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Ender était assis dans un coin de la salle de bataille, le bras glissé dans une poignée, regardant Bean s’entraîner avec son unité. La veille, ils avaient travaillé sur les attaques sans pistolet, désarmant les ennemis avec les pieds. Ender les avait aidés en leur apprenant quelques techniques du combat à mains nues en pesanteur normale – de nombreux éléments durent être transformés, mais l’inertie était un outil qui pouvait être utilisé aussi bien en apesanteur que dans la pesanteur normale.

Ce jour-là, cependant, Bean avait un nouveau jouet. C’était un fil presque invisible généralement utilisé, lorsque l’on construisait dans l’espace, pour relier deux objets. Ces fils faisaient parfois plusieurs kilomètres de long. Celui-ci, cependant, était juste un peu plus long qu’une des parois de la salle de bataille et, enroulé autour de la taille de Bean, il était pratiquement invisible. Il le déroula comme si c’était un vêtement et donna une extrémité à un de ses soldats.

— Attache-le à une poignée et enroule bien autour.

Bean emporta l’extrémité opposée de l’autre côté de la salle de bataille.

Bean décida qu’il ne pouvait guère servir à faire trébucher l’adversaire. Il était pratiquement invisible, mais un fil avait peu de chance d’arrêter un ennemi qui pouvait facilement passer dessus ou dessous. Puis il eut l’idée de l’utiliser pour changer de trajectoire au milieu de la salle. Il l’attacha à sa taille, l’autre extrémité étant toujours fixée à une poignée, s’éloigna de quelques mètres, puis se lança. Le fil interrompit sa course, transforma brutalement sa trajectoire et lui fit décrire un arc de cercle qui le projeta brutalement contre une paroi.

Il hurla et hurla. Ender ne comprit pas immédiatement qu’il ne hurlait pas sous l’effet de la douleur.

— Tu as vu à quelle vitesse j’allais ? Tu as vu comme j’ai changé de direction ?

Bientôt, toute l’Armée du Dragon interrompit son entraînement pour regarder Bean travailler avec son fil. Les changements de direction étaient stupéfiants, surtout lorsqu’on ignorait où se trouvait le fil. Lorsqu’il utilisa le fil pour contourner une étoile, il atteignit des vitesses inconnues auparavant.

Il était 2140 et Ender mit un terme à l’entraînement. Fatiguée mais ravie d’avoir vu quelque chose de nouveau, son armée s’engagea dans les couloirs conduisant à son dortoir. Ender resta parmi ses soldats, silencieux mais écoutant ce qu’ils disaient. Ils étaient fatigués, oui – une bataille par jour depuis plus de quatre semaines, souvent dans des situations qui exigeaient le meilleur d’eux-mêmes. Mais ils étaient fiers, heureux, unis – ils n’avaient jamais perdu et avaient appris à se faire confiance. Ils étaient sûrs que leurs camarades combattaient courageusement et bien ; ils étaient sûrs que leurs chefs les utilisaient et ne gâchaient pas leur énergie ; et, surtout, ils savaient qu’Ender les préparait à tout ce qui risquait d’arriver.

Tandis qu’ils marchaient dans le couloir, Ender remarqua plusieurs garçons plus âgés, apparemment en train de parler, dans les couloirs et les échelles adjacents ; quelques-uns étaient dans leur couloir, marchant lentement dans la direction inverse. Ce n’était manifestement pas par hasard, toutefois, s’ils portaient presque tous l’uniforme de la Salamandre et si ceux qui n’étaient pas dans ce cas appartenaient à des armées dont le commandant haïssait Ender Wiggin. Quelques-uns le regardèrent et détournèrent trop rapidement les yeux ; d’autres étaient trop crispés, trop nerveux, alors qu’ils feignaient d’être détendus. Que vais-je faire, s’ils attaquent mon armée dans le couloir ? Mes garçons sont jeunes, petits et n’ont aucune expérience du combat en pesanteur normale. Quand pourraient-ils apprendre ?

— Ho, Ender ! appela quelqu’un.

Ender s’arrêta et se retourna. C’était Petra.

— Ender, je voudrais te parler.

Ender se rendit immédiatement compte que, s’il s’arrêtait, son armée le dépasserait et qu’il se retrouverait seul avec Petra dans le couloir.

— Accompagne-moi, dit Ender.

— Je n’en ai que pour un instant.

Ender pivota sur lui-même et s’éloigna avec son armée. Il entendit Petra courir pour le rejoindre.

— Très bien, je t’accompagne.

Ender se crispa lorsqu’elle arriva près de lui. Était-elle avec les autres ? Faisait-elle partie de ceux qui le haïssaient tellement qu’ils étaient prêts à lui faire du mal ?

— Un de tes amis voulait que je t’avertisse. Il y a des garçons qui veulent te tuer.

— Surprise, fit Ender.

Quelques soldats parurent sursauter en entendant cela. Les complots contre le commandant constituaient une nouvelle intéressante, apparemment.

— Ender, ils en sont capables. Selon lui, ils ont cette intention depuis que tu es commandant…

— Depuis que j’ai battu la Salamandre, tu veux dire.

— Je te haïssais quand tu as battu l’Armée du Phénix, Ender.

— Je ne fais de reproches à personne.

— C’est vrai. Il m’a dit de te prendre à part, aujourd’hui, en revenant de la salle de bataille, et de te conseiller d’être prudent demain, parce que…

— Petra, si tu m’avais vraiment pris à part, il y a à peu près une douzaine de garçons qui nous suivent et qui m’auraient attaqué dans le couloir. Peux-tu dire que tu ne les as pas vus ?

Soudain, elle rougit.

— Non, je ne les ai pas vus. Comment peux-tu croire le contraire ? Tu ne connais donc pas tes amis ?

Elle se fraya un chemin à travers l’Armée du Dragon, la dépassa et s’engagea sur une échelle conduisant au niveau supérieur.

— Est-ce vrai ? demanda Crazy Tom.

— Qu’est-ce qui est vrai ?

Ender scruta la salle et cria à deux garçons turbulents d’aller se coucher.

— Que des grands veulent te tuer ?

— Des mots, répondit Ender.

Mais il savait que ce n’était pas le cas. Petra savait quelque chose, et ce qu’il avait vu dans les couloirs ne relevait pas de son imagination.

— Ce sont peut-être des mots, mais j’espère que tu comprendras quand je dis que cinq chefs de cohorte vont t’accompagner jusqu’à ta chambre ce soir.

— Totalement inutile.

— Fais-nous plaisir. Tu nous dois bien ça.

— Je ne vous dois rien.

Il serait stupide de refuser.

— Faites comme vous voulez.

Il pivota sur lui-même et s’en alla. Les chefs de cohorte le suivirent. L’un d’entre eux passa devant et ouvrit sa porte. Ils visitèrent la chambre, firent promettre à Ender qu’il la fermerait à clé et le laissèrent juste avant l’extinction des feux.

Il y avait un message sur son bureau.

NE RESTE PAS SEUL. JAMAIS.

DINK

Ender sourit. Ainsi, Dink était toujours son ami. Ne t’inquiète pas. Ils ne me feront rien. J’ai mon armée.

Mais, dans le noir, il n’avait pas son armée. Cette nuit-là, il rêva de Stilson mais il vit comme Stilson était petit, six ans seulement, comme son attitude bravache était ridicule ; et pourtant, dans le rêve, Stilson et ses amis attachaient Ender, de sorte qu’il ne pouvait pas se défendre, puis, tout ce qu’Ender avait fait à Stilson dans la réalité, Stilson le faisait à Ender en rêve. Ensuite, Ender se vit bafouillant comme un idiot, faisant tout son possible pour donner des ordres à son armée, mais ses paroles n’avaient aucun sens.

Il se réveilla dans le noir, et il eut peur. Puis il se calma en se disant qu’il comptait certainement, aux yeux des professeurs et que, dans le cas contraire, ils ne lui feraient pas subir de telles pressions ; ils ne permettraient pas qu’il lui arrive quelque chose, rien de grave en tout cas. Lorsque les grands l’avaient attaqué dans la salle de bataille, il y avait déjà bien longtemps, ils étaient probablement dehors, prêts à intervenir ; si la situation avait dégénéré, ils seraient certainement intervenus. J’aurais très bien pu ne rien faire et attendre, et ils auraient veillé à ce qu’il ne m’arrive rien. Ils vont me pousser aussi loin que possible, dans le jeu mais, à l’extérieur du jeu, ils assureront ma sécurité.