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— Oui, la DEA l’a dans le collimateur. Militaire typiquement « latino ». Corrompu, arrogant et bon vivant. Il a amassé une fortune considérable avec la drogue et les bordels…

— Mais pourquoi se mouille-t-il dans l’affaire Kramer ?

— J’y ai réfléchi, dit Jim Harley. Gomez est très lié avec les sandinistes d’ici. À l’ambassade du Nicaragua il y a un « conseiller » cubain. Ceux-ci s’occupent aussi des avions chargés de drogue. Ils financent leurs opérations clandestines de cette façon. C’est de ce côté-là qu’il faut chercher…

— Vous croyez qu’ils vont le faire partir sur un avion cubain ?

— Ça m’étonnerait.

— Alors, comment vont-ils l’exflltrer ?

— J’ai un ami qui cherche. Il est bien introduit chez le colonel Gomez. Un barman de l’hôtel Embajador, Jésus. Il doit me contacter aujourd’hui.

— Nous devons absolument mettre la main sur Paul Kramer, dit Malko. Il est le chef d’une importante affaire de contre-espionnage qui risque de pourrir la Company.

Jim Harley leva ies yeux au ciel.

— Revenez me voir demain matin. Si j’ai quelque chose d’ici là, je vous téléphone au Sheraton.

— À propos, Paul Kramer a quitté le motel dans une grosse américaine neuve avec une plaque exonerado. Cela vous dit quelque chose ?

— Bien sûr. C’est encore Gomez. Il a pu faire entrer quelques voitures hors douane, des Chevrolet « Caprice », toutes neuves et il les prête à ses copains qui font le taxi ou transportent les personnalités importantes dans ses bordels… Il y en a toujours en face de l’hôtel Embajador.

Malko se retrouva dans les ruelles bruyantes et sales de la zona colonial. Au Sheraton, Chris et Milton veillaient près du téléphone mais n’avaient reçu aucune nouvelle de Flor Mochis. Tous trois se rendirent à la cafétéria de la piscine, après avoir prévenu le standard. Il n’y avait plus qu’à attendre.

* * *

Malko était réveillé depuis six heures du matin. La journée et la soirée s’étaient écoulées, interminables. Lui et les gorilles n’avaient pas bougé de l’hôtel. En vain. Flor ne s’était pas manifestée. Ou elle avait décroché, par crainte de Gomez, ou ses recherches n’avaient rien donné. Le seul espoir de Malko reposait sur Jim Harley. La tête lourde, il s’engagea sur le Malecon. La sarabande des merengues avait duré jusqu’à trois heures du matin…

L’embouteillage, Place Independencia, était pire que d’habitude. Il mit vingt minutes à gagner la calle Hostos.

Il se demandait si ses efforts n’étaient pas vains. Paul Kramer avait eu dix fois le temps de filer. La police dominicaine ne possédait même pas une photo de l’Américain, mais seulement le numéro de son passeport et un vague signalement.

Arrivé devant l’immeuble du Raffles, Malko monta directement à la petite terrasse où Jim Harley prenait toujours son bain de soleil. L’Américain se trouvait à sa place habituelle, allongé sur le dos. Ses coques protégeant ses yeux étaient tombées mais il ne craignait plus le soleil qu’il fixait de ses yeux grands ouverts : un long poignard était enfoncé dans sa poitrine à la hauteur du sternum, le clouant au sol comme un papillon.

Chapitre IX

Malko resta figé d’horreur. À part la rumeur lointaine des klaxons on n’entendait que le bourdonnement des grosses mouches attirées par le sang. Jim Harley n’avait pas vu son assassin, les yeux cachés sous les coques. Ce dernier n’avait frappé qu’une fois, avec une force colossale, lui faisant éclater le coeur sous le choc. La mort avait dû être instantanée. Malko trouva brusquement rassurant le poids du PPK glissé dans sa ceinture sous sa chemise.

Avait-on tué Jim Harley pour intimider Malko ou parce qu’il avait appris quelque chose ?

Il pensa aussitôt à Flor Mochis. Il n’y avait plus rien à faire pour Jim Harley, mais la femme-policier ignorait peut-être encore ce qui lui était arrivé… Malko redescendit l’escalier étroit quatre à quatre, rejoignant Chris et Milton tassés dans la Colt.

— Jim a été assassiné, annonça-t-il. J’espère que Flor Mochis…

Les deux Américains contemplaient les rues étroites de la zona colonial avec hostilité. Comme si l’assassin les guettait, eux aussi. Malko dévala la calle Hostos et tourna à droite. Chris et Milton étaient muets, prêts à défourailler à la moindre alerte.

Un bloc avant la masure où habitait Flor, il aperçut une Chevrolet verte déglinguée de la police, avec quatre policiers casqués à bord. Deux autres veillaient devant la porte. Il descendit, suivi des deux gorilles. Un civil avec une chemise à fleurs leur barra le chemin.

— No pasan, caballeros.

Chris Jones exhiba aussitôt sa carte du Secret Service. Plus que le document, leur carrure poussa le policier dominicain à s’effacer. Malko monta le premier l’escalier branlant. La porte de l’appartement de Flor Mochis était ouverte. Malko fut pris à la gorge par l’odeur du sang. Il y en avait partout sur le mur, en longues traînées, avec des dizaines d’impacts. Des objets étaient brisés, une lampe pulvérisée. Il se retourna : le policier en chemise à fleurs l’observait, encadré par les deux gorilles.

— Où est Flor Mochis ? demanda Malko.

— C’était une de vos amies ? répondit le policier en mauvais anglais.

— Oui.

— On l’a abattue, ce matin très tôt. Deux hommes qu’on n’a pas encore retrouvés.

Sans mot dire, Malko fit demi-tour, la gorge serrée et reprit l’escalier. La réaction du colonel Gomez avait été rapide et brutale. L’affaire Kramer prenait un tour de plus en plus violent. Malko avait du mal à croire que les Soviétiques aient mis en route une telle logistique pour un défecteur de second plan. Des hommes comme le colonel Gomez coûtaient cher. Sans compter les répercussions politiques.

Une surprise les attendait en bas. Les quatre policiers casqués étaient sortis de voiture et les entourèrent, armes au poing. Celui en chemise à fleurs arriva sur leurs talons.

— Caballeros, dit-il avec une politesse affectée, je suis obligé de vous demander de me suivre à la DNI. Le colonel Diego Garcia souhaiterait vous rencontrer.

Il n’y avait pas vraiment à discuter… Malko monta à l’arrière de la Chevrolet, encadré par deux policiers et l’homme en chemise à fleurs prit le volant de la Colt, avec un autre casqué, emmenant les gorilles. Il leur fallut près d’une demi-heure, en dépit du gyrophare, pour atteindre l’esplanade où se dressait fièrement « El Capitolio », le palais de feu Raphaël Trujillo, juste un peu plus grand que la Maison Blanche. Un chemin montait à droite. Ils s’y engagèrent. À peine eurent-ils stoppé qu’une nuée de policiers en civil se rua à la curée.

On fit sortir Malko, on le colla contre le mur pour le fouiller. Comme il protestait, un coup de crosse douloureux sur la nuque le fit taire. Un des policiers poussa un glapissement de joie en trouvant le PPK, ameutant aussitôt ses copains.

Blancs de fureur, Chris Jones et Milton Brabeck ne pouvaient pas bouger le petit doigt, braqués par des pistolets-mitrailleurs. Eux aussi furent soulagés de leur artillerie et tirés vers le bâtiment de la DNI. Malko, traîné par deux policiers en gris, protesta :

— Prévenez Henry Fairmont à l’ambassade américaine.

Un coup de poing lui ferma la bouche et il se retrouva dans une cellule repoussante de saleté. La porte claqua et les policiers en gris disparurent, après lui avoir donné quelques ultimes coups de matraque.

Et pendant ce temps-là, Paul Kramer courait toujours.