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— Pourquoi ne vous a-t-on pas cru ?

— Parce que nous n’avons pas trouvé la reine.

— Elle a été désintégrée.

— Fortunes de guerre. La biologie passe après la survie. Mais il y a des gens qui commencent à penser comme moi. On ne peut pas vivre ici sans que les preuves sautent aux yeux.

— Quelles preuves y a-t-il, sur Éros ?

— Ender, regarde autour de toi. Les êtres humains n’ont pas creusé cet endroit. D’abord, nous aimons que les plafonds soient plus hauts. C’était le poste avancé des doryphores, pendant la Première Invasion. Ils ont creusé cet endroit alors que nous ne savions pas encore qu’ils étaient là. Nous vivons dans une ruche de doryphores. Mais nous avons déjà payé le loyer. Les Marines ont perdu mille hommes pour les chasser d’ici pièce après pièce. Les doryphores en ont défendu chaque mètre.

À présent, Ender comprenait pourquoi les pièces lui faisaient un effet bizarre.

— Je savais que ce n’était pas un endroit humain.

— Ce fut une découverte due au hasard. S’ils avaient su que nous gagnerions la première guerre, ils n’auraient probablement pas construit cet endroit. Nous avons appris à manipuler la pesanteur parce qu’ils ont accentué celle de cette planète. Nous avons appris à utiliser efficacement l’énergie stellaire parce qu’ils l’ont noircie. En réalité, c’est à cause de cela que nous les avons découverts. En trois jours, Éros a progressivement disparu. Nous avons envoyé un remorqueur voir ce qu’il se passait. Le remorqueur a transmis des vidéos, y compris celles où l’on voyait les doryphores aborder le vaisseau et massacrer l’équipage. L’émission continua pendant que les doryphores visitaient le vaisseau. L’émission n’a cessé que lorsqu’ils l’ont démonté. C’était leur cécité – ils n’avaient jamais été obligés de communiquer avec des machines, de sorte que, une fois l’équipage mort, il ne leur est pas venu à l’esprit que l’on pouvait les regarder.

— Pourquoi ont-ils tué l’équipage ?

— Pourquoi pas ? De leur point de vue, perdre quelques hommes d’équipage revient à se couper les ongles. Pas de quoi se fâcher. Ils ont probablement cru qu’ils coupaient nos transmissions en supprimant les ouvrières du remorqueur. Pas qu’ils assassinaient des êtres vivants, intelligents, avec un avenir génétique indépendant. À leurs yeux, le meurtre ne compte pas. Seule la destruction d’une reine est véritablement un meurtre parce que seule la destruction d’une reine interrompt une trajectoire génétique.

— De sorte qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient.

— Ne leur cherche pas des excuses, Ender. Le fait qu’ils ne sachent pas qu’ils tuaient des êtres humains ne signifie pas qu’ils ne tuaient pas des êtres humains. Nous avons le droit de nous défendre du mieux possible, et le meilleur moyen consiste à tuer les doryphores avant d’être tué par eux. C’est comme cela qu’il faut voir les choses. Au cours des guerres, jusqu’ici, ils ont tué des milliers et des milliers d’êtres humains vivants et intelligents. Et, au cours de ces mêmes guerres, nous n’en avons tué qu’un.

— Si vous n’aviez pas tué la reine, Mazer, aurions-nous perdu la guerre ?

— À mon avis, nous avions trois chances sur cinq de la perdre. Je crois que j’aurais pu faire beaucoup de mal à leur flotte avant d’être volatilisé. Ils réagissent très rapidement et leur puissance de feu est énorme, mais nous avons également des avantages. Chacun de nos vaisseaux contient un être humain intelligent, capable de réfléchir par lui-même. Chacun d’entre nous est capable de trouver une solution intelligente à un problème. Ils ne peuvent trouver les solutions intelligentes qu’une par une. Les doryphores réfléchissent rapidement mais ils ne le font pas tous. Même lorsque des commandants incroyablement timorés et stupides ont perdu les grandes batailles de la Deuxième Invasion, leurs subordonnés sont parvenus à infliger de lourdes pertes à la flotte des doryphores.

— Et quand notre invasion arrivera, allons-nous essayer à nouveau de tuer la reine ?

— Comme ils connaissent les voyages interstellaires, les doryphores ne sont certainement pas stupides. C’était une stratégie qui ne pouvait fonctionner qu’une fois. Je présume que nous ne pourrons jamais approcher une reine si nous ne parvenons pas à atteindre leur planète d’origine. Après tout, la reine n’a pas besoin d’être avec eux pour diriger la bataille. La présence de la reine n’est nécessaire que pour mettre au monde de petits doryphores. La Deuxième Invasion était une colonie – la reine venait peupler la Terre. Mais, cette fois… Non, cela ne fonctionnera pas. Il faudra vaincre leur flotte. Et comme ils peuvent puiser dans les ressources d’une douzaine de systèmes solaires, j’estime qu’ils seront nettement plus nombreux que nous, dans toutes les batailles.

Ender se souvint aussitôt de la bataille contre deux armées. Et je croyais qu’ils trichaient. Lorsque la guerre réelle commencera, ce sera toujours comme cela. Et je ne pourrai pas attaquer une porte.

— Il n’y a que deux éléments en notre faveur, Ender. Nous ne sommes pas obligés de bien viser. Nos armes bénéficient d’une grande dispersion.

— Alors nous n’utiliserons pas les missiles nucléaires des Première et Deuxième Invasions ?

— Le Docteur Machin est beaucoup plus puissant. Les armes nucléaires, après tout, étaient tellement faibles qu’il a été possible de les utiliser sur Terre, à une époque. Le Petit Docteur ne serait pas utilisable sur une planète. Cependant, j’aurais aimé en avoir un pendant la Deuxième Invasion.

— Comment fonctionne-t-il ?

— Je ne sais pas, pas assez pour en construire un. Au point de convergence de deux rayons, il produit un champ où les molécules ne peuvent pas conserver leur cohésion. Il devient impossible de partager les électrons. Quel est ton niveau en physique, sur ce plan ?

— Nous avons principalement étudié l’astrophysique, mais j’en sais assez pour me faire une idée.

— Ce champ se dilate en forme de sphère, mais plus il se dilate, plus il faiblit. Cependant, lorsqu’il rencontre une concentration de molécules, il reprend de la vigueur et se régénère. Plus le vaisseau est gros, plus le nouveau champ est puissant.

— Si bien que chaque fois que le champ touche un vaisseau, il produit une nouvelle sphère…

— Et que si leurs vaisseaux sont proches les uns des autres, cela peut déclencher une réaction en chaîne susceptible de les détruire tous. Ensuite, le champ disparaît, les molécules se réassemblent et, à la place du vaisseau, on a une masse de poussière contenant de nombreuses molécules de fer. Ni radioactivité ni saletés. Seulement de la poussière. Nous serons peut-être en mesure de les prendre au piège lors de la première bataille. Mais ils apprennent rapidement. Ils resteront à bonne distance les uns des autres.

— Alors, le Docteur Machin n’est pas un missile – je ne peux pas tirer dans les coins.

— C’est exact. Les missiles ne sont plus bons à rien. Nous nous en sommes rendu compte lors de la Première Invasion, mais ils nous ont également imités – le Bouclier Extatique, par exemple.

— Le Petit Docteur traverse le bouclier ?

— Comme s’il n’existait pas. On ne peut pas voir au-delà du bouclier pour viser le point de convergence des rayons, mais comme le générateur du Bouclier Extatique se trouve toujours exactement au centre, il n’est pas difficile de le localiser.

— Pourquoi n’ai-je pas été entraîné à cela ?

— Tu l’as été. Nous avons simplement laissé l’ordinateur s’occuper de cela à ta place. Ton travail consiste à effectuer une analyse stratégique et à choisir un objectif. Les ordinateurs de bord sont beaucoup plus efficaces que toi sur le plan de la définition des paramètres de visée du Docteur.