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Valentine ne l’était pas. Tout d’abord, cela lui fit penser à Ender. Et, ensuite, cela lui fit peur. On avait récemment publié des commentaires violents sur les écrits de Démosthène. Les commentaires et, de ce fait, son travail, avaient été discutés au cours de la conférence publique du réseau des relations internationales, où des personnalités de premier plan avaient attaqué et défendu Démosthène. C’était surtout le commentaire d’un Britannique qui l’inquiétait :

— Que cela lui plaise ou non, Démosthène ne peut garder indéfiniment l’incognito. Il a vexé de trop nombreuses personnes sensées et fait plaisir à de trop nombreux imbéciles pour pouvoir se cacher encore longtemps derrière ce pseudonyme trop pratique. Soit il se démasquera afin de prendre la tête des forces de la stupidité qu’il a suscitées, soit ses ennemis le démasqueront afin de mieux comprendre la maladie produite par un esprit aussi taré et tortueux.

Peter avait été ravi, mais cela n’était pas surprenant. Valentine avait eu peur, du fait que de nombreuses personnalités puissantes supportaient mal la méchanceté de la personnalité de Démosthène, qu’on ne la recherche. La F.I. pouvait le faire, bien que cela soit constitutionnellement impossible au gouvernement américain. Et des soldats de la F.I. étaient rassemblés autour de l’école de Guilford. Pas exactement le genre d’endroit où les Marines de la F.I. avaient l’habitude de recruter.

Elle ne fut pas surprise de voir un message apparaître sur son bureau lorsqu’elle signala sa présence.

VOUS ÊTES PRIÉE DE VOUS RENDRE IMMÉDIATEMENT AU BUREAU DU DOCTEUR LINBERRY

Valentine attendit nerveusement, devant la porte de la principale jusqu’à ce qu’elle ouvre et lui fasse signe d’entrer. Ses derniers doutes disparurent lorsqu’elle vit l’homme corpulent, en uniforme de la F.I., assis dans le seul fauteuil confortable du bureau.

— Tu es Valentine Wiggin ? dit-il.

— Oui, souffla-t-elle.

— Je suis le Colonel Graff. Nous nous connaissons.

Le connaître ? Quand avait-elle entretenu des relations avec la F.I. ?

— Je suis venu te parler confidentiellement de ton frère.

Ce n’est pas seulement moi, alors, se dit-elle. Ils ont également Peter. Ou bien est-ce autre chose ? A-t-il fait des folies ? Je croyais qu’il ne faisait plus de bêtises.

— Valentine, tu parais effrayée. Il n’y a pas de raison. Assieds-toi. Je t’assure que ton frère va bien. Il s’est montré digne de nos espoirs.

Et, avec un soulagement intense, elle se rendit compte que c’était à propos d’Ender qu’ils étaient venus. Ender. Il ne s’agissait pas d’une punition, il s’agissait d’Ender, qui avait disparu depuis longtemps et ne faisait plus partie des plans de Peter. Tu as eu de la chance, Ender. Tu es parti alors que Peter n’avait pas encore pu te prendre au piège de sa conspiration.

— Quel est ton avis sur ton frère, Valentine ?

— Ender ?

— Naturellement.

— Comment pourrais-je avoir un avis sur lui ? J’avais huit ans quand il est parti, et je n’ai jamais eu de nouvelles.

— Docteur Linberry, voulez-vous nous excuser ?

Linberry fut contrariée.

— À la réflexion, docteur Linberry, je crois que nous aurons une conversation beaucoup plus féconde, Valentine et moi, si nous marchons un peu. Dehors. Loin des appareils d’enregistrement que votre adjoint a posés dans cette pièce.

Pour la première fois, Valentine vit le Dr Linberry rester sans voix. Le Colonel Graff souleva un tableau et retira la membrane sensible aux bruits qui était collée sur le mur, ainsi que l’unité émettrice.

— Primitif, estima Graff. Mais efficace. Je croyais que vous étiez au courant.

Linberry prit l’appareil et se laissa lourdement tomber dans son fauteuil. Graff et Valentine sortirent.

Ils marchèrent sur le terrain de football. Les soldats suivirent à distance respectueuse ; ils se séparèrent et se disposèrent en cercle, afin de surveiller un périmètre aussi étendu que possible.

— Valentine, nous avons besoin de ton aide à propos d’Ender.

— Quel genre d’aide ?

— Nous ne savons pas exactement. Il faut que tu définisses la façon dont tu peux nous aider.

— Eh bien, qu’y a-t-il ?

— C’est une partie du problème. Nous ne savons pas.

Valentine ne put s’empêcher de rire.

— Je ne l’ai pas vu depuis trois ans ! Il est continuellement avec vous, là-haut !

— Valentine, l’aller-retour entre l’École de Guerre et la Terre coûte davantage d’argent que ce que ton Père peut gagner pendant toute sa vie. Je ne me déplace pas pour rien.

— Le roi a fait un rêve, dit Valentine, mais il a oublié de quoi il s’agissait, alors il a demandé aux sages de l’interpréter, sinon ils mourraient. Seul Daniel a pu l’interpréter, parce qu’il était prophète.

— Tu lis la Bible ?

— Nous étudions les classiques, cette année. Je ne suis pas prophète.

— Je voudrais pouvoir t’expliquer précisément la situation dans laquelle se trouve Ender. Mais cela prendrait des heures, peut-être même des jours et, ensuite, je serais obligé de te faire enfermer parce que tout cela est strictement confidentiel. Alors, voyons ce que nous pouvons faire avec des informations limitées. Il y a un jeu auquel nos élèves jouent avec l’ordinateur.

Il lui raconta le Bout du Monde, la pièce close et le visage de Peter dans le miroir.

— C’est l’ordinateur qui met l’image à cet endroit. Pourquoi ne pas l’interroger ?

— L’ordinateur ne sait pas.

— Suis-je censée savoir ?

— C’est la deuxième fois, depuis qu’il est chez nous, qu’Ender a entraîné le jeu dans une impasse. Dans une situation qui paraît insoluble.

— A-t-il résolu la première situation ?

— Il y est finalement parvenu.

— Dans ce cas, laissez-lui du temps. Il résoudra probablement celle-ci.

— Je n’en suis pas sûr. Valentine, ton frère est un petit garçon très malheureux.

— Pourquoi ?

— Je ne sais pas.

— Vous ne savez pas grand-chose, pas vrai ?

Pendant quelques instants, Valentine crut que l’homme allait se mettre en colère. Toutefois, il décida de rire.

— Non, pas grand-chose. Valentine, pourquoi Ender voit-il continuellement votre frère Peter dans le miroir ?

— Il ne devrait pas. C’est stupide.

— Pourquoi est-ce stupide ?

— Parce que s’il y a quelqu’un qui soit le contraire d’Ender, c’est Peter.

— De quelle façon ?

Toutes les réponses qui lui vinrent à l’esprit lui parurent dangereuses. Les questions relatives à Peter pouvaient soulever de graves problèmes. Valentine connaissait assez bien le monde pour savoir que personne ne prendrait au sérieux les plans de Peter visant à la domination du monde, que personne n’y verrait une menace pour les gouvernements en place. Mais on pouvait parfaitement décider qu’il était fou et soigner sa mégalomanie.

— Tu te prépares à mentir, releva Graff.

— Je me prépare à cesser de vous parler, répondit Valentine.

— Et tu as peur. De quoi as-tu peur ?

— Je n’aime pas les questions sur ma famille. Laissez ma famille en dehors de tout cela.

— Valentine, je m’efforce de laisser ta famille en dehors de tout cela. Je viens te voir afin d’éviter de soumettre Peter à un ensemble de tests et d’interroger tes parents. Je m’efforce de résoudre le problème rapidement, avec la personne qu’Ender aime le plus au monde, et à qui il fait confiance, peut-être la seule personne qu’il aime et à qui il fasse confiance. Si je ne parviens pas à résoudre le problème de cette façon, nous séquestrerons ta famille et ferons comme nous l’entendons. Ce n’est pas une question banale, et je ne m’en irai pas.