Выбрать главу

Tout en sortant des flacons du frigo, je les mate d’un peu plus près, puis, ayant la preuve irréfutable que je ne me trompe pas, je glisse le gant déchiré dans ma poche. J’ai beau être cuirassé contre les surprises, je dois reconnaître que je suis un peu estomaqué.

V’là madame Saute-au-slip qui serait mon agresseuse, à c’t’heure ! Quand je vous le disais, que cette affaire dépassait toutes les précédentes en coups de théâtre. J’en suis comme deux sous de saucisson chaud dans du papier d’Arménie !

Ce que je peux me renouveler, tout de même !

Je nous sers deux beaux godets pour adulte et je rejoins ma belle enamourée. Son maquillage s’est un peu effiloché et sa coiffure filerait le cafard à Antonio (l’autre : le coiffeur).

Elle boit d’un trait et me sourit.

— Ça va mieux. Vous reviendrez, ce soir, après le feu d’artifice ?

— Parce qu’il y a un feu d’artifice ?

— Oui, c’est une surprise de mon mari. Ça va être féerique.

En tout cas, il ne faut pas qu’elle compte sur moi pour le bouquet final. Le grand soleil, elle vient de l’avoir, la chandelle romaine aussi. Mais le bouquet final, je le réserve pour ma Gloria de fausse fiancée qui doit commencer à se demander ce que je deviens.

— J’essaierai de revenir, belle Eczéma, menté-je, mais je n’en fais pas le serment car Miss Victis est terriblement jalouse.

Son regard mauve plonge jusqu’au fond de mon gros colomb.

— Vraiment ?

J’en rougis. Faudrait pas qu’elle s’imagine que le vigoureux San-A. est en rade de carburant, tout de même ! Qu’il cherche le chemin de la débine-toi !

« Je préfère rester plus longtemps maintenant, lui déclaré-je avec une pointe d’orgueil, c’est plus sûr. Comme dit le poète : « deux tiens valent mieux qu’un tu l’auras ».

Et je te lui administre une de ces preuves par multiple de 9 que je suis l’homme capable d’en remplacer trois ou quatre autres qui te la met carrément sur le flanc.

La petite médème va pas être des plus fraîches à sa soirée pétardeuse. Elle va pouvoir prendre son bain de lait d’ânesse et se faire masser les glandes scandale pour leur redonner du maintien.

Je lui demande enfin la permission de me retirer. Elle me l’accorde.

— Que faites-vous, maintenant ? me demande-t-elle. Quelques cartons ?

— Ça suffit comme ça.

— Un peu d’exploration sous-marine, dis-je. Y a rien de tel qu’une virée dans la paix des profondeurs pour retrouver sa sérénité.

Ultime mimi. Bonsoir madame, couvrez-vous pour ne pas prendre froid et mes amitiés à votre mari !

C’est agréable de se donner de l’extase en ayant le sentiment de ne pas perdre son temps.

CHAPITRE X

Moi, vous me connaissez… Je me fous du camp des ratons, comme dit Béru qui s’est pris une fois pour toutes les pinceaux dans l’écheveau du vocabulaire.

Les zigs qui me revoient en pêcheur sous-marin doivent penser que je suis homme-grenouille de mon état. D’autant plus qu’au lieu d’aller vers la plage, c’est vers le port que je me dirige. Mais, contrairement aux recommandations que me faisait mon prof de math, je me soucie du tiers comme du quart. Les regards narquois de la domesticité, je m’assieds dessus.

Aussitôt arrivé à palmes-d’œuvre je pique the big tranche in the sea (comme ne dirait sûrement pas un Anglais) afin d’aller mater d’un peu plus près les fameux coffiots repérés par son Altesse Connardissime Béru Ier, roi des nouilles.

Au moment où j’opère mon immersion, l’endroit est désert ce qui ne laisse pas de me surprendre vu que pas plus tard qu’après la bouffe, trois yachts okapiens se laissaient bercer par la houle.

Il ne reste plus au port que quelques embarcations légères qui dansent le long du golfe clair. Que se passe-t-il ? Okapis a envoyé chercher d’autres invités ou bien a-t-il ordonné des manœuvres navales dans le Pacifique ?

C’est en me posant cette question que je m’enfonce dans l’eau, paniquant des petits poissons impertinents. J’ai eu du bol car j’ai plongé à l’endroit précis où gisent les coffres immergés. Ils sont deux. On dirait des coffres de corsaire avec leurs peintures de fer, mais je vois tout de suite à leur netteté qu’on les a mouillés là depuis assez peu de temps. Je m’approche du premier et j’essaie de le soulever : macache ! Il doit peser une tonne. Je me rabats sur le second : c’est du kif. « Bigre, me dis-je en aparté, comment apprendrai-je donc la nature de leur contenu, puisqu’aussi bien je suis dans l’impossibilité physique de les ramener à la terre[5].

Mais si le père Archimède me laisse quimper avec ses principes, je me débrouille pour le feinter en canard. Il me suffit d’ouvrir les coffres au fond de l’eau. Pas fastoche car la serrure est rébarbative. C’est pas du tout de la tirelire de bazar. J’utilise mon couteau pour essayer de la bricoler, mais la lame s’émousse sur le robuste acier. Je déplore de ne pas avoir apporté mon fameux sésame avec moi. Ce délicat objet m’eût permis de forcer ce coffre aussi aisément qu’un tronc d’église.

Je casse la lame de mon ya et continue avec le moignon. Mais à cette profondeur, l’efficacité de mes gestes est nulle. Je bosse au ralenti because la pression de l’eau.

Cette serrure dort sur ses charnières en toute tranquillité. Elle a déjà compris que j’aurai beau m’escrimer, je n’arriverai à rien. Je ne sais pas si vous avez piqué des crises de colère par dix mètres de fond, mais moi je peux vous dire que ça ne vous arrange pas le système nerveux.

Je vais pouvoir prendre des tranquillisants à tous les repas, avec de la salade ou du sucre en poudre.

— Espèce de garce, bullé-je (car dans la flotte on ne parle pas, on fait des bulles).

Et brusquement, je me dis que j’ai laissé mon fusil-harpon sur le quai. Peut-être qu’avec un peu de chance le harpon réussira là où ce que mon couteau a échoué.

Une détente, un battement de palmes et je fonce vers la surface lumineuse.

À la seconde où j’émerge, je me rends compte que quelque chose ne tourne pas rondeau. Seulement, à cause de l’eau remuée et de mon masque emperlé, je ne distingue pas tout de suite la catastrophe. Et puis tout devient à peu près net et je réalise dans quels vilains draps je me trouve. Des draps qui pourraient bien me servir de suaire, mes fils !

Rangés sur le quai, il y a quatre types équipés de la même façon que moi. Ils portent des combinaisons de caoutchouc noir, des masques et ils tiennent des fusils-harpons comme les guerriers de la dernière guerre tenaient leur mitraillette. Avec un ensemble parfait, les voilà qui me braquent. Pendant un quart de fraction de seconde (à peine) je crois que c’est une plaisanterie ; pendant le dixième de tiers de fraction de seconde (au moins) qui suit, je me dis que c’est une menace. Mais quand un premier harpon m’arrache un bout d’épaule, je pige que ma prochaine fête, on me la souhaitera à la Toussaint si je ne tente pas quelque chose d’urgence, et je tente quelque chose d’urgence.

D’un effort démentiel, je me jette contre le quai en opérant un plongeon. Le deuxième harpon me traverse une palme, après avoir percé une de mes bouteilles d’oxygène.

Admettez, lectrices chéries, que la situation n’est pas tellement à mon avantage. J’ai déjà essuyé des balles, mais la perspective d’être traversé par un harpon me rend tout chagrin. C’est jamais marrant d’être pris pour un congre. Si mes calculs sont exacts, deux zigs ont défouraillé, il reste donc encore deux arbalètes en état de marche.

Il s’agit d’éviter leurs dards. Je continue de descendre à la verticale. Tout mon être est contracté. Je m’attends à tout instant à morfler une tringle à rideau affûtée dans le prose. Ce serait charpiniesque comme mort, non ? Un type comme San-Antonio, finir de cette façon, vous vous rendez compte ! Y a de quoi aller se faire éplucher la prostate, non ? Mais rien ne se produit. Auraient-ils renoncé ? Leurs deux autres fusils se seraient-ils enrayés ? Ou bien ces canailles m’estimeraient-elles touché ?

вернуться

5

À dix mètres sous l’eau, je pense encore dans une langue très châtiée.