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Pour toi, Ender, se dit-elle en écrivant. Peter rit avec ravissement lorsqu’il lut l’article.

— Cela va les faire sursauter et les obliger à tenir compte de toi. Troisième ! Un titre de noblesse ! Oh, tu as un côté vicieux.

10

DRAGON

— « Maintenant ? »

— « Je suppose. »

— « Il faut que cela soit un ordre, Colonel Graff. Les armées ne bougent pas parce qu’un commandant dit : « Je suppose qu’il est temps d’attaquer. ». »

— « Je ne suis pas commandant. Je suis enseignant et je m’occupe d’enfants. »

— « Colonel, je reconnais que je ne vous ai pas facilité la tâche, je reconnais que je vous ai emmerdé, mais cela a fonctionné, tout a fonctionné exactement comme vous le vouliez. Depuis quelques semaines, Ender est… est… »

— « Heureux ? »

— « Satisfait. Ses résultats sont bons. Il a l’esprit vif, il joue magnifiquement. Bien qu’il soit jeune, nous n’avons jamais eu de garçon aussi apte à prendre un commandement. En général, ils en obtiennent un à onze ans mais, à neuf ans et demi, il est au sommet de sa forme. »

— « Oui ? Depuis quelques minutes, en fait, je me demande quel genre d’homme il faut être pour soigner un enfant blessé et, un peu plus tard, le lancer à nouveau dans la bataille. Un petit dilemme personnel. N’en tenez pas compte. Je suis fatigué. »

— « Sauver le monde, vous vous souvenez ? »

— « Convoquez-le. »

— « Nous faisons ce qui doit être fait, Colonel Graff. »

— « Allons, Anderson, vous êtes seulement impatient de voir comment il fera face à ces petits jeux truqués que vous avez dû mettre au point. »

— « Venant de votre part, c’est plutôt écœurant… »

— « Eh bien, je suis un type écœurant. Allons, Major. Nous sommes tous les deux la lie de la Terre. Moi aussi, je suis impatient de voir comment il les affrontera. Après tout, notre survie dépend de sa réussite, hein ? »

— « Vous n’allez pas vous mettre à employer l’argot des enfants, tout de même. »

— « Convoquez-le, Major. Je vais enregistrer son avancement dans son dossier et lui donner son système de sécurité. Ce que nous lui faisons faire ne comporte pas que des mauvais côtés, après tout. Il aura à nouveau une intimité. »

— « Vous voulez parler de l’isolement. »

— « La solitude du pouvoir. Allez le chercher. »

— « Oui, Colonel. Je reviendrai avec lui dans un quart d’heure. »

— « Au revoir. Oui, Colonel. Ouais, Col’nel ! J’espère que tu t’es bien amusé, j’espère que tu as été très, très heureux, Ender. Tu ne le seras peut-être plus jamais. Bienvenue, petit. Ton vieil Oncle Graff te réserve des surprises. »

Ender comprit ce qui se passait à l’instant même où on le fit entrer. Tout le monde pensait qu’il passerait rapidement commandant. Peut-être pas aussi rapidement, mais il était presque continuellement en tête des classements depuis trois ans, personne ne pouvait se comparer à lui et ses entraînements du soir étaient devenus l’activité la plus prestigieuse de l’école. Certains élèves se demandaient même pourquoi les professeurs avaient tellement attendu.

Il se demanda quelle armée on lui donnerait. Trois commandants partiraient bientôt, y compris Petra, mais il ne pouvait guère espérer que lui soit confiée l’Armée du Phénix – personne n’avait réussi à commander l’armée au sein de laquelle il se trouvait avant sa promotion.

Anderson lui montra d’abord son nouveau logement. Le problème se trouva ainsi résolu – seuls les commandants disposaient d’une chambre individuelle. Ensuite, il lui fit préparer de nouveaux uniformes et une nouvelle combinaison de combat. Il regarda sur les formulaires et découvrit le nom de sa nouvelle armée.

Dragon, indiquaient les formulaires. Il n’y avait pas d’Armée du Dragon.

— Je n’ai jamais entendu parler de l’Armée du Dragon, releva Ender.

— C’est parce qu’il n’y a plus d’Armée du Dragon depuis quatre ans. Nous avons renoncé au nom parce qu’il provoquait des superstitions. Aucune Armée du Dragon, dans toute l’histoire de l’école, n’a pu gagner plus d’une bataille sur trois. C’est certainement une plaisanterie.

— Pourquoi la reconstituez-vous maintenant ?

— Nous avions un stock d’uniformes inutilisés.

Graff était assis derrière son bureau, apparemment plus gras et plus fatigué que lors de la dernière visite d’Ender. Il donna à Ender un crochet, petite boîte que les commandants utilisaient pour aller et venir à leur guise dans la salle de bataille, pendant les exercices. De nombreuses fois, il avait regretté de ne pas avoir de crochet et de devoir rebondir d’une paroi à l’autre pour aller où il voulait. À présent qu’il savait parfaitement manœuvrer sans, on lui en donnait un.

— Il ne fonctionne, fit remarquer Anderson, que pendant les exercices inscrits au programme.

Comme Ender avait déjà prévu d’effectuer des exercices supplémentaires, cela signifiait que le crochet ne serait que partiellement utilisable. Cela expliquait pourquoi de si nombreux commandants ne faisaient pas d’exercices supplémentaires. Ils avaient besoin du crochet, et celui-ci ne servait à rien en dehors des périodes prescrites. S’ils estimaient que le crochet était leur autorité, leur pouvoir sur les autres garçons, dans ce cas, ils n’avaient aucune raison de travailler sans lui. C’est un avantage que j’aurai sur mes ennemis, se dit Ender.

Le discours officiel de Graff parut las et trop souvent répété. Ce ne fut que vers la fin qu’il parut s’intéresser un peu à ce qu’il disait.

— Nous tentons une expérience avec l’Armée du Dragon. J’espère que tu n’y vois pas d’inconvénient. Nous avons constitué une nouvelle armée en faisant monter l’équivalent d’un groupe de Nouveaux et en retardant la sortie de nombreux élèves plus âgés. Je crois que tu seras satisfait de la qualité de tes soldats. J’espère que tu le seras, parce que nous t’interdisons tout transfert.

— Pas d’échanges ? demanda Ender.

C’était de cette façon que les commandants supprimaient leurs points faibles, en faisant des échanges.

— Aucun. Vois-tu, tu diriges tes entraînements supplémentaires depuis trois ans. Tu as des partisans. De nombreux bons soldats exerceraient des pressions inacceptables sur leur commandant pour obtenir d’être transférés dans ton armée. Nous t’avons donné une armée qui, à terme, peut devenir compétitive. Nous n’avons pas l’intention de te laisser dominer d’une façon inéquitable.

— Et si j’ai un soldat avec qui je ne peux pas m’entendre ?

— Fais un effort.

Graff ferma les yeux. Anderson se leva et l’entretien fut terminé.

Les couleurs du Dragon furent gris-orange-gris ; Ender mit sa combinaison de combat puis suivit les rubans de couleur jusqu’au dortoir abritant son armée. Les soldats étaient déjà arrivés, allant et venant devant l’entrée. Ender prit immédiatement la situation en main.