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— Asseyez-vous. Vous prendrez bien quelque chose ?

— Volontiers. Mon nom est Peter Maxwell et je suis membre de la Faculté…

Elle le coupa :

— Attendez ! Vous avez bien dit Maxwell ? Je me rappelle maintenant, c’est le nom…

— Oui, je sais, dit Maxwell, de celui qui est mort.

Il s’assit avec soin sur le canapé.

— Je vais vous chercher à boire, proposa la fille.

Sylvester se rapprocha et posa doucement la tête sur les genoux de Maxwell qui le gratta derrière l’oreille. En ronronnant, le chat tourna la tête pour lui montrer où cela le démangeait.

La fille revint avec les boissons et s’assit à côté de lui.

— Je ne comprends toujours rien, dit-elle. Si vous êtes bien l’homme qui…

— C’est assez compliqué, lui dit Maxwell.

— Je dois reconnaître que vous avez l’air de le prendre assez bien. Vous êtes peut-être un peu secoué mais pas vraiment atteint dans le fond de vous-même.

— En fait, j’étais déjà un peu prévenu. On me l’avait dit mais je n’y croyais pas. Je pense que surtout, je ne voulais pas y croire.

Il souleva son verre :

— Vous ne buvez pas ?

— Si vous vous sentez bien, je vais aussi en prendre un verre.

— Oh, mais je vais très bien. Je vais tâcher de survivre.

Il la regarda et pour la première fois, il la vit réellement. Douce et nette, ses cheveux noirs libres sur les épaules, de longs cils, les pommettes hautes. Et deux yeux qui lui souriaient.

— Comment vous appelez-vous ? demanda-t-il.

— Carol Hampton. Je suis historienne au Temps.

— Mademoiselle Hampton, je vous demande pardon. J’étais en voyage, hors de la planète. Je viens de rentrer. Ma clé correspondait à la serrure et puis, au moment de mon départ, cet appartement était le mien…

— Vous n’avez pas besoin de vous justifier.

— Nous allons boire ce verre, dit-il, et je vous laisserai. À moins…

— À moins ?

— À moins que vous n’acceptiez de dîner avec moi. Mettons que ce soit pour vous remercier de votre compréhension. Vous auriez pu vous enfuir en poussant des cris.

— Et si tout cela n’était qu’une blague ! dit-elle. Si vous…

— Ce n’est pas une blague. Ce serait vraiment trop bête de ma part d’inventer toute cette histoire. Et en plus, comment expliquez-vous que j’aie la clé ?

Elle le regarda un instant puis dit :

— Excusez-moi, j’ai été idiote. Mais il faudra que Sylvester vienne avec nous. Il ne veut pas rester tout seul.

— Mais, dit Maxwell, je n’ai jamais eu l’intention de le laisser. Lui et moi sommes copains.

— Cela vous coûtera un steak. Il a toujours faim et il ne mange que de bons steaks. Des très gros, et crus.

V

Le « Pig and Whistle » était sombre, bruyant et enfumé. Les tables y étaient très serrées les unes contre les autres. Des chandelles éclairaient la salle d’une lueur vacillante. Les voix résonnaient sous le plafond très bas et elles se confondaient toutes.

Maxwell s’arrêta et chercha du regard une table libre. Il pensa qu’ils auraient peut-être mieux fait d’aller ailleurs car cet endroit, qui était le lieu de réunion de tous les étudiants et de quelques membres de la Faculté, lui rappelait le campus.

— Peut-être que nous n’aurions pas dû venir ici, dit-il à Carol Hampton.

— Nous allons avoir une table d’un instant à l’autre, dit-elle. Cela doit être une heure d’affluence. Tout le monde est bousculé. Sylvester, ça suffit !

Elle s’adressa d’une voix enjôleuse aux personnes assises à la table voisine :

— Excusez-le, s’il vous plaît. Il ne sait pas se tenir. Surtout à table. Il vole tout ce qu’il voit.

Sylvester se léchait les babines, l’air réjoui.

— Ne vous tracassez pas, lui dit un barbu, je n’en avais vraiment pas envie. Je me suis vraiment forcé pour commander ce steak.

Une voix appela :

— Pete ! Pete Maxwell !

Maxwell scruta l’obscurité. Quelqu’un lui faisait des gestes, debout à une table dans le fond de la salle. Finalement, Maxwell réussit à reconnaître Alley Oop et à côté de lui, enveloppé dans son linceul, Fantôme.

— Ce sont des amis à vous ? demanda Carol.

— Oui, et on dirait qu’ils nous demandent de nous asseoir avec eux. Cela ne vous ennuie pas ?

— D’être avec l’homme de Néanderthal ?

— Vous le connaissez ?

— Non. Je l’ai aperçu plusieurs fois. Mais j’aimerais faire sa connaissance. Et l’autre, c’est le Fantôme ?

— Ils sont inséparables, dit Maxwell.

— Eh bien ! allons les rejoindre.

— Nous pouvons leur dire bonsoir et aller ailleurs.

— Jamais de la vie. Cet endroit me paraît très intéressant.

— Vous n’étiez jamais venue ?

— Je n’ai jamais osé, dit-elle.

— Suivez-moi, je vais vous ouvrir la voie.

Il se fraya un chemin au milieu des tables, suivi de la jeune fille et de son chat.

Alley Oop s’avança dans le passage pour l’accueillir. Il l’enlaça, le serra contre lui, puis le saisit aux épaules et le garda à bout de bras pour pouvoir l’observer bien en face.

— C’est bien notre vieux Pete ? Tu ne nous fais pas une farce ?

— Je suis Pete, dit Maxwell. Qui d’autre veux-tu que je sois ?

— Alors, je serais curieux de savoir qui nous avons enterré il y a trois semaines, jeudi dernier. Fantôme et moi y étions tous les deux. Et tu nous dois vingt dollars pour les fleurs.

— Asseyons-nous, dit Maxwell.

— Tu as peur de faire un esclandre, dit Oop. Cet endroit est fait pour les esclandres. Il y a une bagarre à l’heure et il y a toujours quelqu’un prêt à grimper sur une table et faire un discours.

— Oop, dit Maxwell, nous avons une dame parmi nous et j’aimerais que tu te calmes et que tu te civilises. Mademoiselle Hampton, je vous présente ce grand nigaud d’Alley Oop.

— Enchanté, dit Oop. Et qu’est-ce que cette bête que vous avez avec vous ? Cela m’a tout l’air d’être un chat sauvage. Il faut que je vous raconte une histoire. C’était un jour de tempête et je cherchais abri dans une grotte. Je me suis trouvé en face d’un gros chat comme celui-ci. J’avais pour seule arme un poignard en pierre. Voyez-vous, j’avais perdu ma massue contre un ours et…

— Une autre fois, interrompit Maxwell. Laisse-nous au moins nous asseoir. Nous avons faim et nous n’avons pas l’intention de nous faire mettre dehors.

Tout en marmonnant, Oop les guida enfin vers la table et il tendit une chaise à Carol. Sylvester s’installa entre elle et Maxwell. Il posa son museau sur la table et regarda Oop d’un air mauvais.

— Ce chat ne m’aime pas, déclara Oop. Il sait sans doute combien de ses ancêtres j’ai démoli à l’âge de pierre.

— Ce n’est pas possible. Ce n’est qu’un bio-méca.

— Je n’en crois pas un mot. Cette sale bête n’est pas un bio-méca. Il a dans les yeux la même lueur de méchanceté que tous les autres chats sauvages.

— Je t’en prie, Oop, tais-toi un instant, dit Maxwell. Mademoiselle Hampton, je vous présente Fantôme, un vieil ami à moi.

— Enchanté, Monsieur Fantôme, dit Carol.

— Pas Monsieur. Fantôme tout court. C’est tout ce que je suis, et ce qu’il y a de terrible, c’est que je ne sais pas de qui je suis le fantôme. Je suis ravi de faire votre connaissance. C’est merveilleux de se retrouver à quatre autour de cette table. Le chiffre quatre implique une idée de bonheur et d’équilibre.

— Eh bien ! dit Oop, maintenant que nous nous connaissons tous, passons aux choses sérieuses. Buvons un peu. C’est triste de boire seul. J’adore Fantôme, bien sûr, mais je n’aime pas qu’un homme ne boive pas.