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— Ne me touchez pas. Et ne m’adressez plus jamais la parole. Vous avez dit à Harlow de frapper Sylvester, vous m’avez injuriée, vous m’avez dit de la fermer !

Elle s’éloigna rapidement vers le sommet de la colline.

Après un moment de stupeur, Maxwell reprit sa marche. Il évitait les rochers et s’agrippait aux arbustes pour se hisser.

Du haut de la colline, lui parvinrent des exclamations retentissantes. Il vit sur sa gauche une masse noire qui tombait du ciel, ses deux roues tournant à toute vitesse dans le vide. Elle alla s’écraser dans les bois. Il s’arrêta et regarda en l’air, il vit deux autres globes qui se précipitaient l’un vers l’autre. Ni l’un ni l’autre ne ralentirent et ils explosèrent sous le choc. Les débris retombèrent et un crépitement dans les feuilles l’avertit qu’ils avaient touché terre.

En haut, les exclamations continuaient et dans le lointain, tout à fait au sommet de la colline, il entendit plutôt qu’il ne le vit un objet qui tombait du ciel.

Il était seul quand il se remit à grimper.

Il se dit que tout était terminé. Les Trolls avaient fini leur ouvrage et le dragon pouvait redescendre. Il se sourit à lui-même. Il avait passé des années à chercher un dragon et enfin, il était là. Mais peut-être que ce dragon était davantage que ce qu’il s’était imaginé. Qu’était-il exactement ? Pourquoi avait-il été transformé en Artifact ?

C’était très bizarre. L’Artifact qui avait toujours été hermétique et résistant à tout et qui avait livré son secret au moment exact où il s’était servi du transposeur. Que s’était-il produit ? Le transposeur avait sûrement joué un rôle mais lequel ? Les habitants de la planète de cristal connaîtraient sûrement la réponse. Cela devait faire partie de leurs connaissances qui dépassaient toutes celles de l’entière Galaxie. Le transposeur s’était-il trouvé dans ses bagages sous l’effet du simple hasard ? Avait-il été placé là intentionnellement pour l’utilisation exacte que Maxwell en avait fait ?

Il se souvint s’être autrefois demandé si l’Artifact n’aurait pas été un dieu pour les Petits Hommes ou d’autres créatures qui leur auraient été très proches. Aurait-il eu raison ? Le dragon serait-il un dieu des jours anciens ?

Il reprit son escalade mais plus lentement car il n’avait plus aucune raison de se hâter, pour la première fois depuis son retour de la planète de cristal.

Il était à mi-chemin de la pente lorsqu’il entendit une musique. Elle était si faible qu’il se demanda s’il ne s’était pas trompé. Il s’arrêta et cette fois il en fut certain. Il y avait de la musique.

Le soleil apparaissait tout juste à l’horizon et il baignait d’une lumière aveuglante la cime des arbres qui prenaient des tons flamboyants, mais la pente, elle, était toujours dans la demi-obscurité du matin.

Il tendit l’oreille. On aurait dit le murmure d’un ruisseau argenté sur des cailloux. C’était une musique aérienne, féerique. Féerique était bien le mot : sur la pelouse aux Fées jouait un orchestre de Fées.

Il se parla à lui-même :

— Je vous en prie, ne partez pas, n’ayez pas peur, laissez-moi vous regarder.

Maintenant, il était tout près et la musique continuait, derrière un rocher.

Il en fit le tour, progressant centimètre par centimètre, faisant attention à ne faire aucun bruit.

Et alors, il les vit.

Les Fées musiciennes étaient assises en rang sur une bûche au bout de la pelouse. La lumière du matin faisait briller leurs ailes irisées et leurs instruments polis.

Mais aucune Fée ne dansait. À leur place dansaient deux âmes assez simples pour évoluer au son d’une musique de Fées.

Fantôme et William Shakespeare, face à face.

XXV

Le dragon était juché sur le toit du château. Son corps multicolore étincelait dans le soleil. Dans le lointain, le Wisconsin coulait comme un ruban bleu au milieu de la forêt. De la cour du château provenaient les échos d’une bombance. Les Lutins et les Trolls buvaient la douce bière d’Octobre en deux groupes bien séparés. Ils cognaient leurs chopes contre les tables que l’on avait sorties de la grande salle et ils chantaient des chants composés bien avant l’apparition de l’Homme.

Maxwell était assis sur un rocher. Il contemplait la vallée. À une trentaine de mètres devant lui, la falaise tombait à pic et sur son bord poussait un cèdre torturé par les tempêtes. L’écorce avait une couleur gris argent poussiéreux et son feuillage gris pâle exhalait un parfum qui parvenait jusqu’à Maxwell.

Il se dit que tout était bien. Il n’y avait plus d’Artifact pour traiter avec la planète de cristal. Il restait le dragon et c’était sûrement ce que les ombres de la planète désiraient mais de toute façon, les Roulants avaient perdu. À longue échéance cette défaite s’avérerait peut-être plus importante que la possession de la science.

Tout était bien fini, mieux que ce qu’il aurait pensé. Mais maintenant tout le monde lui en voulait. Carol, parce qu’il avait dit à Harlow de frapper Sylvester et parce qu’il lui avait ordonné de la fermer. O’Toole, parce qu’il l’avait abandonné à Sylvester et obligé à céder aux Trolls. Harlow, qui n’avait pas pu vendre l’Artifact et dont le musée était en pièces. Peut-être que le fait d’avoir retrouvé Shakespeare le consolerait. Et il ne fallait oublier ni Drayton qui voudrait encore le questionner, ni Longfellow qui ne l’aimerait pas davantage maintenant.

Parfois, cela ne servait à rien de se donner du mal et de lutter pour un but précis. Peut-être Nancy Clayton était-elle dans le vrai, ne pensant qu’à ses invités célèbres et ses merveilleuses soirées.

Quelque chose le frôla et il se retourna. Sylvester sortit une langue râpeuse et se mit en devoir de lui lécher le visage.

— Ça suffit, dit Maxwell.

Sylvester ronronna avec satisfaction et s’installa à côté de lui. Il se pressa contre Maxwell et tous deux regardèrent la vallée.

Un bruit de pas s’approcha et une voix s’éleva :

— Vous m’avez volé mon chat. Puis-je m’asseoir et le partager avec vous ?

— Asseyez-vous, je vais vous laisser de la place. Je croyais que vous ne vouliez plus jamais me parler.

— Vous avez été horrible et cela m’a déplu, mais vous avez sans doute eu raison.

Un nuage noir vint se poser sur le cèdre.

Carol sursauta et se serra contre Maxwell. Il l’entoura de son bras.

— Ce n’est rien, lui dit-il, ce n’est qu’un Banshee.

— Mais il n’a pas de corps, il n’a pas de visage. Rien qu’un nuage.

— Nous sommes encore deux et nous sommes ainsi. De grands chiffons sales qui flottent dans le ciel. Il ne faut pas avoir peur. Cet Humain est notre ami.

— Pas celui du troisième, il m’a trahi au profit des Roulants.

— Et cependant, vous êtes resté avec lui alors que personne d’autre ne le faisait.

— Oui. N’importe qui est en droit de l’exiger, même votre pire ennemi.

— Alors, vous devez pouvoir me comprendre. Après tout, les Roulants et nous ne faisons qu’un. Un lien ancien nous unit.

— Je crois comprendre. Que puis-je faire pour vous ?

— Je suis simplement venu vous dire que la planète de cristal, c’est le nom que vous lui donnez, a été avertie.

— Et ils veulent le dragon ? Vous n’avez qu’à nous donner les coordonnées.

— Elles seront données à la Centrale des Transports. Vous et beaucoup d’autres allez vouloir les recopier mais le dragon reste sur la Terre, à la réserve des Lutins.

— Je ne comprends pas. Ils voulaient…

— L’Artifact, pour libérer le dragon. Il y avait trop longtemps qu’il était prisonnier.