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– Toi aussi tu as des soucis, fit Aldo avec un demi-sourire. La tombe découverte par ce Carter aux environs de Louxor...

– Une veine incroyable ! soupira Vidal-Pellicorne les yeux au plafond. Un tombeau indemne : celui de Toutankhamon, un pharaon sans grande importance qui n’a régné que huit ans mais qui pendant ce temps-là s’est amassé un sacré trésor funéraire ! C’est à en pleurer quand je pense à mon cher M. Loret, mon bon maître qui, là-bas, s’évertue sans grands résultats ! Il est vrai que nous autres, pauvres Français, ne bénéficions pas des largesses d’un mécène tel que lord Carnarvon ! ... j’aimerais bien aller voir ça de près !

– Qu’est-ce qui t’en empêche ? Tu as un peu avancé l’affaire de la Rose ?

– Pas vraiment ! J’ai déjà exploré deux impasses sans résultat. J’ai écrit à Simon pour lui demander s’il n’aurait pas d’autres lumières... Je t’avoue que je commence à perdre courage.

– Et l’affaire d’Exton Manor ? Toujours rien ?

– Rien. Le ménage Killrenan semble vivre dans une entente parfaite. Il est vrai que Yuan Chang, lui, a eu quelques petits ennuis qui ont dû retarder ses projets. Mais le ptérodactyle te racontera ça, je l’ai invité à dîner. Au fait, qu’est-ce qui te ramène ?

Pour toute réponse, Aldo tendit la lettre d’Anielka.

– Ouais ! fit Adalbert en la lui rendant. Les affaires ne s’arrangent pas pour elle non plus. Elle passe en justice dans une dizaine de jours. En voyant ta tête, j’ai un peu regretté d’avoir convié Warren, maintenant je commence à croire que j’ai eu raison.

– Tout à fait. Il me faut d’urgence une autorisation de visite pour Brixton.

– Je m’en doute. Alors installe-toi, fais un brin de toilette et repose-toi un peu ! On dîne à huit heures.

Pour être policier on n’en est pas moins homme du monde, et le smoking du superintendant n’avait rien à envier à ceux de ses hôtes.

– Content de vous voir ! fit-il en serrant la main de Morosini. C’est parce que vous arriviez que j’ai accepté de venir ce soir. Lady Ferrals nous pose de gros problèmes...

– Je pensais pourtant avoir apporté une preuve de non-culpabilité en démontrant comment son époux avait été empoisonné.

– Vous savez bien que c’est insuffisant. Demeure la quasi-certitude de complicité avec un autre meurtrier, en admettant qu’il y en ait un. En outre, un domestique jure avoir vu lady Ferrals seule dans le bureau de son époux à plusieurs reprises.

– Je suppose qu’étant dans sa propre demeure elle avait le droit d’aller dans toutes les pièces ?

– Alors, pourquoi nous refuse-t-elle toujours – à son père, son avocat et moi-même – son aide pour retrouver ce damné Polonais ?

– Peut-être me parlera-t-elle à moi ? Je suis venu à cause d’une lettre : celle-ci...

Warren la parcourut rapidement puis la rendit à son propriétaire.

– Demain vous aurez votre autorisation de visite. Je vous la ferai porter par un planton. Autant que vous le sachiez : elle a eu une véritable crise de désespoir lorsqu’elle a appris que vous étiez reparti pour Venise.

– De désespoir ?

– Interrogez maître Saint Albans, il vous le confirmera. Pas de Champagne, s’il vous plaît ! ajouta-t-il à l’intention de Vidal-Pellicorne qui lui tendait une coupe : je ne bois du vin qu’à table et encore pas tous les jours.

En fait, il buvait beaucoup plus qu’il ne mangeait, sans que son comportement s’en trouvât affecté. Non sans surprise, Aldo, qui choisit de garder le silence la majeure partie du repas, s’aperçut qu’en son absence l’archéologue et le policier avaient noué des liens d’amitié. C’était peut-être difficile à comprendre mais c’était un fait qui pouvait avoir son utilité. Les deux hommes parlèrent de l’affaire du tombeau égyptien qui, à les entendre, passionnait l’Angleterre. Face à son invité, Adalbert se gardait de montrer sa frustration. Le dialogue était courtois, aimable, érudit même quand c’était Adalbert qui menait mais, au bout d’un certain temps, Morosini en eut assez. Profitant de ce que le Super attaquait le rosbif sans lequel il n’est pas de repas convenable pour tout bon Anglais, il lança :

– À propos, avez-vous réussi à reprendre le diamant du Téméraire à Yuan Chang ?

– Non, en dépit de la perquisition poussée à laquelle mes hommes se sont livrés au Chrysanthème rouge et dans sa boutique. Cependant, nous avons réussi à mettre Yuan Chang à l’ombre. Grâce à la trahison d’une femme, l’amie d’un des frères Wu, nous avons pu lui tendre un piège. Il a été pris sur un bateau en train de réceptionner une importante quantité d’opium et de cocaïne. Il a perdu son sang-froid et deux policiers ont été blessés. On l’a arrêté avec plusieurs de ses hommes.

– Et lady Mary ?

– Sage comme une image. J’ai interrogé moi-même le Chinois et, sans entrer dans les détails, je lui ai dit que je savais le diamant en sa possession, mais je n’ai pas réussi à l’amener à « mouiller » sa complice. C’est un homme d’une grande patience et il ne tient pas à perdre cet atout qu’il garde caché dans sa manche.

– Jusqu’à quel point a-t-elle trempé dans le meurtre de George Harrison ?

– Je pense qu’elle a joué le rôle de la vieille lady dont elle est cousine et qu’elle voyait souvent, assez peut-être pour s’attirer le dévouement de gens au service d’une maîtresse connue pour son avarice : d’où la femme qui l’accompagnait et la voiture... à moins que celle-ci n’ait été louée. Pointer a cherché de ce côté-là mais n’a rien trouvé. Nous avons encore du pain sur la planche ! Quant à notre ravissante lady, elle mène une agréable vie mondaine et profite de la publicité que le procès Ferrals procure à son époux. Presque chaque week-end, elle reçoit à Exton Manor... que nous continuons à surveiller de près.

– Sir Desmond ne sait toujours rien ?

– Des activités de sa femme ? Non. Je vous l’ai dit, je souhaite la prendre la main dans le sac. Mais du danger qui le menace, oui. Après l’arrestation de Yuan Chang je lui ai « confié » au cours d’un entretien que, selon certains renseignements sur lesquels je ne me suis pas étendu, le Chinois guignait sa collection de joyaux impériaux. Il est donc mis en garde : à lui de prendre les précautions nécessaires.

– Elles ne serviront pas à grand-chose s’il ne soupçonne pas sa femme, puisque c’est sur elle que comptait Yuan Chang.

– Il ne soupçonne pas davantage que son château est surveillé. En effet, que le chef de la bande soit en prison ne me suffit pas. D’abord parce qu’il réussira à en sortir un jour ou l’autre ; ensuite parce que nous ignorons beaucoup de choses concernant ceux qu’il emploie. Et je crains qu’ils ne soient nombreux. Alors...

– Il est évident que dans ces conditions il ne reste plus qu’à attendre...

– D’autant plus, compléta Vidal-Pellicorne lorsque le superintendant eut pris congé, que nous nous fichons que l’on retrouve ou non le faux diamant. C’est le vrai qui nous intéresse et j’en arrive à me demander si nous relèverons sa trace un jour ou l’autre.

– Puisque tu as prévenu Aronov, attends qu’il te réponde, il aura peut-être une idée, lui qui sait toujours tout, ajouta Morosini avec une vague rancune en évoquant la promenade autour de Hyde Park où le Boiteux lui avait fait promettre de laisser Solmanski et les avocats s’occuper seuls du sort d’Anielka. Si tu veux bien m’excuser, je vais dormir. Une traversée impossible et un policier inquiet, c’est trop pour le vieil homme fatigué que je suis...

Se laissant aller au fond de son fauteuil, Adalbert offrit ses semelles au feu de la cheminée et se mit à tirailler la mèche rebelle qui, une fois de plus, lui tombait sur le nez.