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— Non, dit simplement Elinborg. Vos techniciens… se rendent-ils parfois chez les clients ?

— Oui, et c’était le cas de Runolfur, informa le responsable. Il s’occupait des mises en réseau, de l’ADSL, des réseaux téléphoniques internes, des clefs de décodeurs pour la télévision ainsi que de la fibre optique. Nous nous efforçons d’offrir le meilleur service possible. Les gens sont incroyablement ignorants dès qu’on touche aux ordinateurs et à la technique. Il y a peu, nous avons même eu l’appel d’un homme qui avait passé sa journée à piétiner sa souris qu’il prenait pour une pédale, c’est dire !

— Pourriez-vous nous remettre la liste des gens chez qui il est passé au cours des derniers mois ? demanda Elinborg. Il travaillait bien à Reykjavik, n’est-ce pas ?

— Dans ce cas, vous devrez me présenter un mandat, précisa le responsable. Nous avons sans doute ce genre de liste, mais je suppose que pour des questions de vie privée des clients…

— Cela va de soi, acquiesça Elinborg. Vous aurez ce document avant l’heure de la fermeture.

— Vous avez l’intention d’interroger tous ceux qu’il est allé voir ?

— Si besoin est, nous le ferons, répondit-elle. Connaîtriez-vous des amis de Runolfur avec lesquels nous pourrions nous entretenir, qu’ils soient employés ici ou non ?

— Non, mais je vais me renseigner.

Les caméras de surveillance installées dans le centre-ville entre le domicile de Runolfur et les lieux où son bailleur le pensait susceptible d’être allé n’avaient pas enregistré son passage le week-end du meurtre. Au nombre de huit, elles étaient placées aux endroits les plus fréquentés du cœur de Reykjavik. En soi, le fait qu’on n’ait trouvé aucune image de lui sur les enregistrements ne signifiait rien : bien des itinéraires permettaient de contourner ces dispositifs pour se rendre à son domicile. Runolfur connaissait probablement l’emplacement de ces caméras qu’il avait donc dû éviter. On avait demandé aux taxis s’ils l’avaient remarqué ou pris comme passager, mais cela n’avait servi à rien. On s’était également renseigné auprès des chauffeurs de bus qui traversaient le périmètre – en vain. Les paiements effectués par Runolfur avec ses cartes bancaires avaient été épluchés, mais il semblait qu’il s’en soit exclusivement servi pour régler ses dépenses alimentaires, les traites des emprunts qu’il avait contractés pour l’achat de matériel comme son ordinateur et son iPod ainsi que pour les charges fixes tels le téléphone, le chauffage, l’électricité et l’abonnement télé. Des documents leur avaient été communiqués, qui indiquaient s’il s’était trouvé dans le rayon de plusieurs relais téléphoniques au cours de la soirée. Il était possible de le localiser, même s’il n’avait ni passé ni reçu aucun appel. En tant que technicien en téléphonie, il devait toutefois savoir qu’il était impossible de situer les gens avec grande précision. Il existait un émetteur pour la zone du centre-ville : celui-ci couvrait un rayon de trois kilomètres. Si Runolfur voulait quitter ce périmètre sans que personne puisse le découvrir, il lui suffisait de laisser son portable chez lui. Le document laissait apparaître que son téléphone ne s’était à aucun moment trouvé en dehors de cette zone.

Un échantillon des cheveux de la jeune femme retrouvée sur Nybylavegur avait été envoyé à l’étranger pour analyse d’ADN, accompagné de ceux qu’on avait découverts dans l’appartement et la voiture de Runolfur. Il faudrait attendre un peu pour dire si elle avait été sa victime quelques semaines avant qu’il ne soit assassiné. Aucun soupçon ne pesait toutefois sur elle, on considérait son alibi comme solide. Le t-shirt qu’il portait ainsi que le châle trouvé chez lui avaient également été envoyés pour analyse, au cas où on y aurait décelé des traces attestant que les deux appartenaient à la même personne. L’examen de l’ordinateur de Runolfur n’avait rien appris à la police sur son invitée au cours de la nuit où il avait eu la gorge tranchée. Son ordinateur ne contenait du reste que très peu d’informations sur l’utilisation qu’il faisait d’Internet ; il semblait toutefois qu’il ait été à la recherche d’une voiture d’occasion. Les sites de vente de véhicules de deuxième main occupaient une grande part de l’historique du jour de son décès, où apparaissaient également les pages sportives de journaux islandais ou étrangers, ainsi que quelques sites consultés pour les besoins de son travail. La totalité des courriels était de nature professionnelle.

— Il n’utilisait pas le courriel de la même manière que la plupart d’entre nous, c’est-à-dire à des fins personnelles, me semble-t-il, précisa l’expert en informatique de la police qui s’était vu confier la machine de la victime. Et je crois bien que c’était tout à fait conscient.

— Conscient ? Que veux-tu dire ?

— Il ne laisse aucune trace derrière lui, répondit l’expert.

Elinborg se tenait à la porte d’un bureau si exigu du commissariat de la rue Hverfisgata qu’elle n’aurait pas pu tenir à l’intérieur. Son interlocuteur, un géant plutôt enveloppé, semblait être coincé dans cette espèce de cagibi.

— Qu’y a-t-il de suspect là-dedans ? Il y a des gens qui sèment n’importe quoi à tous les vents et d’autres qui prennent plus de précautions. En réalité, personne ne sait vraiment qui lit ces courriers, n’est-ce pas ?

— On peut voler tout et n’importe quoi, convint l’expert. Ce ne sont pas les exemples qui manquent. Personnellement, je n’irais jamais raconter quoi que ce soit d’important dans un message électronique, mais j’ai quand même l’impression que cet homme faisait plus que prendre de simples précautions. Il me semble que cela confinait à la paranoïa. On dirait qu’il faisait tout ce qui était en son pouvoir afin de ne laisser aucune donnée personnelle dans son ordinateur. Ses favoris Internet sont vides à l’exception de ceux qui concernent son travail. On n’y trouve aucune trace de discussion, aucun document, ni réflexions personnelles, ni journal intime ou agenda. Rien. Tout ce que nous savons, c’est qu’il s’intéressait au foot et au cinéma. Voilà ce que nous apprend son ordinateur.

— Donc, vous n’avez rien trouvé sur ses amies ?

— Rien.

— Vous pensez que c’était délibéré ?

— Tout à fait.

— Parce qu’il avait quelque chose à cacher ?

— Il est possible que ce soit l’une des raisons, répondit l’expert en tendant le bras vers son ordinateur. Il semble qu’il ait eu pour règle d’effacer tous les sites qu’il avait consultés dans la journée avant d’éteindre sa machine en soirée.

— Cela n’est peut-être pas surprenant quand on pense qu’il avait de la drogue du viol sur lui.

— En effet, peut-être pas.

— En résumé, personne ne sait ce qu’il fabriquait sur le Net ?

— Je vais voir si je trouve quelque chose. Ce n’est pas parce qu’il a effacé l’historique que toutes les adresses visitées sont perdues. Je suppose aussi que son fournisseur d’accès possède l’ensemble des données. Mais je crois qu’il est basé à l’étranger et cela risque de nous prendre un certain temps avant d’obtenir ces renseignements, regretta l’expert qui, bougeant sur sa chaise, la fit craquer bruyamment.

L’autopsie avait révélé que Runolfur était un individu tout à fait sain ne souffrant d’aucune pathologie physique. Il était de petite taille, mais svelte et bien proportionné ; son corps ne présentait aucune cicatrice ni défaut majeur et l’ensemble de ses organes fonctionnait normalement.

— C’était par conséquent un jeune homme en pleine santé, résuma le légiste quand il eut achevé son exposé.