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Il s'était levé et avait éteint l'ordi. Avait vérifié que tout était en place sur le bureau et s'était dirigé vers l'escalier. Il était inutile d'en faire endurer plus au Grec, dont il entendait la lointaine plainte étouffée, maintenant. Avec la Manta il pourrait sûrement pister Travis. Un code d'immatriculation. Un hangar. Une société. Peut-être même avaient-ils déjà effectué quelques sorties avec leur foutu bateau et quelque part, quelqu'un avait-il vu la Manta sur la coque.

Lorsqu'il refit son entrée dans la cuisine il comprit qu'il n'y avait plus rien à faire. Les types de Sorvan l'avaient si bien travaillé que lé Grec était à demi mort. Ce serait désormais une bénédiction pour lui que de partir. Cela lui permit de n'éprouver aucun remords pour l'ordre qu'il aurait à donner.

– Alors? jeta-t-il une seconde fois à Sorvan. Ses yeux ne s'attardèrent pas sur la plaie roussie qui s'étoilait au niveau du pubis.

– Ben il a gueulé Travis, Skip… Après y disait plus que la Manta, la Manta… Ensuite là je crois qu'il a appelé sa mère.

Vondt fronça les narines. Une odeur horrible commençait à se dégager du Grec, dont les sphincters avaient lâché.

– Bon je crois qu'on en apprendra pas plus. Mettez la dope dans une des bagnoles et extinction des feux.

Sorvan avait parfaitement saisi l'allusion.

Vondt n'avait pas attendu pour sortir et pour rejoindre la voiture planquée dans l'arrière-cour.

Il avait tout de suite allumé la radio. Elle ne s'était pas arrêtée une seconde depuis.

Après que toute la scène eut fini de se dérouler dans son esprit comme un film bien trop net à son goût, il ressentit un bien-être nouveau doucement envahir. Le pare-brise créait un écran de drive-in sur lequel défilaient des images de plage, d'océan, de ciel étoilé et de reflets lunaires. Il n'avait pas pu faire autrement, c'était tout. Il avait un contrat à exécuter, 20 000 deutsche marks pour une semaine de boulot, à tout casser. Ce n'était pas personnel. Le Grec avait juste été la mauvaise personne, au mauvais endroit, au mauvais moment.

Il espéra que Sorvan ait fait ça vite et relativement proprement. Si c'était à Dimitriescu que le Bulgare avait laissé le soin de l'extinction des feux, nul doute que l'ancien tortionnaire de Bucarest y aurait mis quelque sophistication ingénieuse.

Il aspira une énorme bouffée de sensemilla. Bon, demain matin il se rendrait au Bar du Port, à Vila Real de Santo Antonio. Il demanderait pour un bateau nommé la Manta et chercherait un Travis, ou Skip. Sorvan et son escouade resteraient comme d'habitude enfermés dans la maison de Monchique, un peu au nord de cette plage.

Devant lui la lune se réfractait sur les vagues et l'écume ressemblait à une mousse de cristal. Il y avait un vague truc country à la radio, qui jouait en sourdine.

Le battement du ressac emplissait doucement l'atmosphère, par la fenêtre grande ouverte.

*

Il pénétra sur la Plaça do Giraldo, le centre-ville d'Évora, un peu avant minuit et quart. Il avait bien tracé. Évora est une superbe petite ville de l'Alentejo, de vingt mille âmes environ, cernée par des murailles datant de l'époque romaine, encore visibles aux entrées et sorties de la ville.

Vitali lui avait demandé de retenir de mémoire le nom de cinq rues, toutes pas très loin de la cathédrale.

À chaque adresse, correspondait une journée, à partir de la nuit passée au Parador espagnol. Il suivit les consignes à la lettre et gara le véhicule sur le parvis de l'église, à l'austère façade de granit rose. Il jeta un dernier coup d'œil à son plan de la ville et se dirigea vers la Rua de Mouraria.

Devant le numéro 18, il trouva la voiture. Une petite Fiat bleue. Il ouvrit directement le coffre, comme convenu, dénicha les clés du véhicule sous la toile de lino et pénétra dans la voiture avec une impatience mal contenue. Dans la boîte à gants il trouva la lettre et il ne s'attarda pas. Il referma tout, remit les clés dans le coffre et retourna à bonnes foulées à la voiture où l'attendait Alice.

Il ouvrit le courrier, en prit rapidement connaissance et prit directement la route du sud.

Il y a deux routes qui mènent vers le sud à partir de la ville, la N254 et la N18, qui se rejoignent d'ailleurs quarante kilomètres plus bas, un peu avant Beja.

La planque de Vitali se trouvait à dix kilomètres au sud d'Évora, sur la N254, vers Viana do Alentejo.

Là, à la lisière d'un bois longeant la route droite et poussiéreuse, il y avait une vieille casemate désaffectée, ayant abrité auparavant un transformateur électrique. Il se gara juste devant, en éteignant ses feux.

Il sortit de la voiture et fit le tour du petit bâti ment jusqu'à l'ancienne porte métallique. Elle était rouillée de toutes parts et un vieil écriteau vissé s'oxydait lentement lui aussi. Un écriteau avec une tête de mort électrique, le signe internatonal du danger haute tension. Il vit là un clin d'œil de Vitali pour l'emblème de la Colonne Liberty-Bell et ne douta plus un seul instant qu'il s'agisse de la planque. Il tira sur le battant, qui vint vers lui dans un grincement sonore, et pénétra dans le réduit obscur et poussiéreux.

Il alluma sa torche et promena le pinceau dans l'espace.

La pièce avait été vidée du gros matériel mais divers détritus et structures métalliques jonchaient la pièce, ou couraient sur les murs.

Comme indiqué dans le message, le conduit d'aération se trouvait à trois mètres du sol, dans le coin nord-est supérieur du cube, lui avait spécifié Vitali. Mais on pouvait y accéder assez facilement en s'aidant des structures laissées contre le mur.

Le conduit était protégé par une grille d'alurmnium, recouverte d'une crasse noire et grasse. Il tira la grille vers lui. Elle vint sans trop de résistance.

Il dirigea le faisceau de sa torche dans le boyau obscur et des reflets noir-violet chatoyèrent.

Du plastique. Un sac-poubelle enroulé de Chatterton. Un objet long. Il engouffra son bras dans le boyau et ramena précautionneusement l'objet. Pas vraiment lourd. Ce n'était pas une AR18. Il mit le truc sous son bras et replaça la grille, du mieux qu'il put, en équilibre moyennement stable sur le tube de métal. Puis il sauta à terre.

Il sortit son couteau suisse et déchira l'enveloppe et les liens de Chatterton. Une culasse noire et bien graissée apparut.

Il extirpa l'objet. Un pistolet-mitrailleur Steyr-Aug. Avec quatre magasins de quarante balles, scotchés ensemble sur l'imposante culasse moirée comme un étrange animal métallique. Des chargeurs légèrement courbes.

Mieux. La mitraillette était dotée d'un viseur avec système de vision nocturne.

Tout bonnement parfait. Avec une telle mitraillette on ne peut pas espérer une grande précision au-delà d'une centaine de mètres mais le système photo-optique lui donnerait un avantage certain dans le noir. Il faudrait tâcher de ne pas oublier ça, se dit-il.

Il y avait un petit bristol scotché avec les chargeurs.

Il ralluma sa torche pour déchiffrer le message.

Hello, Fox.

Je n'ai pas pu trouver mieux dans le laps de temps qui nous était imparti.

Pour montrer votre passage, prenez le tube rouillé qui se trouve à l'intérieur, dans le coin à droite de la porte et placez-le à l'extérieur, à terre, le long du mur parallèle à la route.

N'oubliez pas de brûler les messages (je n'avais pas de bande s'autodétruisant dans les trente secondes sous la main).

Soyez extrêmement prudent.

VITALI

Pas pu trouver mieux… Faux modeste! Pensa Hugo en retenant un sourire.

Il replaça l'engin et les magasins dans le sac entrouvert et sortit de la casemate avec le tuyau qu'il agença le long du mur.

Puis il jeta le gros fœtus de plastique dans le coffre, avant d'aller s'asseoir dans la voiture. Il ouvrit la boîte à gants et s'empara du courrier de Vltali, mit le bristol dans l'enveloppe et sortit une petite réserve d'essence à briquet de sa poche.

Alice ne disait rien. Observant avec une curiosité attentive cet étrange ballet.

Il ressortit de l'habitacle.

Il imbiba le papier d'essence et fit quelque pas vers la casemate. Son pouce appuya sur la molette du Zippo. La flamme tempête oscilla sans s'éteindre dans un bref souffle de vent. Il enflamma l'enveloppe et la jeta sur le sol près de la porte déglinguée.

Il attendit patiemment qu'elle se fût tout entière consumée puis il retourna à la voiture.