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Les informations que Peter Spaak avait ramenées d'Amsterdam lui permirent d'obtenir un mandat de perquisition pour la Casa Azul dès le début de l'après-midi. En revenant dans la petite pièce isolée avec les mandats, Anita fit face à Koesler:

– Je ne sais pas encore ce que nous allons trouver à la Casa Azul, mais tu as intérêt à avoir passé des aveux complets avant notre retour…

Jamais sa voix ne lui avait paru aussi dure.

Ce que Peter Spaak avait déniché tenait presque du miracle. La Casa Azul appartenait à M. Van Eidercke, citoyen néerlandais, ainsi qu'à deux compagnies, l'une portugaise, domiciliée à Lisbonne, et l'autre espagnole, domiciliée à Barcelone. Derrière la compagnie de Barcelone se profilait l'ombre de la Golden Gate Investments, la compagnie financière de Mme Kristensen, établie en Suisse et à New York.

La Casa Azul fut mise sous surveillance par des forces locales alors qu'un convoi de plusieurs voitures de police se lançait sur la N125. Dans la seconde voiture de tête, Anita tentait de réfréner son impatience en lisant et relisant le dossier que lui avait ramené Peter d'Amsterdam.

La Golden Gate possédait en sous-main un autre centre de thalassothérapie à la Barbade, dirigé par un autre Néerlandais, M. Leeuwarden. Bizarrement, le bateau arraisonné à Saint-Vincent avait été vu par un témoin, la veille, pas très loin du centre de thalassothérapie.

Une sorte de schéma se dessinait dans son esprit. Des centres de thalassothérapie, disséminés dans le monde, par lesquels transitaient des cassettes… Ensuite sur place, les bandes étaient acheminées par le milieu local, avec les drogues, ou les armes…

Oui, oui, pensait-elle, furieusement excitée. La Casa Azul était la réplique européenne de ce centre de la Barbade…

Mais le dossier de Spaak levait le voile sur d'autres parties de l'architecture occulte de la «Kristensen Incorporated».

La Holy Graal Company, société établie aux Pays-Bas et à Londres, possédait une filiale en Allemagne. Cette filiale contrôlait, avec l'appui de la Golden Gate, une petite société spécialisée dans les trucages photo-optiques pour le cinéma, la Gorgon Ltd. Cette société avait fait l'acquisition d'un vieux complexe minotier désaffecté dans l'ex-RDA afin d'en faire des studios de trucage. Mais la police allemande n'y avait rien trouvé de suspect, dans la journée d'hier. Cela dit, la Gorgon et la Holy Graal possédaient d'autres établissements, dans toute l'Europe.

On épluchait les dossiers désormais de manière conjointe en Allemagne et aux Pays-Bas, ainsi qu'en France et en Belgique, mais il faudrait encore des semaines de boulot pour tout faire remonter à la surface, lui avait dit Peter en prenant place sur le siège passager. Elle était persuadée du contraire en voyant l'immense maison se profiler à l'horizon, en contrebas de la falaise, aux limites des hautes dunes, bordée par son parc d'eucalyptus et de cèdres.

On allait certainement remonter un gros morceau ici.

La maison était cernée par une bonne dizaine de voitures lorsqu'ils franchirent les grilles de l'institut de thalassothérapie.

La jeune femme de l'accueil leva des yeux écarquillés en voyant apparaître Anita suivie d'une cohorte de flics. Anita et le commissaire, qui s'était déplacé pour l'événement, lui firent comprendre qu'il était temps de s'agiter, de rameuter personnel et résidents, et que la police allait procéder à une fouille en règle de tout l'établissement. Lorsque la jeune fille revint deux minutes plus tard, encore affolée, elle était accompagnée d'un homme jeune, au costume strict mais de bonne coupe, sûr de lui et visiblement intelligent.

Il se présenta comme Jan de Vries, assistant personnel de M. Van Eidercke, pour l'instant en voyage et demanda de quoi il s'agissait, dans un portugais impeccable.

Anita décida de l'affronter sur son terrain.

– Je suis Anita Van Dyke, de la police criminelle d'Amsterdam, j'ai ici un mandat de perquisition et les forces de police nécessaires pour fouiller et interroger l'ensemble des personnes présentes en ce lieu.

Elle avait mis tout ce qu'elle pouvait de suavité lusitanienne dans ses chuintantes.

– Je désire en particulier interroger l'ensemble des résidents et du personnel administratif, votre vice-directeur est là?…

– Heu… Oui, oui, dans son bureau, voulez-vous que j'aille le chercher?

– Nos hommes vont vous accompagner, en attendant je veux jeter un coup d'œil à la liste de vos hôtes.

– Aucun problème.

– Ensuite vous réunirez l'ensemble du personnel et demanderez aux résidents de se rendre dans le hall. Et ensuite vous me ferez faire le tour complet du propriétaire. Des équipes spécialisées jetteront un coup d'œil dans vos livres de comptes…

Elle montrait Peter et deux inspecteurs de la police portugaise.

– Enfin, reprit-elle, pendant que nous ferons notre visite vous me raconterez tout ce que vous savez sur M. Van Eidercke, ses voyages en Amérique du Sud et sur une certaine Mme Kristensen, ou Cristobal.

L'homme fut encadré de quatre flics quand il remonta dans les étages.

Pendant que les résidents présents étaient pris en charge par le commissaire et une demi-douzaine d'inspecteurs, le vice-directeur et le personnel administratif étaient confiés à Peter Spaak et un autre groupe d'inspecteurs.

Elle demanda à De Vries où étaient deux résidents absents, un certain Plissen, néerlandais, et un autre, Wagner, de Munich.

Elle le vit hésiter un instant.

– Je… je ne sais pas où sont ces deux personnes, je crois que M. Wagner devait se rendre à Lisbonne aujourd'hui et demain… M. Plissen, je ne sais pas.

Elle décela aussitôt que l'homme lui cachait quelque chose, mais qu'il hésitait aussi à le faire.

– Vous avez intérêt à ne rien nous cacher, si vous faites la moindre entrave à la justice je vous jure que vous allez connaître une véritable descente aux enfers.

Elle lui avait sorti ça en néerlandais, langue qu'elle trouvait mieux adaptée à l'image qu'elle voulait faire naître dans l'esprit du jeune homme. Du Jérôme Bosch vivant en quelque sorte.

Il perdait de sa prestance et de sa maîtrise de soi, c'était visible.

– Je… Ce M. Plissen était en rapport avec cette madame Cristobal dont vous avez parlé.

Il avait soufflé ça d'un seul jet, libérateur, dans sa langue maternelle.

– Comment le savez-vous?

– J'ai reçu un coup de fil de M. Van Eidercke qui m'a dit de m'occuper particulièrement de ce M. Plissen. J'avais un numéro de téléphone où joindre une certaine Mme Cristobal…

– Pourquoi?

– M. Plissen me l'a laissé, si jamais il recevait un coup de fil urgent pendant sa visite. C'est ce qui s'est passé, un homme a appelé M. Plissen en disant que c'était urgent et j'ai essayé de le joindre sur le bateau…

– Sur le bateau?

L'homme baissa légèrement la tête, comprenant qu'il avait tâché là une information capitale.

– Je… oui, sur le bateau.

– Quel bateau?

– Celui de Mme Cristobal, il mouillait au large d'ici… Mais ce matin il n'était plus là…

– Quel nom ce bateau?

– Je ne sais pas.

– Vous avez gardé le numéro de téléphone?

– Je… oui, je le connais de mémoire.

Anita inscrivit le numéro sur une feuille de son calepin et le communiqua à un inspecteur de Faro afin qu'il apprenne qui était le propriétaire officiel de la ligne et si on pouvait remonter jusqu'au nom du bateau.

– Que cachent les activités officielles de ce petit morceau de paradis, dites-moi M. De Vries?

Elle soupçonnait l'homme de n'être qu'à moitié au courant des ténébreuses affaires de cette Mme Cristobal et de M. Van Eidercke, mais elle voulait tout lui faire lâcher d'un coup, afin de gagner du temps.

– Je… très franchement je n'en sais rien… Je… Je m'rendais compte qu'y avait des petites choses bizarres, mais je vous jure que je ne sais rien…

– Quel genre de choses bizarres?

– Ben… des mouvements de bateaux justement. Comme cette Mme Cristobal, M. Van Eidercke possédait un poste radio amateur… souvent il s'enfermait dans son bureau, la nuit, pour transmettre des messages… Parfois.des bateaux venaient mouiller pas loin et M. Van Eidercke leur rendait visite… mais je n'étais pas au courant, dans la plupart des cas. Il me demandait de m'occuper de la gestion courante de l'établissement et lui voyageait beaucoup…

– Comme en ce moment. En Amérique du Sud, c'est ça? Où exactement?

– Je… Je ne sais pas exactement…

– Crachez-moi le morceau, De Vries…

– Je vous assure, il doit faire un long périple, jusqu'au Brésil, mais je ne connais pas tous les détails…

– La Barbade? Est-ce qù'il doit passer par la Barbade?

Un petit instant de réflexion.

– Il me semble bien, le Venezuela aussi…

– Pour affaires?