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Si seulement nous avions pu vous parler, disait la reine avec les mots d’Ender. Mais, comme c’était impossible, nous demandons simplement ceci : Conservez-nous dans votre souvenir, non pas comme des ennemis, mais comme des sœurs tragiques, défigurées par le Destin, Dieu ou l’Évolution. Si nous nous étions embrassés, nous nous serions mutuellement, miraculeusement, considérés comme des êtres humains. Au lieu de cela, nous nous sommes entre-tués. Néanmoins, nous vous recevons comme des invités. Venez dans nos demeures, filles de la Terre ; installez-vous dans nos tunnels, moissonnez nos champs ; ce que nous ne pouvons pas faire, vous le ferez à notre place. Puissent les arbres fleurir ; puissent les champs mûrir ; puissent les soleils être chauds ; puissent les planètes être fertiles : ce sont nos filles adoptives et elles sont rentrées chez elles.

Le livre d’Ender n’était pas long mais il contenait tout le bien et tout le mal connus par la reine. Et il le signa non pas de son nom, mais d’un titre :

PORTE-PAROLE DES MORTS

Sur Terre, il fut publié sans fracas et passa silencieusement de main en main, jusqu’au moment où il fut difficile de croire qu’il restait des gens qui ne l’avaient pas lu. Presque tous ceux qui le lurent le trouvèrent intéressant ; quelques-uns refusèrent de l’oublier. Ils modelèrent leur existence sur lui, au mieux de leurs possibilités et, lorsqu’un de leurs parents mourait, un croyant se levait au bord de la tombe, devenait le Porte-Parole des Morts et disait ce que le mort aurait dit, mais en toute candeur, ne cachant pas les défauts et n’inventant pas de vertus. Ceux qui assistaient à ces cérémonies les trouvaient parfois douloureuses et déconcertantes, mais nombreux étaient ceux qui décidaient que leur existence était assez digne, en dépit des erreurs, pour que, après leur mort, un Porte-Parole dise la vérité à leur place.

Sur Terre, cela resta une religion parmi de nombreuses religions. Mais, pour ceux qui voyageaient dans la caverne immense de l’espace, habitaient les tunnels de la reine, et moissonnaient les champs de la reine, c’était la seule religion. Il n’y avait pas une colonie sans son Porte-Parole des Morts.

Personne ne savait, et personne n’avait véritablement envie de savoir qui était le premier Porte-Parole. Ender n’avait pas envie de le dire.

À vingt-cinq ans, Valentine termina le dernier volume de son Histoire des guerres contre les doryphores. Elle y inclut, à la fin, le texte intégral du petit livre d’Ender, mais n’indiqua pas qui l’avait écrit.

Par l’ansible, elle eut une réponse de l’ancien Hégémon, Peter Wiggin, soixante-dix ans et fragile du cœur.

— Je connais l’auteur, dit-il. S’il peut parler pour les doryphores, il peut sûrement parler pour moi.

Par l’intermédiaire de l’ansible, Ender et Peter parlèrent, Peter racontant l’histoire de sa vie, ses crimes et ses compassions. Et, lorsqu’il mourut, Ender écrivit un nouveau volume signé du Porte-Parole des Morts. Ensemble, ces deux textes furent intitulés La Reine et l’Hégémon, et devinrent des livres saint.

— Viens, dit-il un jour à Valentine. Envolons-nous et vivons toujours.

— Nous ne pouvons pas, dit-elle. Il y a des miracles que la relativité elle-même ne peut pas accomplir, Ender.

— Nous devons partir. Je suis presque heureux, ici.

— Alors, reste.

— Je vis depuis trop longtemps avec la douleur. Sans elle, je ne saurais pas qui je suis.

Ils embarquèrent dans un vaisseau interstellaire et allèrent de monde en monde. Partout où ils s’arrêtaient, il était toujours Andrew Wiggin, Porte-Parole des Morts itinérant, et elle était toujours Valentine, historienne errante, écrivant l’histoire des vivants tandis qu’Ender racontait l’histoire des morts. Et, toujours, Ender transportait avec lui un cocon sec et blanc, cherchant la planète où la reine pourrait se réveiller en paix et s’épanouir. Il chercha longtemps.