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— Non, vous nous avez renseignés, à dessein. Que savez-vous de l’Artifact ? Vous en savez sûrement quelque chose, pour vouloir en empêcher la vente.

— Ouais, c’est vrai, ajouta Oop. Vous feriez mieux de tout nous dire, la belle.

— Je ne sais rien du tout.

— Ne plaisantons pas, dit Maxwell. Il s’agit de quelque chose d’important.

— Eh bien, voilà, commença-t-elle. J’avais entendu dire que l’Artifact allait être vendu. Je n’étais pas censée être au courant. J’étais préoccupée, tracassée. Légalement, il n’y avait rien à dire, le Temps a le droit de vendre mais je trouvais qu’un objet comme l’Artifact ne devrait pas être vendu, même pour des dizaines de billions de dollars. Je connaissais un secret et j’avais peur d’en parler. Je voyais bien que les gens ne trouvaient pas que l’Artifact soit important. Et puis, l’autre soir, vous en parliez tous les deux et vous aviez l’air tellement passionnés…

— Que vous avez pensé que nous pourrions peut-être vous aider.

— Je ne sais pas ce que j’ai pensé, mais vous étiez les premiers à montrer quelque intérêt. Cependant, je ne pouvais aborder le sujet à brûle-pourpoint. Je devais être honnête vis-à-vis du Temps. Cela me posait un problème.

— Vous avez travaillé à l’Artifact ? Est-ce ainsi… ?

— Non, je n’y ai pas travaillé mais un jour je me suis arrêtée pour le regarder, comme n’importe quelle touriste, parce que je trouvais que c’était un objet intéressant et mystérieux. Et alors, j’ai vu quelque chose, ou tout au moins j’ai cru le voir. Je ne sais plus. Sur le moment, j’étais persuadée d’avoir vu ce détail que personne n’avait remarqué…

Elle s’interrompit et les regarda tour à tour. Personne ne parlait. Ils attendaient qu’elle poursuive.

— Je ne suis plus certaine. Je ne puis rien affirmer.

— Continuez, lui dit Oop. Du mieux que vous pourrez.

Elle fit un signe de tête résolu :

— Cela n’a duré qu’un instant. Cela a été très rapide et pourtant, sur le moment, j’étais certaine de l’avoir bien vu. Le soleil brillait au-dehors et depuis la fenêtre, il donnait juste sur l’Artifact. Peut-être que personne n’avait jamais vu l’Artifact éclairé sous cet angle-là ? Il m’a semblé voir quelque chose à l’intérieur, un peu comme si l’Artifact était un objet que l’on aurait pressé ou coulé sous cette forme oblongue, et que ceci, on ne pouvait le découvrir qu’en le contemplant dans cette lumière bien particulière. Il m’a semblé voir un œil et en le voyant, il m’est apparu vivant, j’ai vu qu’il me regardait…

— Mais, s’exclama Oop, c’est impossible. L’Artifact est une pierre. Un morceau de métal.

— Un drôle de morceau de métal, ajouta Maxwell. Quelque chose d’impossible à sonder.

— Tout ce que je puis dire, leur rappela Carol, c’est que je ne suis plus certaine de rien. Peut-être était-ce mon imagination.

— On ne le saura jamais, dit Maxwell. Le Roulant emporte l’Artifact demain.

— Et il s’en servira pour acheter la planète de cristal, dit Oop. Je ne crois pas que nous devions rester ici. Si nous avions pu rattraper Shakespeare !

— Cela n’aurait servi à rien, dit Maxwell. Il aurait été inutile de le kidnapper.

— Nous ne l’avons jamais kidnappé, s’exclama Oop blessé, il est venu avec nous de son plein gré, il était ravi. Il avait passé son temps à réfléchir à la façon dont il pourrait se débarrasser de l’escorte que lui avait envoyée le Temps. Il y avait pensé de lui-même. Nous n’avons fait que l’aider un peu.

— En assommant l’escorte ou quelque chose dans le même style ?

— Jamais de la vie ! Nous avons été très doux. Nous avons provoqué ce que l’on pourrait appeler une aimable diversion.

— Bon, dit Maxwell, de toute façon, l’idée était idiote. Il y a trop d’argent en jeu ; même en kidnappant une douzaine de Shakespeare, vous n’auriez jamais pu décider Harlow Sharp à renoncer à la vente de l’Artifact.

— Mais, de toute façon, tout n’est pas fini, dit Carol. Nous pourrions aller réveiller Arnold.

— Le seul moyen pour qu’Arnold nous aide, dit Maxwell, est de trouver pour le Temps la même somme d’argent que celle que Sharp a reçue du Roulant. Je n’en vois pas la possibilité et vous ?

— Non, dit Oop.

Il souleva la jarre, la porta aux lèvres et la vida. Il se leva pour aller en prendre une autre dans la trappe. Soigneusement, il ôta le couvercle et la tendit à Carol :

— Prenons une cuite. Les journalistes seront ici dès demain matin, il nous faudra des forces pour les jeter dehors.

— Attends un peu, dit Maxwell, je sens une idée qui germe.

Ils attendirent l’éclosion de l’idée.

— Le transposeur ! s’exclama Maxwell. Celui dont je me servais sur la planète de cristal. Je l’ai retrouvé dans mon sac.

— Et alors ? demanda Oop.

— Eh bien, imagine que l’Artifact ne soit qu’une tablette.

— Mais, Carol dit que…

— Je sais ce qu’elle dit, mais elle n’en est pas certaine. Elle pense avoir vu un œil qui la fixait, cela me paraît improbable.

— Vous avez raison, dit Carol. Je ne suis certaine de rien. Et ce que vous dites m’a l’air tout à fait possible, il s’agirait alors d’un document très important et plutôt encombrant. Peut-être quelque chose que la planète de cristal aurait laissé sur la Terre en pensant que personne n’irait jamais l’y chercher. Un document secret, caché.

— Même si c’était le cas, dit Oop, cela ne change rien en ce qui nous concerne. Le musée est fermé et Harlow Sharp ne l’ouvrira pas pour nous.

— Avec moi, nous pourrions entrer, dit Carol. Je pourrais téléphoner au gardien et lui dire que je dois entrer pour un travail que j’ai à faire. Ou bien que j’ai oublié quelque chose dont j’ai besoin. Je peux faire cela.

— Et vous pouvez perdre aussi votre place.

Elle haussa les épaules :

— Il y en a d’autres. Et puis, si nous obtenons un résultat…

— Il y a tellement peu de chances, protesta Maxwell. Il n’y a pas plus d’une chance sur un million. Je ne dis pas que cela me déplairait de tenter le coup mais…

— Et si vous faisiez une découverte vraiment importante ? Nous pourrions aller trouver Sharp et lui expliquer et alors, peut-être que…

— Je ne sais pas, dit Maxwell. Cela m’étonnerait que nous découvrions quelque chose d’assez important pour qu’Harlow revienne sur la vente.

Maxwell regarda Carol.

— Pete, je crois que cela vaut la peine d’essayer, lui dit-elle.

XXII

Le passé les environnait, enfermé, mis en écrin, dressé sur piédestal. Partout, des témoins perdus et inconnus ramenés par des expéditions ayant sondé les recoins les plus secrets de l’histoire de l’humanité, des objets d’art, des instruments de folklore découverts dans le passé, des poteries encore en bon état, des flacons égyptiens contenant encore des onguents, des armes de fer venant tout droit de la forge, les rouleaux de la bibliothèque d’Alexandrie qui auraient brûlé si le Temps n’était arrivé à ce moment, la fameuse tapisserie d’Elie, pendant si longtemps disparue, tout cela et bien davantage encore les environnait.

Maxwell pensa que « Musée du Temps » n’était pas un bon nom, il aurait dû s’appeler le « Musée sans âge ». C’était en effet un lieu où les objets étaient mêlés, sans distinction d’époque, un bâtiment où se retrouvaient tous les rêves et les talents de l’humanité, sous forme d’objets neufs et brillants, fabriqués hier seulement. Plus besoin comme autrefois de deviner ce qu’était le passé grâce à quelques témoins épars, on pouvait ici manipuler les outils quotidiens de toutes les époques.