En photographiant chaque étape du processus et avec plusieurs assistants comme témoins, il ouvrit le crâne et en sortit la plaque. Elle était faite d’un métal qu’il ne connaissait pas ; des tests ultérieurs devaient révéler qu’il s’agissait d’un alliage inconnu. Mais le plus important n’était pas le métal car, une fois détachée de l’os, la plaque se sépara en quatre minces feuilles couvertes d’inscriptions microscopiques. Le texte était rédigé en quatre langues : espagnol, russe, chinois et arabe. Il se perdait en circonlocutions car il traitait de concepts difficilement exprimables avec le vocabulaire dont disposaient ces langues aux alentours de 1500. Mais le message, quand il fut déchiffré, était tout à fait clair : il indiquait une fréquence radio à émettre et une forme à lui donner pour déclencher la réponse d’archives enfouies.
L’émission eut lieu et les archives furent trouvées. Le récit qu’elles contenaient était incroyable, et pourtant indubitable car les documents eux-mêmes étaient manifestement le produit d’une technologie qui n’avait jamais existé sur Terre. Lorsqu’on les eut lus, on se mit à la recherche de deux autres archives. Toutes ensemble, elles racontaient l’histoire détaillée, non seulement des siècles et des millénaires de l’Histoire de l’humanité avant 1492, mais également celle, étrange et terrifiante, d’un temps qui n’avait pas eu lieu, des années entre 1492 et la constitution des archives. S’il y avait eu le moindre doute sur l’authenticité de la découverte, il fut balayé quand des fouilles menées aux sites indiqués par les archives conduisirent à de spectaculaires trouvailles archéologiques qui confirmaient tout ce qui pouvait l’être.
Avait-il existé une Histoire différente ? Non, deux Histoires, toutes deux oblitérées par des interventions dans le passé ?
Tout à coup, les légendes sur l’épouse de Colon, Diko, et le mentor de Yax, Un-Hunahpu, commencèrent à prendre un sens. Les récits plus obscurs concernant un Turc qui aurait saboté la Pinta avant de se faire tuer par l’équipage de Colon furent dépoussiérés et comparés aux plans des voyageurs du temps dont parlaient les documents. Manifestement, ils avaient réussi à remonter dans le passé tous les trois. À l’évidence, leur mission avait été un succès.
Deux des voyageurs avaient déjà une tombe et un monument à leur mémoire. Il ne restait plus qu’à bâtir un troisième tombeau, là, sur la plage haïtienne, à y déposer le crâne et à inscrire sur le fronton le nom de Kemal, suivi d’une date de naissance située à plusieurs siècles dans l’avenir et, pour la date de décès, 1492.
Michael F. BROWN : Twesa’s Gift : Magic and Meaning in an Amazonian Society. Smithsonian Institution Press. 1985 (« Le Don de Twesa : magie et symbolique d’une société amazonienne »). La culture qu’étudie Brown n’est directement reliée à aucun peuple connu des Antilles, mais j’ai tiré un profit considérable de son exploration de la magie ; c’est afin d’utiliser cette culture axée sur la magie que j’ai fait du village d’Ankuash un vestige d’une tribu pré-taïno, laquelle aurait fort bien pu posséder des racines communes avec celle que Brown a étudiée sur le cours supérieur de l’Amazone.
Geoffrey W. CONRAD et Arthur A. DEMAKEST : Religion and Empire. Cambridge University Press, 1984 (« Religion et Empire »). Un ouvrage d’une remarquable finesse de perception qui met en lumière le rôle de la religion et de l’idéologie dans la création des deux grands empires américains découverts – et conquis – par les Européens au XVIeme siècle. Les idées des auteurs sont non seulement pertinentes et souvent très convaincantes, elles donnent aussi l’exemple de ce que doit être un point de vue rationnel : ils ne croient pas que leurs idées expliquent tout, au contraire de nombre de leurs collègues. Ils pensent simplement qu’elles expliquent quelque chose et que les autres explications qui ne prennent pas en compte la religion et l’idéologie sont incomplètes, ce qui paraît assez évident, même si les historiens, les journalistes, les archéologues et jusqu’aux anthropologues culturels, lesquels sont pourtant bien placés pour en parler, traitent souvent ces deux questions par-dessus la jambe – quand ils les traitent tout court.
Gianni GRANZOTTO : Christophe-Columbus. University of Oklahoma Press, 1985 ; trad. Stephen Sartarelli. La biographie de Colomb la mieux écrite, la mieux équilibrée et la plus utile que j’aie lue. Granzotto ne juge pas Colomb selon la morale de notre époque et ne l’idolâtre pas non plus ; ce qui ressort de ce livre, c’est le meilleur portrait du personnage réel qu’on puisse tirer des documents et de la spéculation seuls.
Francine JACOBS : The Tuinos : The People Who Welcomed Columbus. Putnam. 1992 (« Les Taïnos, le peuple qui accueillit Christophe Colomb »). Il aura fallu la publication d’un roman pour adolescents, sorti longtemps après la date où j’aurais dû normalement remettre mon propre ouvrage à mon éditeur, pour que j’obtienne les détails de la vie quotidienne et de la politique tribale des habitants d’Haïti. La présentation n’a rien de rigoureux, naturellement, mais les renseignements sont valables et, bien que mon but fût d’éviter les événements décrits par l’auteur, je recommande ce livre à ceux qui veulent savoir ce qui s’est réellement passé dans notre version de l’Histoire.
Alvin M. JOSEPHY Jr. : America in 1492 : The World of the Indian Peoples Before the Arrival of Columbus, Knopf. 1991 (« L’Amérique de 1492 : le monde des peuples indiens avant l’arrivée de Christophe Colomb »). Si j’avais rendu le présent roman à la date dite, j’aurais dû me passer de l’aide de cet excellent survol des cultures américaines indigènes. En plus de me fournir des détails précis sur les tribus disparues des îles antillaises, cet ouvrage m’a donné de solides éléments sur les généralités que l’Observatoire pouvait traiter – bien que les conclusions des personnages à propos des cultures d’Amérique soient purement les miennes ou celles de mes héros ; s’il y a des erreurs, Josephy et ses collaborateurs sont seulement responsables du fait que je n’en ai pas commis davantage.
Linda SCHELE et David FREIDEL : À Forest of Kings : The Untold Story of the Ancient Maya, Morrow, 1990 (« Une forêt de rois ; l’histoire cachée des anciens Mayas »). Un ami à moi, Dave Dollahite, m’a obligé à lire ce bouquin alors que je lui répétais sur tous les tons que je travaillais sur les Mexicas et pas sur les Mayas. Il était plus clairvoyant que moi : les Mexicas étaient très conscients de leur dépendance culturelle envers les Toltèques et, avant eux, les Mayas, et cet excellent ouvrage m’a servi de guide pour pénétrer dans la mentalité méso-américaine. Les auteurs font preuve d’une rigueur scientifique parfaite sans se rendre inutilement obscurs, et leur passion pour la culture maya permet, par certains côtés, d’aborder cette civilisation de l’intérieur. Leur volonté de se montrer impartiaux va parfois trop loin car, de temps en temps, ils glissent de l’observation moralement neutre de la culture sacrificielle à l’apologie, voire à l’admiration. Lorsqu’on trouve le terme « malencontreux » pour décrire la souffrance des victimes des tortures et des sacrifices, on s’aperçoit qu’il est possible de prendre un recul moral excessif par rapport à son sujet. Néanmoins, même ce travers n’a fait qu’accroître la valeur de A Forest of Kings à mes yeux : la façon dont des scientifiques américains d’aujourd’hui peuvent admettre sans frémir une culture fondée sur le sacrifice humain m’a permis de comprendre comment les habitants d’Amérique centrale eux-mêmes pouvaient l’accepter.