LISTE DES CZARS DEPUIS JEAN IV.
JEAN IV.
THÉODORE Ier.
BORIS GODOUNOF.
THÉODORE II.
DÉMÉTRIUS V.
BASILE V.
MICHEL ROMANOFF.
ALEXIS.
THÉODORE III.
JEAN V.
PIERRE Ier.
CATHERINE Ire.
PIERRE II.
ANNE.
JEAN VI.
ÉLISABETH.
PIERRE III.
CATHERINE II.
PAUL.
ALEXANDRE.
NICOLAS Ier.
Sous le règne de Catherine II, des princes et des princesses de Brunswick, frères et sœurs d'Ivan VI, le prisonnier de Schlusselbourg. On frémit en lisant les preuves de l'abrutissement de ces malheureuses créatures chez lesquelles toutes les idées de la vie se confondent avec les habitudes de la prison, et qui pourtant sentaient leur position. Le trône auquel elles avaient droit était occupé par l'épouse de Pierre III succédant à sa victime, qui elle-même n'avait régné que par l'usurpation.
Je fais précéder ce récit véridique d'une généalogie de la maison de Romanoff[45], qui prouve que les prisonniers descendaient en droite ligne du Czar Ivan V. La famille du prince de Brunswick fut la victime des souverains par lesquels elle fut dépossédée; car, dans l'histoire de Russie, le droit s'expie et le crime se récompense.
Pour bien apprécier l'hypocrisie de la Czarine dans sa conduite envers ses prisonniers, il ne faut pas oublier que le présent récit est écrit pour l'Impératrice elle-même, et que par conséquent chaque fait y est présenté sous le point de vue le plus convenable, et en même temps le plus satisfaisant pour la grande âme de Catherine II. Ce morceau doit être lu comme une œuvre de chancellerie, comme une pièce officielle, et non comme un récit impartial et naïf.
C'est un épisode de l'histoire du règne de Catherine II, rédigé par ordre supérieur, et destiné à prouver l'humanité de la Sémiramis du Nord.
Renvoi en Danemark de la famille de Brunswick qui résidait à Cholmogory. Tiré de la première partie des Actes de l'Académie Impériale russe.
I.
La famille de Brunswick languit longtemps dans l'exil. Le dernier lieu de sa résidence en Russie fut Cholmogory, ancienne ville du gouvernement d'Archangel, construite dans une île de la Dwina, à 72 verstes d'Archangel. Elle vivait éloignée de toute autre habitation dans une maison expressément destinée à elle et aux employés, aux gens attachés à son service. La promenade ne lui était permise que dans le jardin attenant à la maison.
Le malheureux père, Antoine Ulric de Brunswick, ayant perdu sa femme, l'ex-régente de l'Empire de Russie, et étant devenu aveugle à la suite de ses malheurs, mourut le 4-16 mai 1774, n'ayant pas vécu assez pour recevoir la liberté qu'il avait demandée avec larmes. La politique du temps n'avait pas permis qu'on lui accordât sa demande. Il laissa après lui deux fils et deux filles.
L'aînée des deux filles, la princesse Catherine, était née à Saint-Pétersbourg avant les malheurs de sa famille. La princesse Élisabeth, à Dunamunde; les princes Pierre et Alexis, à Cholmogory. La naissance de ce dernier avait coûté la vie à sa mère. Pour les surveiller, on avait nommé un officier d'état-major, et pour leur service, on avait désigné quelques personnes de condition inférieure. Toute communication avec les voisins leur était interdite. Le gouverneur d'Archangel seul avait la permission de les visiter de temps à autre pour s'informer de leur situation. Ayant reçu l'éducation des gens du peuple, ils ne connaissaient d'autre langue que la langue russe.
Pour l'entretien de la famille de Brunswick et pour celui des personnes qui la composaient, comme pour l'établissement de la maison qu'elle occupait, on n'avait alloué aucune somme; mais on recevait pour cela du magistrat d'Archangel de dix à quinze mille roubles. On envoyait de la garde-robe impériale les choses nécessaires pour la famille, et pour les militaires, les objets d'uniforme étaient fournis par le commissariat des guerres.
II.
Dès que l'Impératrice Catherine II fut montée sur le trône, elle jeta un regard de pitié sur ses prisonniers, et adoucit la sévérité de leur régime; s'étant assurée enfin que l'élargissement des enfants d'Antoine Ulric ne pouvait avoir aucune suite sérieuse, elle résolut de les renvoyer dans les États danois et de les remettre sous la garde de la sœur de leur père, la Reine douairière de Danemark, Julienne Marie. Désirant exécuter son projet sans participation d'autrui, l'Impératrice entama avec la Reine une correspondance directe. La première lettre autographe de l'Impératrice sur ce sujet fut envoyée le 18-30 mars 1780. Catherine proposait à la Reine d'envoyer la famille de Brunswick en Norwège.
La Reine reçut l'offre de l'Impératrice avec un sentiment de reconnaissance et les marques d'une satisfaction particulière; elle lui répondit que le Roi son beau-fils consentait aux propositions de Sa Majesté, concernant la famille de Brunswick.
Le Roi lui-même écrivit à l'Impératrice, l'assurant qu'il était prêt à faire tout ce qu'elle désirait. Mais ensuite la Reine informa l'Impératrice qu'il n'y avait pas en Norwège une seule ville qui n'eût un port, et ne fût située au bord de la mer. On reconnut qu'il serait mieux de transporter la famille de Brunswick dans l'intérieur du Jutland, dans un district également éloigné de la mer et des grandes routes. La petite ville de Gorsens fut choisie pour sa résidence, et le Roi y acheta pour elle deux maisons.
III.
Pendant que cette correspondance avait lieu avec la Reine, on faisait les arrangements nécessaires pour le renvoi de la famille de Brunswick. L'Impératrice désirait accomplir son projet autant que possible en secret, pour ne pas exciter de rumeur dans le peuple, et donner lieu à de longs et inutiles commentaires. Pour cela on ne mit dans le secret que très-peu de personnes. Le principal exécuteur de cette affaire fut le brigadier Besborodko, qui était alors attaché à la personne de l'Impératrice et qui fut dans la suite conseiller privé de première classe et chancelier.
Dans le même temps le conseiller privé Melgunof fut nommé gouverneur général de Yaroslaf et Vologda, et d'Archangel. On lui enjoignit de se rendre de Saint-Pétersbourg droit à Archangel, sous prétexte d'examiner de près le pays dont l'administration lui était confiée. En même temps on lui ordonna de faire personnellement connaissance avec les princes et princesses, de tâcher d'acheter ou de construire un bon bâtiment sous prétexte qu'il en avait besoin pour naviguer sur les rivières du gouvernement d'Archangel; ensuite d'acheter un bon bâtiment marchand; il lui fut ordonné, dans le cas où il n'en trouverait pas un qui fût propre à tenir la mer, de faire construire en hâte sur le lac Onéga un vaisseau marchand à trois mâts, sous prétexte de faire des découvertes dans les mers septentrionales, et de choisir pour le faire manœuvrer d'anciens matelots accoutumés au service, avec d'habiles officiers de marine.
IV.
Melgunof, arrivé à Archangel, reçut de l'ancien gouverneur Golowtzin des renseignements sur la famille de Brunswick, et de là il se transporta à Cholmogory.
À l'entrée de Melgunof dans la maison où demeuraient les princes et les princesses, ils vinrent tous à sa rencontre dans l'antichambre, et tout effrayés ils se jetèrent à ses pieds en le conjurant de leur accorder sa protection. Melgunof tâcha de les rassurer; il leur dit qu'il avait été nommé chef du gouvernement d'Archangel, par la volonté suprême de l'Impératrice, et que comme il était obligé de connaître tout ce qui existait dans la province qu'il devait administrer, il était venu leur faire une visite, sachant l'intérêt que l'Impératrice prenait à leur situation. À ces mots, tous tombèrent de nouveau à ses pieds, et les deux sœurs fondirent en larmes. La plus jeune dit que depuis le commencement du règne de l'Impératrice, ils renaissaient par la grâce de Sa Majesté; mais qu'avant son règne, ils étaient dans le besoin. Elle pria humblement Melgunof de témoigner à Sa Majesté leur reconnaissance sans bornes.