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La Cucaracha accentua son sourire et commença :

— Si, si pero…

Elle s’arrêta brusquement, alertée par une lueur dangereuse dans les yeux dorés de Malko.

— Nous avons une très jeune Haïtienne, enchaîna-t-elle. Elle est très saine. Des seins magnifiques. Mais vous êtes deux.

— Il paraît que vous avez une étrangère, dit Malko, c’est plus excitant.

Le visage de la femme platinée se ferma.

— Non, señor, pas d’étrangère ici.

Elle recula et appuya sur un bouton dissimulé sous une tenture. Quelques secondes plus tard, la porte s’ouvrit violemment sur deux moustachus en chemise, tous deux un pistolet à la ceinture.

— Caballeros, lança la Cucaracha, je crois qu’il n’y a rien ici pour vous.

Les deux voyous caressaient les crosses de leurs pistolets d’un air féroce. Milton Brabeck glissa la main droite dans son dos, d’un air innocent.

Quatre secondes plus tard leurs yeux s’écarquillèrent devant l’Uzi et l’ambiance changea considérablement.

— Qu’est-ce que vous voulez ? siffla la Cucaracha. De l’argent ? Faites attention, le colonel ne laissera pas passer ça.

— Je veux une femme qui s’appelle Kareen Norwood, fit Malko. Et je sais qu’elle est ici.

Un des deux moustachus esquissa un mouvement et Milton fît « psitt ». L’autre s’arrêta aussitôt. Poliment, Malko demanda :

— Voulez-vous avoir l’obligeance de jeter vos armes à terre ?

Ils obéirent. Les deux pistolets tombèrent avec un bruit sourd. Les yeux de la Cucaracha lançaient des éclairs.

— Le colonel doit venir boire un verre avec ses amis, fît-elle, il vous fera tuer…

— Nous allons visiter, annonça Malko. Sous votre direction.

La blonde platinée ne bougea pas.

Au même moment, un cri étouffé rompit le silence, venant de l’intérieur du motel. Un cri de femme ! Milton Brabeck avait viré au blanc.

Malko sentit le drame venir. L’index de Milton Brabeck s’était dangereusement crispé sur la détente de l’Uzi.

— Vous feriez mieux d’obéir, conseilla-t-il.

La Cucaracha était à un dixième de millimètre de l’éternité. Ses yeux allèrent des moustachus désarmés au canon de l’Uzi, sa bouche se tordit dans une grimace haineuse et soudain, elle sortit de la pièce, suivie de Malko et Milton.

* * *

Kareen Norwood était allongée sur le côté droit, le visage écrasé sur le lit. Le bracelet métallique enfermant sa cheville gauche relié à la sangle de cuir maintenait sa jambe gauche dans une position élevée, à la façon d’une branche de compas.

Justo le Colombien était allongé contre elle, son sexe puissant fiché profondément dans son ventre, ses mains crispées sur ses seins. Le colonel Manuel vint se placer de l’autre côté, la saisit par les hanches, et, d’un seul coup, viola ses reins jusqu’à la garde. Les deux hommes se mirent alors à remuer alternativement, échangeant des plaisanteries obscènes. Le lit grinçait et craquait sous les efforts des deux hommes.

Josepha, debout à côté, s’affairait auprès des quatre autres, ivres de rhum et de stupre, s’apprêtant à prendre leur tour.

Le judas coulissa soudain avec un léger grincement. Seule Josepha tourna la tête. Au lieu des cheveux platinés de la Cucaracha elle aperçut des yeux gris et froids qui respiraient la mort. Elle poussa un léger cri et, machinalement, serra le sexe qu’elle tenait. Son propriétaire, furieux, la gifla, mais son regard remonta jusqu’au judas et il sentit son érection se recroqueviller. Le canon noir d’une arme automatique en émergeait, ressemblant à l’oeil d’un mortel voyeur.

* * *

— Holy Cow ! Regardez !

Milton Brabeck se redressa, après avoir collé son visage au judas, blanc comme un morceau de craie. De la main gauche, il maintenait d’une poigne de fer le poignet de la Cucaracha. Tandis que Malko se penchait à son tour, elle eut la mauvaise idée de mordre l’Américain.

Celui-ci abattit le canon de l’Uzi, avec un rugissement de douleur, sur son nez qui se brisa, dans un flot ue sang. Si Malko ne l’avait pas retenu, Milton l’aurait tuée. Elle s’effrondra dans un fauteuil, le visage entre ses mains. D’un coup de pied, Milton Brabeck venait de faire voler en éclats la porte de la chambre où se trouvait Kareen Norwood. Visant le plafond, il lâcha une rafale.

Malko photographia la scène. Les quatre à l’air ahuri dont l’érection fondait, la fillette médusée, les deux en train de s’acharner sur Kareen, soudain figés… Il fit un pas en avant, et le crochant par l’épaule, arracha le Colombien qui tomba à terre. Il se releva pour se trouver nez à nez avec le canon du PPK, et les yeux dorés de Malko, striés de rouge. Il recula, en grommelant, muet de peur. Le colonel Manuel se dégagea tout seul en tremblant et bredouilla.

— Qu’est-ce que vous voulez ?

Les regards des deux arrivants le rendirent muets. Malko s’affaira sur les liens qui retenaient Kareen Norwood et la libéra. Elle resta inerte sur le lit. Milton Brabeck tremblait, littéralement. Il poussa un cri presque douloureux.

— Fumiers ! Salauds !

À coups de pied, sans lâcher l’Uzi, il fît aligner les six hommes nus au fond, serrés les uns contre les autres. Ses yeux gris ressemblaient à deux éclats de pierre. Malko, en train de redresser Kareen, s’immobilisa. Quelque chose avait changé dans l’atmosphère de la pièce. Cela basculait dans l’horreur. Il tourna la tête, vit le profil de granit de Milton, le doigt crispé sur la détente de l’Uzi.

— Milton, non !

Milton Brabeck se retourna lentement vers lui. Les six hommes retenaient leur souffle ; ils avaient tous compris que leur vie ne tenait qu’à un fil. Au premier rang, les deux Colombiens se faisaient tout petits. Milton émit une sorte de gémissement.

— Il faut les…

— Non, fit Malko fermement.

La tension se relâcha imperceptiblement. Milton Brabeck laissa l’air accumulé dans ses poumons s’échapper en sifflant. Mais Justo, le Colombien, eut le tort de vouloir faire un pas en avant avec un sourire d’excuses.

— Caballero, commença-t-il d’une voix éraillée.

Il ne termina jamais sa phrase. Milton Brabeck s’était lancé en avant, de tout le poids de ses quatre-vingt-quinze kilos. Son pied frappa le Colombien au bas-ventre avec une violence inouïe. L’autre ouvrit la bouche sur un hurlement dément et s’écroula. Milton continua, tapant comme un sourd sur les cinq hommes nus, les yeux fous. À coups de pied, de crosse d’Uzi, de poing. Aucun ne se défendait et ils tombaient un à un, sous les coups de l’Américain. Il n’y avait pas un mot prononcé. Seulement le bruit mat de la chair qui éclate, le son sourd d’un pied enfonçant dans un ventre, celui plus clair d’un coup de crosse ouvrant un crâne. Il ne s’arrêta qu’une fois les six hommes à terre, essoufflé.

— Venez ! dit Malko. Aidez-moi.

Sans un mot, Milton lui tendit son Uzi et chargea Kareen Norwood dans ses bras. Celle-ci sembla reprendre connaissance et émit un vague gémissement, montrant du doigt un sac posé à terre. Malko le ramassa et y jeta le walkman. En se penchant, il croisa le regard fixe du Colombien étendu à terre.

Mort.

Le coup de pied de Milton lui avait fait éclater le péritoine. Ses compagnons se relevaient tant bien que mal, encore sous le choc… La Cucaracha, dans le salon voisin, essayait toujours d’étancher le sang qui coulait de son nez écrasé. Elle leur jeta au passage un regard de haine inexpiable. Au moment où ils déposaient avec précaution Kareen Norwood dans la Toyota, une autre voiture se gara dans le parking.