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L’autre commandant tira profit de la négligence stratégique de Bonzo. L’Armée du Condor contraignit les Salamandres à des assauts coûteux. Les Salamandres qui n’étaient pas gelés et pouvaient se lancer à l’assaut de l’étoile suivante se firent de moins en moins nombreux. Il devint clair, au bout de cinq à six minutes, que les Salamandres ne pourraient pas vaincre l’ennemi en attaquant.

Ender franchit la porte. Il descendit légèrement. Les salles de bataille dans lesquelles il s’était entraîné avaient toujours la porte au niveau du plancher. Pour les batailles réelles, toutefois, la porte se trouvait au milieu de la paroi, à égale distance entre le plafond et le plancher.

D’un seul coup, il se réorienta, comme il l’avait fait dans la navette. Ce qui avait été le bas devint le haut, puis le côté. En apesanteur, il n’y avait aucune raison de rester orienté comme on l’était dans le couloir. Il était impossible de dire, en regardant les portes parfaitement carrées, quel côté était le haut. Et cela n’avait aucune importance. Car, à présent, Ender avait établi l’orientation intelligente. La porte de l’ennemi était en bas.

L’objectif du jeu consistait à descendre jusqu’à la porte de l’ennemi.

Ender effectua les mouvements l’orientant dans cette direction. Au lieu d’être bras et jambes écartés, offrant la totalité de son corps au feu ennemi, il dirigeait ses jambes sur lui. Il constituait une cible beaucoup plus petite.

Quelqu’un le vit. Après tout, il dérivait sans but à découvert. Instinctivement, il remonta les jambes. À ce moment-là, il fut touché et les jambes de sa combinaison se figèrent dans cette position. Ses bras restèrent libres car, faute d’être touché au corps, seuls les membres atteints gelaient. Ender comprit que si ses jambes n’avaient pas été tournées vers l’ennemi, son corps aurait été touché. Il aurait été immobilisé.

Comme Bonzo lui avait ordonné de ne pas sortir son arme, Ender continua de dériver, sans bouger la tête ni les bras, comme s’il était gelé. L’ennemi l’ignora et concentra son feu sur les soldats qui lui tiraient dessus. C’était une bataille acharnée. Inférieurs en nombre, à présent, les Salamandres cédaient parcimonieusement du terrain. La bataille se désintégra en une dizaine de duels. La discipline de Bonzo se révéla payante, à ce moment-là, car chaque Salamandre gelé emportait au moins un ennemi avec lui. Personne ne prit la fuite ni ne céda à la panique, tous restèrent calmes et visèrent soigneusement.

Petra était particulièrement efficace. L’Armée du Condor s’en aperçut et fit tout son possible pour la geler. Ils lui gelèrent d’abord le bras, et sa bordée de jurons ne s’interrompit que lorsqu’elle fut complètement gelée et que le casque lui immobilisa la bouche. Quelques minutes plus tard, ce fut terminé. L’Armée de la Salamandre cessa de résister.

Ender remarqua avec plaisir que les Condors pouvaient tout juste rassembler les cinq soldats nécessaires à l’ouverture de la porte de la victoire. Quatre d’entre eux posèrent le casque contre les points lumineux situés aux quatre coins de la porte des Salamandres, tandis que le cinquième passait. Cela mettait un terme à la partie. La lumière normale revint et Anderson sortit de la porte des professeurs.

J’aurais pu dégainer mon pistolet, se dit Ender, tandis que l’ennemi approchait de la porte. J’aurais pu sortir mon pistolet et en geler un, et ils n’auraient pas été assez nombreux. S’ils n’avaient pas disposé de quatre hommes pour toucher les quatre coins et d’un cinquième pour franchir la porte, les Condors n’auraient pas gagné. Bonzo, crétin, j’aurais pu t’éviter la défaite. Peut-être même la transformer en victoire puisqu’ils constituaient des cibles faciles et qu’ils n’auraient pas compris immédiatement d’où venait le feu. Je suis assez bon tireur pour cela.

Mais les ordres étaient les ordres, et Ender avait promis d’obéir. Il tira toutefois une certaine satisfaction du fait que, dans le résultat officiel, l’Armée de la Salamandre ne comptait pas quarante et un mutilés ou éliminés, mais quarante éliminés et un endommagé. Bonzo ne comprit qu’après avoir consulté le livre d’Anderson et établi de qui il s’agissait. Endommagé, Bonzo, se dit Ender. Je pouvais encore tirer.

Il pensait que Bonzo viendrait le voir et lui dirait : « La prochaine fois, si la même situation se présente, tu pourras tirer. » Mais Bonzo ne lui dit rien avant le lendemain matin, après le petit déjeuner. Bien entendu, Bonzo prenait ses repas au mess des commandants, mais Ender était convaincu que le résultat avait dû y causer autant d’émotion que dans le réfectoire des soldats. Dans toutes les parties qui n’étaient pas nulles, tous les membres de l’équipe perdante étaient soit éliminés – totalement gelés – soit mutilés, ce qui signifiait qu’une partie de leur corps n’était pas gelée, mais qu’ils étaient incapables de tirer ou d’infliger des pertes à l’adversaire. La Salamandre était la seule équipe perdante avec un homme dans la catégorie des endommagés mais encore actifs.

Ender ne proposa aucune explication, mais les autres membres de l’Armée de la Salamandre indiquèrent les raisons de cette situation. Quand les autres garçons lui demandèrent pourquoi il n’avait pas désobéi et tiré, il répondit calmement :

— J’exécute les ordres.

Après le petit déjeuner, Bonzo le considéra.

— L’ordre tient toujours, dit-il, et n’oublie pas. Tu le regretteras, imbécile. Je ne suis sans doute pas un bon soldat, mais je peux me rendre utile et tu n’as pas de raison de m’en empêcher.

Ender ne répondit pas.

Un effet secondaire bizarre de la bataille fut qu’Ender prit la tête du classement des soldats par ordre d’efficacité. Comme il n’avait pas tiré, son résultat était excellent – aucune cible manquée. Et, comme il n’avait jamais été éliminé ou mutilé, son pourcentage était parfait. Personne n’arrivait à sa hauteur. Cela fit rire de nombreux élèves, et en mit d’autres en colère mais Ender occupait désormais la première place du fameux classement d’efficacité.

Il continua d’assister en spectateur aux exercices, et continua de travailler dur, avec Petra le matin et avec ses amis le soir. D’autres Nouveaux se joignirent à eux, pas pour s’amuser, mais parce que les résultats étaient visibles – ils progressaient continuellement. Ender et Alai, toutefois, les précédaient. En partie, c’était parce qu’Alai expérimentait continuellement des techniques nouvelles, ce qui contraignait Ender à mettre au point des tactiques susceptibles de les contrer. En partie, c’était parce qu’ils faisaient encore des erreurs stupides qui les conduisaient à expérimenter des choses qu’un soldat orgueilleux, bien entraîné, n’aurait osé appliquer. Ces choses se révélèrent souvent inutiles. Mais c’était drôle, toujours passionnant, et celles qui fonctionnaient les encourageaient à continuer. La soirée était le meilleur moment de la journée.

Les Salamandres remportèrent facilement les deux batailles suivantes ; Ender entra au bout de cinq minutes et ne fut pas touché par l’ennemi vaincu. Ender comprit alors que l’Armée du Condor, qui les avait vaincus, était exceptionnellement forte ; les Salamandres, malgré les faiblesses de la stratégie de Bonzo, comptaient parmi les meilleures équipes, montant continuellement au classement, se disputant la quatrième place avec l’Armée du Rat.

Ender eut sept ans. Les dates et les calendriers n’avaient guère de place, dans l’École de Guerre, mais Ender avait trouvé le moyen de faire apparaître la date sur son bureau et marqua le jour de son anniversaire. L’École fit de même ; on prit ses mesures et on lui fournit un nouvel uniforme de Salamandre ainsi qu’une nouvelle combinaison pour la salle de bataille. Il regagna le dortoir avec ses nouveaux vêtements. Ils lui paraissaient bizarres et amples, comme si sa peau ne lui allait plus correctement.