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— À quoi, commandant, attribues-tu ce succès exceptionnel ?

— Vous m’avez donné une armée capable d’exécuter tout ce que je demande.

— Et que lui demandes-tu ?

— Nous nous orientons vers le bas, en direction de la porte ennemie, et nous nous servons de nos jambes comme bouclier. Nous évitons les formations et conservons notre mobilité. J’ai cinq cohortes de huit au lieu de quatre de dix, et c’est un avantage. De plus, nos ennemis n’ont pas encore eu le temps de s’adapter efficacement à nos techniques nouvelles, de sorte que nous continuons à les battre avec les mêmes méthodes. Cela ne durera pas longtemps.

— Ainsi, tu ne crois pas que tu vas continuer de gagner.

— Pas avec les mêmes méthodes.

Graff hocha la tête.

— Assieds-toi, Ender.

Ender et Anderson prirent place. Graff fixa Anderson et ce fut ce dernier qui prit la parole.

— Dans quel état se trouve ton armée, après ces batailles successives ?

— À présent, ce sont tous des anciens.

— Mais comment vont-ils ? Sont-ils fatigués ?

— S’ils le sont, ils refusent de le reconnaître.

— Sont-ils toujours vifs ?

— C’est vous les responsables des jeux produits par l’ordinateur. C’est à vous de me le dire.

— Nous connaissons ce que nous savons. Nous voulons savoir ce que tu sais.

— Ce sont de très bons soldats, Major Anderson. Je suis certain qu’ils ont des limites, mais nous ne les avons pas encore atteintes. Quelques-uns, parmi les plus jeunes, éprouvent des difficultés parce qu’ils ne dominent pas véritablement certaines techniques de base, mais ils travaillent dur et s’améliorent. Que voulez-vous que je vous dise ? Qu’ils ont besoin de repos ? Naturellement, ils ont besoin de repos. Ils n’ont plus le temps d’étudier et nous avons de mauvaises notes en classe. Mais vous le savez et, apparemment, vous vous en fichez, alors pourquoi n’en ferais-je pas autant ?

Graff et Anderson se regardèrent.

— Ender, pourquoi étudies-tu les vidéos des guerres contre les doryphores ?

— Pour apprendre la stratégie, naturellement.

— Ces vidéos ont été réalisées dans un but de propagande. Toutes nos stratégies ont été coupées…

— Je sais.

Graff et Anderson se regardèrent une nouvelle fois. Graff tambourinait du bout des doigts sur le bureau.

— Tu ne joues plus avec l’ordinateur.

Ender ne répondit pas.

— Explique-nous pourquoi tu ne joues plus.

— Parce que j’ai gagné.

— On ne gagne jamais complètement, dans ce jeu. Il n’est pas terminé.

— J’ai complètement gagné.

— Ender, nous voulons t’aider à être aussi heureux que possible, mais si tu…

— Vous voulez que je devienne le meilleur soldat possible. Allez voir les tableaux d’affichage. Regardez les classements depuis le début. Jusqu’ici, vous m’avez parfaitement manœuvré. Félicitations. À présent, allez-vous m’opposer à une bonne armée ?

Les lèvres de Graff esquissèrent un sourire, et un rire silencieux le secoua légèrement.

Anderson donna un morceau de papier à Ender.

— Maintenant, dit-il.

BONZO MADRID, ARMÉE DE LA SALAMANDRE, 1200

— C’est dans dix minutes, releva Ender. Mon armée est en train de se doucher après l’entraînement.

Graff sourit.

— Eh bien, tu devrais te dépêcher, petit.

Il arriva cinq minutes plus tard dans le dortoir de son armée. Presque tous les soldats s’habillaient après la douche ; quelques-uns étaient déjà allés à la salle de jeux, ou la salle de vidéo, en attendant le déjeuner. Il envoya trois petits chercher les absents et ordonna aux autres de s’habiller aussi rapidement que possible.

— C’est difficile et nous manquons de temps, dit Ender. Ils ont averti Bonzo il y a à peu près vingt minutes et, quand nous arriverons à la porte, ils seront à l’intérieur depuis au moins cinq minutes.

Les garçons furent scandalisés, protestant haut et fort dans un langage qu’ils évitaient généralement en présence du commandant.

— Qu’est-ce qu’ils nous veulent ? Ils sont cinglés, hein ?

— Laissez tomber le pourquoi, nous y penserons ce soir. Êtes-vous fatigués ?

Fly Molo répondit :

— On s’est crevé le cul à l’entraînement. Sans parler de la victoire contre l’Armée du Furet, ce matin.

— Personne n’a deux batailles le même jour, dit Crazy Tom.

Ender répondit sur le même ton :

— Personne ne bat l’Armée du Dragon. Est-ce votre occasion de perdre ?

La question défiante d’Ender fut la réponse à leurs protestations. Gagner d’abord, poser des questions après.

Ils étaient tous dans la salle, et presque tous habillés.

— En avant ! cria Ender, et ils coururent derrière lui, quelques-uns n’ayant pas fini de s’habiller quand ils arrivèrent dans le couloir de la salle de bataille. Beaucoup étaient essoufflés, ce qui était mauvais signe ; ils étaient trop fatigués pour se battre. La porte était déjà ouverte. Il n’y avait pas d’étoiles. Seulement le vide dans une salle à l’éclairage aveuglant. Aucun moyen de se cacher, pas même l’obscurité.

— Seigneur, dit Crazy Tom, ils ne sont pas encore sortis !

Ender posa la main sur la bouche, pour leur dire de se taire. La porte étant ouverte, l’ennemi pouvait naturellement entendre tout ce qu’ils disaient. Ender montra le pourtour de la porte, pour leur indiquer que l’Armée de la Salamandre était vraisemblablement déployée contre la paroi tout autour de la porte, où les soldats étaient invisibles mais pouvaient facilement tirer sur tous ceux qui sortaient.

Ender fit signe à tout le monde de reculer. Puis il fit avancer les plus grands, leur disant de s’agenouiller, pas assis sur les talons, mais droits, de sorte que leur corps formait un L. Il les gela. En silence, l’armée le regarda. Il choisit le plus petit, Bean, lui donna le pistolet de Crazy Tom et le fit agenouiller sur les jambes gelées de Tom. Puis il glissa les mains de Bean, chacune armée d’un pistolet, sous les aisselles de Tom.

À ce moment-là, les garçons comprirent. Tom était un bouclier, un vaisseau spatial blindé, et Bean se cachait à l’intérieur. Il n’était pas invulnérable, mais il aurait du temps.

Ender fit signe à deux garçons de se préparer à lancer Tom et Bean dans la salle, mais leur indiqua d’attendre. Il passa rapidement son armée en revue, définissant rapidement des groupes de quatre : un bouclier, un tireur et deux lanceurs. Puis quand tous furent gelés, armés ou prêts à tirer, il fit signe à ses lanceurs de soulever leur fardeau, de le projeter dans la salle, puis de sauter à leur tour.

— Allez ! cria Ender.

Ils y allèrent. Deux par deux, les paires franchirent la porte, en arrière afin que le bouclier se trouve entre l’ennemi et le tireur. L’ennemi ouvrit immédiatement le feu mais ne toucha que le garçon gelé. Pendant ce temps, disposant de deux pistolets et les cibles étant parfaitement alignées contre la paroi, les Dragons se donnèrent du bon temps. Il était presque impossible de manquer. Lorsque les lanceurs sautèrent également, ils s’accrochèrent à la même paroi que l’ennemi, tirant selon un angle parfait de sorte que les Salamandres ne savaient plus s’ils devaient tirer sur les paires qui les massacraient d’en haut ou sur les lanceurs qui, placés au même niveau qu’eux, leur tiraient dessus. Lorsqu’Ender franchit la porte, la bataille était terminée. Il ne s’était pas écoulé une minute entre le moment où le premier Dragon avait franchi la porte et celui où on avait cessé de tirer. Le Dragon avait vingt gelés ou hors de combat et seulement douze garçons indemnes. C’était son plus mauvais score, mais il avait gagné.