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Rassuré, il se rendormit, jusqu’à ce que la porte s’ouvre doucement et que la guerre de la matinée soit posée par terre, bien en évidence.

Ils gagnèrent, naturellement, mais ce fut une affaire éprouvante, la salle de bataille contenant un tel labyrinthe d’étoiles qu’il fallut pourchasser l’ennemi pendant quarante-cinq minutes pour l’éliminer. C’était l’Armée du Blaireau, commandée par Pol Slattery, et ils refusèrent d’abandonner. Le jeu comportait également une nouvelle règle. Quand ils gelaient un ennemi, ou le mettaient hors de combat, il dégelait au bout de cinq minutes, comme pendant les entraînements. L’ennemi ne pouvait rester en dehors de l’action que lorsqu’il était complètement gelé. Mais cela ne fonctionnait pas pour l’Armée du Dragon. Crazy Tom comprit ce qu’il se passait, lorsque des ennemis qu’ils croyaient avoir définitivement écartés se mirent à leur tirer dans le dos. Et, à la fin de la bataille, Slattery serra la main d’Ender et dit :

— Je suis content que tu aies gagné. Si je te bats un jour, je veux que ce soit équitablement.

— Utilise ce qu’on te donne, dit Ender. Si tu as un avantage sur l’ennemi, utilise-le.

— Oh, c’est ce que j’ai fait, répondit Slaterry. Il sourit. Je ne suis fair-play qu’avant et après les batailles.

La bataille dura tellement longtemps que l’heure du petit déjeuner était passée. Ender regarda ses soldats fatigués et couverts de sueur qui attendaient dans le couloir et dit :

— Aujourd’hui, vous savez tout. Pas d’entraînement. Reposez-vous. Amusez-vous. Passez l’examen.

Ils étaient tellement las qu’ils ne rirent pas, n’applaudirent pas, ils regagnèrent simplement le dortoir et se déshabillèrent. Ils se seraient entraînés, s’il le leur avait demandé, mais ils étaient à bout de forces et l’absence de petit déjeuner n’était qu’une injustice de trop.

Ender avait l’intention de prendre immédiatement une douche, mais il était trop fatigué. Il s’allongea sans quitter sa combinaison de combat, juste pour un moment, et se réveilla à l’heure du déjeuner. Ainsi, il devrait renoncer à étudier les doryphores ce matin. Il avait juste le temps de se laver, d’aller manger et de se rendre au cours.

Il quitta sa combinaison de combat, qui empestait la sueur. Son corps était glacé, ses articulations étrangement faibles. Je n’aurais pas dû dormir pendant la journée. Je me relâche. C’est la fatigue. Je ne dois pas me laisser aller.

Il courut jusqu’au gymnase et se contraignit à monter trois fois à la corde avant d’aller prendre sa douche. Il ne lui vint pas à l’esprit que son absence serait visible, au mess des commandants, que, en prenant une douche à l’heure du déjeuner, pendant que son armée engloutissait le premier repas de la journée, il serait totalement seul, sans défense.

Même lorsqu’il les entendit entrer dans la salle des douches, il ne fit pas attention. Il faisait couler l’eau sur sa tête, son corps ; le bruit étouffé des pas était à peine audible. Peut-être le déjeuner est-il terminé, se dit-il. Il se savonna une nouvelle fois. Peut-être quelqu’un a-t-il terminé l’entraînement en retard.

Et peut-être pas. Il se retourna. Ils étaient sept, appuyés contre les lavabos métalliques ou debout près des douches, le regardant. Bonzo se tenait devant eux. Beaucoup souriaient, le ricanement condescendant que le chasseur adresse à sa victime acculée. Bonzo, toutefois, ne souriait pas.

— Salut, fit Ender.

Personne ne répondit.

Alors, Ender ferma le robinet, bien qu’il ait encore des traces de savon sur la peau et tendit la main vers sa serviette. Elle n’était plus là. Un des garçons l’avait. C’était Bernard. Il ne manquait plus, pour que le tableau fût complet, que Peter et Stilson. Ils avaient besoin du sourire de Peter ; ils avaient besoin de la stupidité évidente de Stilson.

Ender comprit que la serviette était leur premier coup. Tenter de récupérer sa serviette, nu, le ferait paraître plus faible. C’était ce qu’ils voulaient, l’humilier, le briser. Il ne jouerait pas. Il refusa d’accepter la faiblesse sous prétexte qu’il était mouillé, glacé et nu. Il se redressa, leur faisant face, les bras contre les flancs. Il fixa Bonzo.

— À toi de jouer, dit Ender.

— Ce n’est pas un jeu, dit Bernard. On en a assez de toi, Ender. Tu as ton examen aujourd’hui. Sur la glace.

Ender ne regarda pas Bernard. C’était Bonzo qui voulait sa mort, bien qu’il soit silencieux. Les autres étaient venus en spectateurs, pour voir jusqu’où cela irait. Bonzo savait jusqu’où il voulait aller.

— Bonzo, dit calmement Ender, ton Père serait fier de toi.

Bonzo se crispa.

— Il serait fier s’il te voyait maintenant, attaquant un petit garçon nu dans les douches, moins grand que toi, avec six camarades. Il dirait : « Oh, quel courage ! »

— Personne n’est venu t’attaquer, dit Bernard. On est simplement venu te convaincre de jouer équitablement. De perdre une partie de temps en temps.

Les autres rirent, mais Bonzo ne rit pas, et Ender non plus.

— Sois fier, Bonito, mon joli. Tu pourras rentrer chez toi et dire : « Oui, j’ai battu Ender Wiggin, qui avait tout juste dix ans, et j’en avais treize. Et je n’avais que six camarades avec moi et, finalement, nous avons réussi à le battre, alors qu’il était nu, mouillé et seul – Ender Wiggin est terriblement dangereux et terrifiant, mais nous ne pouvions tout de même pas venir à deux cents. »

— Ta gueule, Wiggin ! dit un garçon.

— On n’est pas venu écouter les discours de ce petit fumier !

— Fermez-la ! dit Bonzo. Fermez-la et bougez pas.

Il entreprit de quitter son uniforme.

— Nu, mouillé et seul, Ender, alors nous sommes à égalité. Ce n’est pas ma faute si je suis plus grand que toi. Tu es tellement génial que tu trouveras bien le moyen de me résister.

Il se tourna vers les autres.

— Surveillez la porte. Ne laissez entrer personne.

La salle des douches n’était pas grande et les tuyauteries saillaient partout. Elle avait été lancée d’un seul bloc, comme un satellite en orbite basse, bourrée de matériel de recyclage de l’eau ; elle était conçue de telle sorte qu’il n’y avait aucune place perdue. La tactique était évidente. Projeter l’autre contre les tubes jusqu’à ce que l’un des deux adversaires soit incapable de bouger.

Lorsqu’Ender vit la position que prenait Bonzo, son cœur se serra. Bonzo avait également suivi des cours. Et sans doute plus récemment qu’Ender. Son allonge était meilleure, il était plus fort et plein de haine. Il ne serait pas tendre. Il va chercher à atteindre la tête, se dit Ender. Il tentera essentiellement d’endommager mon cerveau. Et si le combat dure, il gagnera forcément. Sa force fera la différence. Si je veux sortir d’ici, je dois gagner rapidement et définitivement. Il se souvint de la façon écœurante dont les os de Stilson avaient cédé. Mais, cette fois, ce sera mon corps qui sera brisé, sauf si je peux briser le sien avant.

Ender recula, tourna la pomme de la douche vers l’extérieur et ouvrit le robinet d’eau chaude. Presque immédiatement, un nuage de vapeur s’éleva. Il fit de même avec la suivante, puis la suivante.

— Je n’ai pas peur de l’eau bouillante, dit Bonzo. Sa voix était douce.