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— Ou quelqu’un d’autre. Dap, peut-être, pour empêcher Bernard de devenir trop puissant.

— J’ai découvert autre chose. Je ne peux pas le faire avec ton nom.

— Oh ?

— Tout ce qui contient Ender est rejeté. Je ne peux pas non plus accéder à tes dossiers. Tu as réalisé ton propre système de sécurité.

— Peut-être.

Alai sourit.

— Je viens d’entrer quelque part et de déclasser les dossiers de quelqu’un. Il me suit de près et ne tardera pas à percer le système. J’ai besoin de protection, Ender. J’ai besoin de ton système.

— Si je te donne mon système, tu sauras comment faire et tu viendras déclasser mes dossiers.

— Moi ? demanda Alai. Moi, ton meilleur ami ?

Ender rit.

— Je vais te fournir un système.

— Tout de suite ?

— Puis-je terminer de manger ?

— Tu ne termines jamais de manger.

C’était vrai. Il restait toujours de la nourriture, sur le plateau d’Ender, après les repas. Ender regarda son assiette et décida qu’il avait terminé.

— Eh bien, allons-y.

Lorsqu’ils furent arrivés au dortoir, Ender s’accroupit près de son lit et dit :

— Va chercher ton bureau et apporte-le ici. Je vais te montrer.

Mais, lorsqu’Alai revint, Ender était assis, ses placards étant toujours fermés.

— Qu’est-ce qu’il se passe ? demanda Alai.

En guise de réponse, Ender posa la main sur le scanner. « Accès non autorisé. » indiqua-t-il. Les placards ne s’ouvrirent pas.

— Tu t’es fait doubler, mon petit vieux, dit Alai. On t’a mangé la laine sur le dos.

— Es-tu sûr de vouloir mon système de sécurité, à présent ?

Ender se leva et s’éloigna du lit.

— Ender, dit Alai.

Ender se retourna. Alai avait un morceau de papier à la main.

— Qu’est-ce que c’est ?

Alai le regarda.

— Tu ne sais donc pas ? C’était sur ton lit. Tu devais être assis dessus.

Ender prit le morceau de papier.

ENDER WIGGIN

AFFECTÉ À L’ARMÉE DE LA SALAMANDRE

COMMANDÉ PAR BONZO MADRID

EFFET IMMÉDIAT

CODE VERT-VERT-MARRON

AUCUN EFFET TRANSFÉRABLE

— Tu es malin, Ender, mais tu n’es pas meilleur que moi dans la salle de bataille.

Ender secoua la tête. Il ne pouvait imaginer de décision plus stupide que celle qui consistait à le transférer à ce moment-là. Personne n’était promu avant ses huit ans. Ender n’avait pas encore sept ans. Et les groupes passaient généralement d’un seul bloc dans les armées, presque toutes les armées ayant un nouveau au même moment. Il n’y avait pas de feuille de transfert sur les autres lits.

Juste quand les choses finissaient par s’arranger. Juste quand Bernard s’entendait avec tout le monde, même Ender. Juste quand Ender et Alai devenaient véritablement amis. Juste au moment où sa vie devenait enfin vivable.

Ender tendit le bras et fit lever Alai.

— De toute façon, l’Armée de la Salamandre est en crise, dit Alai.

L’injustice du transfert mit Ender dans une colère telle que les larmes lui montèrent aux yeux. Faut pas pleurer, se dit-il.

Alai vit les larmes, mais eut la gentillesse de ne rien dire.

— C’est des merdeux, Ender, ils ne veulent même pas te laisser emporter ce qui t’appartient.

Ender ricana et, finalement, ne pleura pas.

— Crois-tu que je devrais me déshabiller et y aller tout nu ?

Alai rit également.

Répondant à une impulsion, Ender le serra, fort, presque comme s’il avait été Valentine. Il pensa même à Valentine, à ce moment-là, et eut envie de rentrer chez lui.

— Je n’ai pas envie de partir, dit-il.

Alai lui rendit son étreinte.

— Je les comprends, Ender. Tu es le meilleur. Ils sont peut-être pressés de tout t’apprendre.

— Ils ne veulent pas tout m’apprendre, releva Ender. J’avais envie d’apprendre quel effet cela fait d’avoir un ami.

Alai hocha la tête avec gravité.

— Toujours mon ami, toujours mon meilleur ami, dit-il.

Puis il ricana.

— Va découper les doryphores en morceaux.

— Ouais.

Ender lui rendit son sourire.

Soudain, Alai embrassa Ender sur la joue et lui souffla à l’oreille :

— Salaam.

Puis, rouge, il pivota sur lui-même et gagna son lit, qui se trouvait au fond du dortoir. Ender supposa que le baiser et le mot étaient plus ou moins interdits. Une religion réprimée, peut-être. Ou peut-être le mot avait-il une signification intime et puissante uniquement pour Alai. Quelle qu’en soit la signification pour Alai, Ender comprit qu’il était sacré ; qu’il s’était livré à Ender, comme la Mère d’Ender l’avait fait, quand il était tout petit, avant qu’on ne lui implante le moniteur, qu’elle avait posé les mains sur sa tête, alors qu’elle le croyait endormi, et qu’elle avait prié pour lui. Ender n’avait jamais parlé de cela, même pas à sa Mère, mais il avait conservé ce souvenir comme un objet saint, cette façon dont sa Mère l’aimait alors qu’elle croyait que personne, même pas lui, ne pouvait voir ou entendre. C’était ce qu’Alai lui avait donné ; un cadeau tellement sacré qu’Ender lui-même ne pouvait être autorisé à comprendre ce qu’il signifiait. Après cela, on ne pouvait rien ajouter. Alai arriva près de son lit et se tourna vers Ender. Ils se regardèrent dans les yeux pendant quelques instants, conscients de l’affection qui les liait. Puis Ender s’en alla.

Il n’y avait pas de vert-vert-marron dans cette partie de l’école ; il lui faudrait rejoindre cet itinéraire dans une zone publique. Les autres ne tarderaient pas à terminer leur dîner ; il n’avait pas envie d’aller près du réfectoire. La salle de jeux serait pratiquement vide.

Les jeux ne lui faisaient pas envie, dans l’état d’esprit où il se trouvait. Alors, il gagna les bureaux publics situés au fond de la salle et demanda son jeu personnel. Il gagna rapidement le Pays des Fées. Le Géant était mort lorsqu’il arrivait, à présent ; il devait descendre prudemment de la table, sauter sur un des pieds de la chaise renversée du Géant, puis sauter sur le sol. Pendant quelque temps, des rats avaient rongé le cadavre du Géant, mais Ender en avait tué un avec une aiguille provenant de la chemise déchirée du Géant et, ensuite, ils l’avaient laissé tranquille.

Le cadavre du Géant avait pratiquement fini de se décomposer. Ce qui pouvait être arraché par les petits nécrophages avait été arraché ; les vers avaient fait leur œuvre sur les organes ; c’était à présent une momie desséchée, creuse, au ricanement fixe, aux yeux vides et aux doigts repliés. Ender se souvenait de la façon dont il avait creusé dans l’œil, quand il était vivant, méchant et intelligent. Furieux et frustré comme il l’était, Ender avait envie de revivre ce meurtre. Mais le Géant faisait partie du paysage, désormais, et on ne pouvait pas se mettre en colère contre lui.

Ender avait toujours emprunté le pont conduisant au château de la Reine de Cœur, où il y avait de nombreux jeux ; mais ceux-ci ne lui faisaient plus envie. Il contourna le cadavre du Géant et remonta le cours du ruisseau, jusqu’à l’endroit où il sortit d’une forêt. Il y avait une aire de jeux : toboggan et assemblage de tubes, balançoire et manège, avec une douzaine d’enfants qui jouaient en riant. Ender constata que, dans le jeu, il était devenu un enfant bien que le personnage des jeux soit généralement adulte. En fait, il était plus petit que les autres enfants.

Il fit la queue au toboggan. Les autres enfants firent comme s’il n’existait pas. Il monta en haut de l’échelle, regarda le garçon qui était devant lui glisser rapidement le long de la spirale. Puis il s’assit et commença de glisser.