une intervention rapide du ciel pour les sauver, mais la seule intervention fut celle d'une cuillère d'Inox qui patrouillait au-dessus de la marée noire.

Maximilien fouillait les artères de la ville. Soudain, il remarqua de l'agitation autour d'un immeuble plus grand que les autres.

Le commissaire approcha sa loupe. Il était sûr que la reine allait apparaître maintenant. Et, en effet, des fourmis surgirent avec, toujours à bout de pattes, une des leurs marquée de jaune sur le front.

La reine 103e. Le policier la tenait enfin!

Profitant de l'effet de surprise et des embarras de la circulation, il plongea sa cuillère et attrapa la souveraine. Promptement, il la jeta dans un sachet de plastique qu'il scella.