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— Tout était comme à l’accoutumée, dit Elvan.

— Oui, comme à l’accoutumée… Et près de la ligne de protection magnétique aussi ?…

Elvan hocha la tête.

Une pause s’établit, longue comme l’ascension du pic lunaire Épreuve.

— Je suis prêt à assumer toute ma responsabilité…, dit Elvan qui se mit brusquement à parler rapidement. Devant les Terriens… Que l’on me…

— Cela suffit ! Le président du Conseil supérieur de la Terre repoussa le fauteuil dans lequel il était assis, se leva lourdement et quitta la table.

— Mais pour quelle raison ? lâcha-t-il soudain en levant les bras. Il ne restait rien de son calme simulé.

— Dites-moi, jeune homme, pour quelle raison ?

— C’est que…, commença Elvan.

— Du vandalisme gratuit, poursuivit le président sans écouter Elvan. La Terre tout entière s’évertue maintenant à remettre Den en état. Tous les travaux courants ont été arrêtés ou ralentis. Il a fallu faire appel à Mars, à Vénus… J’ai même branché Pluton sur Den, fit le président en faisant un geste de la main. Le président se tut et s’approcha d’une fenêtre.

Elvan porta son regard sur la batterie d’écrans alignés sur l’immense bureau du président. Ces écrans évoquaient des paumes réunies. Certains écrans cliqnotaient, réclamant de l’attention, et Elvan pensa combien la coordination des actions de tous les Terriens, l’orientation des différents efforts appliqués pour la cause commune était un travail difficile et lourd de responsabilité.

Le président se retourna et desserra les poings. Ensuite, avec beaucoup de précaution, il soumit à la lumière un étroit ruban criblé de trous et prononça d’un air rêveur : .

— Et si la clé de l’énigme se trouvait ici ? Si seulement cela appartient à Den et n’a pas été perdu par le malfaiteur…

— Je reconnais l’écriture de Den, prononça Elvan avec conviction.

— Son écriture ? fit le président en levant les sourcils.

— J’ai en vue la manière de s’exprimer, dit Elvan. Ce n’est pas la première bande rédigée par Den que j’ai l’occasion de lire.

— Mais s’était-il déjà livré à de tels épanchements ?

— Jamais !

— Voilà le hic, soupira le président. Pour ce qui est du style, un arrangement thématique est possible, par conséquent une imitation est praticable…

— J’ai trouvé ce ruban près du cœur nucléaire… qui ne battait plus…, dit Elvan à voix basse.

— Travail grossier. Est-il possible que quelqu’un y croit vraiment ? (Le président secoua le ruban.) Pourtant, j’avoue que moi aussi il n’y a pas longtemps j’ai failli succomber à la tentation. Avouez que la chose est réellement séduisante, vous ne trouvez pas ? Le chant du cygne d’un système ionique. Le robot pressent sa mort et couche sur le papier une mélancolique élégie.

Le président cligna les yeux et déchiffra lentement le ruban.

— Compétence étonnante, vous ne pensez pas ?

— Peut-être… une synthèse énergétique en chaîne qui était proche d’échapper au contrôle… et que je n’ai pas remarquée, dit Elvan avec difficulté.

— Charmant ! Un robot prophète ! Mais peut-être s’agit-il d’une histoire de fluides ? « La muraille magnétique constituant une barrière infranchissable pour toute masse en mouvement ne représente pas un obstacle pour les rayonnements alpha vecteurs de pensées concentrée. » Le président avait si bien parodié l’académicien Delion qu’Elvan ne put s’empêcher d’esquisser un sourire.

— Pourquoi pas, après tout ? dit-il. Une hypothèse ne saurait être correcte si elle ne recélait rien de farfelu.

— Il y a cent ans, nous aurions probablement opté pour les fluides…, fit remarquer le président en se calant dans son fauteuil. Il débrancha avec irritation les écrans d’appel et poursuivit : — Eh bien, faites avec cette supposition… Vous êtes libre.

Un tourbillon de sentiments hétérogènes déferla sur Elvan. Le président l’avait donc investi de sa confiance ? Il ne l’avait pas révoqué ni affranchi de la culpabilité.. Et puis dans ces fluides, ma parole, il y a quelque chose…

— Je vais tenter de le prouver, président, dit Elvan en se retournant dans l’encadrement de la porte.

— Bonne chance, professeur, répondit à voix basse l’homme aux chevaux blancs et aux traits fatigués.

La porte de l’ascenseur se ferma sans bruit et la cabine déchut rapidement. Elvan colla une joue contre la paroi fraîche. Il revivait sans cesse toutes les péripéties de son entretien avec le président. Un entretien qui n’avait pas servi à régler ces maudites questions qui la tourmenatient depuis trois jours, mais par contre… Elvan sentait que depuis l’entrevue avec le président il avait recouvré la confiance en soi.

La cabine descendait à vitesse maximum. Les étages du Conseil — la plus grandiose construction de la Terre — défilaient devant les yeux d’Elvan.

« Et comment il avait lu ce ruban mystérieux ! Lentement, littéralement en réfléchissant sur chaque mot. Qui avait écrit ces vers ? Den ? Ou bien celui qui l’avait tué ? Peut-être que ces mots avaient été suggérés à Den pour brouiller la piste ? »

Elvan revit le matin fatal, le moment où, entrant dans la salle, il avait vu ce qui avait été jadis le Grand Den. Le terrifiant tableau du saccage… Les débris de nerfs… L’hexagone argenté écrasé de ce qui avait été le cœur… Et baignant tout cela, les rayons étincelants du soleil ayant percé le brouillard matinal. La haute coupole s’illuminant comme si elle avait été faite de cristal…

« Den aimait l’aube plus que tout », songea Elvan en sortant de l’édifice abritant le Conseil.

* * *

Le sentier grimpait en serpentant dans l’entassement confus de rochers. Au fond, pouvait-on appeler sentier ces traces à peine visibles et qu’un étranger n’aurait pas remarquées ? Un rameau de buis brisé, une branche de fougère légèrement foulée, une grappe de raisin sauvage déjà rabougri semblaient avoir été disposés là pour jalonner le chemin. Mais était-il si bizarre que le sentier soit à peine visible s’ils n’étaient que deux à l’emprunter ?…

Ayant saisi la branche noueuse qu’un vieux mûrier lui tendait, Elvan se hissa. Le tronçon le plus difficile était désormais dépassé.

Les blocs de diabase étaient tièdes dans les rayons du soleil couchant. Tout en bas, le défilé planté de pins nains formait une masse sombre.

De là on n’apercevait pas encore la mer, mais celle-là se devinait. Pourquoi, cela Elvan n’aurait pas été à même de l’expliquer.

Après une brève halte il reprit son chemin.

Les contreforts bleus des lointaines montagnes étaient enveloppés de brouillard.

Voilà la clairière aux ifs biscornus, leur clairière. Fourbu, Elvan se mit à genoux devant des inflorescences au fond desquelles dormaient de limpides gouttes de pluie. Il suffit d’une seule gorgée, d’une petite gorgée de ce liquide rafraîchissant… Elvan ferma les yeux. Devant lui se présenta le visage osseux du président. « J’ai peut-être été brusque, mais qui pouvait savoir ? dira-t-il d’une voix sourde devant le Petit Conseil. J’ai peut-être eu tort ?…

Je voudrais bien savoir, on est longtemps tour-qui l’incita à se taire. Il semblait qu’elle l’avait compris.

— Tu sais, c’est seulement hier soir que j’ai trouvé un trou pour me rendre à la phonothèque, dit Marie à haute voix. Je voulais te trouver quelque chose. Je sais ce qui te plaft. Imagine-toi que j’ai déniché quelques enregistrements de Bozio. Tu te rends compte, ils sont du dix-neuvième siècle !… Un soprano cristallin. C’est un miracle qu’ils se soient conservés. De véritables antiquités ! Sais-tu qui m’a aidée à mettre la main dessus ?

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