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Les silhouettes avachies en travers de la porte et le poids du PM dans le creux de sa main lui montraient toute la matérialité du phénomène.

Il ne fallait pas rester. Il courut jusqu'au cabinet et lança d'une voix étouffée:

– Alice c'est moi, Hugo. Tu peux sortir. C'est fini, maintenant.

Il entendit le verrou qu'on poussait puis le battant pivota, la découvrant, le visage anxieux et proprement défait.

Hugo tenait négligemment l'arme vers le sol, il gérait l'urgence et avait oublié momentanément le long terme. On avait tiré une deuxième fois du fond du couloir, après que l'homme de la chambre avait été abattu par la grande silhouette. C'était même sûrement ces coups de feu qui avaient atteint le chef des ombres.

Il était juste en train d'y penser lorsqu'il vit le visage d'Alice fixer un point derrière lui. Son visage exprimait une émotion indicible. Un mélange d'incompréhension, d'étonnement total et d'émerveillement. Bouche bée, le regard perdu par-dessus son épaule.

Il se retournait lorsque la voix avait éclaté, extrêmement sèchement.

– Policia. Polizei. Police, puis en portugais: ne faites aucun geste et laissez tomber votre jouet.

Du coin de l'œil Hugo vit une élégante silhouette s'encadrer dans l'ouverture. Des cheveux longs, fauves, presque roux, qui tombaient sur ses épaules. Un simple polo noir et un blue-jean. Oui, bien sûr, la voix avait été si totalement féminine.

Il fit doucement face à la silhouette qui avançait vers lui, une des ses mains braquant le flingue vers lui, tout à fait professionnellement.

L'autre pendait mollement le long de son corps. Malgré l'obscurité, il put discerner des reflets gras dans le haut du bras. Et des rigoles noires suintant sur son poignet blafard.

– Ne faites rien de regrettable, et laissez tomber votre jouet. Je suis droitière.

Elle voulait sûrement dire par là qu'elle tenait son petit automatique de la main la mieux entraînée, se dit Hugo. Son regard se portait maintenant sur Alice.

Celle-ci totalement paralysée lâcha péniblement, en hollandais:

– Ma… Madame Van Dyke…

La femme-flic fit un sourire à l'enfant tout en continuant de braquer son petit automatique sur la figure d'Hugo. Manières qu'il trouvait tout à fait détestables et manquant de courtoisie.

Van Dyke? pensait-il, cette fille serait une flic hollandaise?

– Posez ce machin, laissa-t-elle tomber, toujours en portugais, nullement résignée par son obstination. Et levez les mains.

Puis en néerlandais, ce que nota immédiatement Hugo:

– Viens ici Alice.

D'un geste rapide du pistolet, mais qui lui arracha une petite plainte, elle aplatit l'interrupteur à sa droite. La lumière du plafonnier se répandir dans la pièce.

Une assez jolie fille, nota Hugo, sans le vouloir. Le flingue était déjà revenu à sa place initiale.

Hugo n'avait pas le choix. Il fit doucement glisser le PM le long de sa lanière et le posa délicatement à terre.

– Pas de problème, dit-il dans sa langue paternelle. Il est vide de toute façon.

– Levez les mains…

Puis en hollandais:

– Qui êtes-vous?

La jeune femme le détaillait d'un œil soupçonneux et scrutateur.

Son visage était très pâle. Et un film de sueur perlait sur son front. Ses yeux semblaient troublés par un voile de fatigue.

Hugo ne savait pas trop comment se dépêtrer du piège. Il resta silencieux. Leva lentement les mains à hauteur des épaules.

C'est Alice qui lui sauva la mise.

– Madame Van Dyke… Anita, ne lui faites pas de mal. C'est Hugo, c'est un ami, il m'a aidée. Il m'a sauvée des hommes de ma mère…

La jeune fille s'interposait presque entre la fliquesse et lui.

La flic écarta gentiment l'enfant. Son mouvement faillit lui arracher un petit cri, réprimé en une plainte rentrée.

– C'est Travis qui vous emploie? laissa-t-eIle tomber après de longues secondes d'observation.

Hugo faillit éclater de rire. Travis, m'employer?

Il la fixa sans ciller, un mince sourire aux lèvres.

Qu'est-ce que c'était que cette connerie?

– Vous êtes sérieuse?

La jeune femme le détailla sans trop d'aménité, cherchant à le situer. Alice fit un pas vers elle.

– Madame Van Dyke, Anita… S'il vous plaît, écoutez-moi… Je vous dis que c'est un ami.

Les yeux de la fillette ne pouvaient se détacher du crabe de sang qui s'étoilait sur l'épaule et le bras de lajeune femme.

– Qui êtes-vous? reprit la jeune flic dans un rictus de douleur… Que faites-vous avec Alice?

– Je l'accompagne.

– Vous l'accompagnez? Où ça?

– Chez son père.

Il repéra un éclair vif dans le regard de la jeune femme.

– Où ça chez son père?

Hugo fit un geste vague en direction de la petite:

– Je ne sais pas exactement, vers Faro. La petite connaît l'adresse et a une photo de la maison.

La fliquesse se tourna légèrement vers Alice. Ce simple mouvement semblait lui demander toute son énergie.

– Tu connais l'adresse de ton père. Alice?

Alice opina lentement du chef, sans dire un mot.

La fliquesse semblait la sonder du regard. Puis elle jeta un coup d'œil à Hugo, le flingue toujours tendu devant elle. Elle tourna à nouveau la tête vers Alice. Elle continuait de le surveiller attentivement d coin de l'oeil.

– Dis-moi, Alice, demanda la jeune femme dans un souffle, cette adresse ce ne serait pas à Albufeira?

Alice hocha positivement la tête, en silence.

– Je vois, laissa tomber la flic dans un souffle grave.

Hugo observa la jeune femme en détail. Celle-ci semblait réfléchir intensément et un de ses sourcils se fronçait.

Oui, se disait-il. Elle pense sûrement à la même chose que moi.

Le silence plombait l'univers.

– Dites-moi, laissa-t-il tomber nonchalamment, vous ne trouvez pas qu'ils en mettent du temps, vos p'tits copains du coin? On a pourtant tiré autant de balles qu'un régiment d'infanterie dans cet hôtel.

Il fixa clairement la tache rouge et grasse qui se déployait sous son épaule.

La fliquesse le regarda avec un regard froid et non exempt d'agressivité.

– Nous allons descendre, lâcha-t-elle froidement.

Hugo la fixa tout aussi froidement.

– Moi? Très sincèrement, je ne crois pas du tout.

Il voulait juste gagner une ou deux minutes. Il fallait qu'il trouve une issue.

Il affronta son regard et le museau tubulaire du petit automatique pointé vers lui.

– Anita, gémit Alice, s'il vous plaît…

– Une seconde Alice.

La voix de la jeune femme était d'une fermeté absolue.

– Vous ne croyez pas quoi? reprit-elle à son intention.

Elle réprima dIfficilement une grimace. Ses yeux se voilèrent un instant.

– Que je vais descendre avec vous.

– Vous pensez être en situation de discuter? Sa voix n'était plus qu'un souffle un peu rauque qu'Hugo trouva irrésistible, dans la seconde.

– Je suis d'un tempérament assez obstiné. Ma mère était bretonne et mon père était flamand.

La jeune femme eut un pâle sourire, mais le flingue ne bougeait toujours pas.

– Vous auriez tort de penser que j'hésiterais une seconde à faire usage de la force.

– Je n'ai pas dit ça.

La flic l'observait d'un regard où se mêlaient incompréhension et intérêt. Mais cette lueur fut rapidement occultée par un nuage qui voila le bleu intense de son iris.

Hugo la vit vaguement osciller, faire un pas en avant puis se courber sur le côté en émettant une plainte étouffée. Le bras armé du pistolet se replia malgré elle sur son bras blessé.

Hugo en profita aussitôt pour passer à l'action.

Il ne fit rien de brutal, ce qui le surprit sur le coup.

Il l'avait déjà rejointe, d'une foulée lente, mais inexorable.

Le visage de la jeune femme se contractait sous la douleur. Le sang n'arrêtait pas de couler. Une sacrée bonne hémorragie, pensa Hugo en voyant s'étoiler d'énormes gouttes de sang sur le parquet, maintenant. Sur toute la longueur du bras gauche, le polo noir était imbibé d'un liquide rougeâtre et brillant.

Il entendit une plainte, réprimée à l'intérieur de la glotte. Des larmes perlaient au coin des paupières. La mâchoire semblait collée à l'Araldite. Les yeux se voilèrent.

Oh merde, entendit-il distinctement alors qu' elle s'affaissait sur elle-même, la tête tombant à la renverse, le regard perdu vers les limbes de l'inconscience.

Il la rattrapa de justesse. Sa tête pendait mollement en arrière. Sa main laissa tomber le flingue qui, par chance, ne tira pas au moment de son choc contre le plancher.

Il posa délicatement la jeune femme sur le sol.

– Alice?

La fillette s'approcha de lui, déjà prête à faire ce qu'il lui dirait de faire, il le comprit instantanément et lui en sut gré.