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— Cela présente des avantages certains, dit Sharp. Cela permet l’indépendance d’action, et c’est beaucoup moins volumineux que le système que nous connaissons. Il faudrait l’installer dans le cerveau et… Lambert, je suppose que vous n’y connaissez pas grand-chose ?

— Rien du tout, je vous l’ai déjà dit. Je ne m’y suis pas beaucoup intéressé. Simonson est un de mes amis…

— Mais pourquoi êtes-vous venu ici ? En ce lieu, à cette époque ?

— Un accident, rien de plus. Une fois arrivé, j’ai eu l’impression que c’était beaucoup plus civilisé que beaucoup d’autres endroits dans lesquels j’avais été. Je me suis posé des questions pour savoir comment m’orienter. Une des premières choses que j’ai apprises a été que vous connaissiez les voyages dans le temps et qu’il existait un Collège du Temps ; donc je n’avais jamais été si avant dans le futur. Ensuite, on m’a dit que Mlle Clayton possédait une de mes œuvres. Je me suis dit qu’elle serait sans doute bien disposée à mon égard et je me suis mis à sa recherche, pour qu’elle me dise où je pourrais trouver quelqu’un qui pourrait me renvoyer chez moi. Et c’est pendant que j’étais chez elle que l’inspecteur est arrivé.

— Avant de poursuivre, monsieur Lambert, dit Nancy, je voudrais vous poser une question. Pourquoi lorsque vous étiez à l’époque jurassique et que vous avez peint ce tableau…

Lambert la coupa :

— Vous oubliez que je ne l’ai pas encore peint. J’ai fait quelques esquisses et un de ces jours…

— Eh bien, disons quand vous peindrez ce tableau, pourquoi n’y mettrez-vous pas de dinosaures ? Vous venez de dire qu’il y en avait.

— Je n’en ai pas mis pour la simple raison qu’il n’y en avait pas.

— Mais vous avez dit…

— Vous devez comprendre, expliqua patiemment Lambert, que je ne peins que ce que je vois. Je ne change rien à la réalité. Et il n’y avait pas de dinosaures parce que les créatures du tableau les avaient chassés. C’est pourquoi je n’ai peint ni les dinosaures ni les autres créatures.

— De quoi parlez-vous ? demanda Maxwell. Qu’étaient ces autres créatures ?

— Eh bien, mais celles avec des roues !

Il s’interrompit et contempla les visages abasourdis de ses auditeurs :

— Ai-je dit quelque chose de mal ?

— Oh non, pas du tout, dit gentiment Carol. Continuez, monsieur Lambert. Parlez-nous de ces créatures.

— Vous ne me croirez probablement pas. Je ne sais pas ce qu’elles étaient au juste. Peut-être des esclaves, des chevaux de trait, des porteurs de fardeaux. Elles étaient vivantes mais elles avaient des roues à la place des pieds et chacune d’entre elles était un amas d’insectes, un genre de fourmis ou d’abeilles. Vous ne me croyez sans doute pas mais je vous jure…

Ils perçurent à ce moment un bruit de roues qui descendaient le couloir. Le bruit se rapprocha et devint plus distinct ; arrivé à hauteur de la porte, il diminua et tout à coup, ils virent un Roulant dans l’embrasure de la porte.

— En voilà une, dit Lambert. Comment cela se fait-il ?

— Monsieur Marmaduke, dit Maxwell, je suis heureux de vous revoir.

— Non, dit le Roulant, je ne suis pas M. Marmaduke, vous ne le verrez plus. Il est en disgrâce, il a commis une grave erreur.

Sylvester fit un pas en avant mais Oop l’agrippa par la peau du cou. Il le tint pressé contre lui, et le chat essaya de se dégager en se débattant.

— Un engagement avait été pris, continua le Roulant, par un humanoïde répondant au nom de Harlow Sharp. Lequel d’entre vous se nomme ainsi ?

— Je suis votre homme, dit Sharp.

— Alors, monsieur, je dois vous demander ce que vous avez l’intention de faire pour remplir votre engagement ?

— Je ne peux rien faire. L’Artifact est parti et ne pourra être livré. Vous serez bien sûr remboursé.

— Ceci, monsieur Sharp, ne sera pas suffisant. Nous allons vous intenter un procès. Nous allons faire de notre mieux pour vous ruiner et…

— Misérable roulette, hurla Sharp, vous n’avez aucune loi pour vous. La loi galactique ne s’applique pas à une créature comme vous. Si vous croyez pouvoir venir ici pour me menacer…

Fantôme apparut juste devant la porte.

— Il est grand temps, lui dit Oop, furieux. Où as-tu passé la soirée ? Qu’as-tu fait de Shakespeare ?

— Le barde va bien, dit Fantôme. Mais j’ai d’autres nouvelles.

Il fit un geste en direction du Roulant :

— D’autres Roulants comme celui-ci ont envahi la réserve des Lutins pour capturer le dragon.

Ainsi, se dit Maxwell, c’était le dragon qu’ils voulaient. Se pouvait-il qu’ils en aient connu l’existence depuis le début ?

Sûrement, car ils existaient à l’époque jurassique.

Ils effectuaient les travaux à l’époque jurassique sur la Terre, mais sur combien d’autres planètes et à combien d’autres époques avaient-ils fait la même chose ? Lambert avait dit qu’ils étaient les serfs, les chevaux de trait, les portefaix. Étaient-ils les représentants les plus inférieurs de l’ancienne colonie, ou bien l’avaient-ils été ? À moins qu’ils ne soient que des animaux domestiques équipés d’un moteur génétique.

Et maintenant, ces anciens esclaves avaient fondé leur propre empire et ils voulaient quelque chose qu’ils considéraient, peut-être à juste titre, comme leur héritage, puisque nulle part ailleurs, il n’y avait de trace du grand projet de colonisation de la planète de cristal.

Peut-être avaient-ils raison. Dans le fond, c’était leur labeur qui avait fait fonctionner le projet. Peut-être que le Banshee avait pensé faire justice quand il avait voulu aider les Roulants. À moins qu’il n’ait trouvé que le trésor de science ne devait pas aller à des étrangers, mais plutôt à ceux qui avaient aidé à l’élaboration du grand projet de colonisation.

Sharp s’adressa au Roulant :

— Vous voulez dire que pendant que vous êtes là à me menacer, vos semblables, ces bandits sont en train de…

— Il joue sur tous les tableaux, dit Oop.

— Le dragon est retourné chez lui, dit Fantôme. Le seul havre qu’il connaisse sur toute la planète, la résidence des Petits Hommes. Il a voulu revoir ses compagnons. Il survolait la vallée dans le clair de lune quand les Roulants l’ont attaqué. Ils essayent de le faire tomber pour le capturer. Il lutte magnifiquement mais…

— Les Roulants ne volent pas, lui fit remarquer Sharp. Vous dites qu’ils sont nombreux, ou tout au moins, vous le laissez supposer, or c’est impossible, M. Marmaduke était seul.

— Je vous assure qu’ils volent, dit Fantôme, et leur nombre est surprenant. Peut-être étaient-ils ici depuis toujours, cachés. Ils sont peut-être venus par la gare des Transports.

— Il faut y mettre fin, dit Maxwell, nous pourrions appeler les Transports ?

Sharp fit non de la tête :

— C’est impossible, les Transports sont intergalactiques, pas seulement terrestres. Nous ne pouvons rien faire.

— Monsieur Marmaduke, dit l’inspecteur de sa voix la plus officielle, je crois que je ferais mieux de vous conduire au poste.

— Cessez ces bavardages, commanda Fantôme. Les Petits Hommes ont besoin de nous.

Maxwell s’empara d’une chaise et la brandit :

— Ne faisons plus les idiots. Et vous, l’ami, dit-il au Roulant, vous allez parler, sinon je vais vous démolir.

Des sortes de petits lance-flammes jaillirent de la poitrine du Roulant et une odeur fétide les saisit. Leur estomac se révulsa et ils suffoquèrent.

Maxwell se sentit tomber sur le sol, incapable de contrôler son corps qui lui semblait paralysé par la terrible odeur. Il roula au sol et il s’agrippa la gorge des deux mains pour la déchirer et permettre à l’air d’y pénétrer. Mais il n’y avait plus d’air, rien que l’odeur méphitique du Roulant.