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Le vent était son principal ennemi. À force de sacrifices, il était parvenu à redonner vie au vieux château de Liezen, hérité de ses ancêtres, mais le toit demeurait la partie fragile.

— Si je vais en Europe, j’adorerais venir le voir, dit Jessica, rêveuse.

Alexandra, la pulpeuse et jalouse fiancée de Malko, en serait sûrement ravie…

— En attendant, si nous allions dîner ? proposa celui-ci.

— Avec joie, approuva l’analyste, je meurs de faim. Vous connaissez le New Heights ?

— Non, fit-il, mais je vais le connaître.

Quand elle se leva, il put admirer son allure, les épaules larges, le style Kim Basinger en brune. Les hommes se retournaient sur son passage… Ils traversèrent le hall majestueux plein de colonnades et, dehors, elle lui prit le bras, se serrant frileusement contre lui.

* * *

La cuisine du New Heights sur Calvert Street était absolument étonnante : un mélange de Nouvelle cuisine et de plats californiens avec un zeste de folie. Ce qui donnait des préparations au goût et à l’aspect étrange dont il valait mieux ne pas connaître la composition. Les murs étaient blancs, les garçons homosexuels et le cadre dépouillé. Malko savait maintenant tout de Jessica : le père contre-amiral, le mari divorcé, la petite fille de cinq ans, la fortune personnelle. Elle vivait seule avec sa fille en bas de Foxhall dans Georgetown, le quartier élégant de Washington et ne semblait pas pressée de refaire sa vie.

Une atmosphère érotiquement électrique s’était installée entre elle et Malko. Parfois leurs doigts se frôlaient. Sans qu’elle ait un mouvement de recul, son regard direct affrontait celui de Malko et elle semblait ignorer que les pointes de ses seins se dessinaient nettement sous le chemisier.

— Il n’y a pas d’homme dans votre vie ? demanda Malko.

Jessica Hayes eut un sourire gourmand et ironique.

— J’ai l’impression que je leur fais peur. Ils ne restent jamais longtemps. Mon métier me prend beaucoup aussi, et il y a le sport aussi et pour les soirées, les films en vidéo.

Ils n’avaient pas encore parlé de la Taupe. Malko se lança, tandis que Jessica réchauffait un gros verre ballon de Gaston de Lagrange entre ses paumes.

— Que pensez-vous de la théorie de Franck concernant William Nolan ?

Le visage de Jessica Hayes se rembrunit.

— C’est terrible, incroyable. Et terrifiant. Si un homme comme lui est un traître, à qui se fier ?

— Vous avez consulté son dossier personnel avec l’ordinateur ?

— Oui. Je vous ai préparé un mémo, mais je n’ai pas accès à tous les codes de Walnut. Néanmoins, peut-être que cela vous aidera.

— Vous le connaissez personnellement ?

— Bien sûr. Je l’ai rencontré à plusieurs reprises. Je sais que le Président l’aime beaucoup.

Il avait l’impression de rêver. Et pourtant, il y avait la voix sur la cassette trouvée dans le sac de Kareen Norwood.

— Vous avez écouté la cassette ?

— Oui. C’est bien sa voix.

— Alors ?

Elle but un peu de Gaston de Lagrange avant de lui répondre.

— Il y a des techniques pour effectuer des montages, avança-t-elle. Ce peut être un faux, une manip diabolique pour le compromettre.

— Mais personne ne savait que nous allions trouver cette cassette…

Jessica Hayes demeura silencieuse, perturbée, puis dit d’une voix altérée :

— Je vais vous montrer l’endroit où il vit.

Ils avaient pris la Pontiac de location de Malko. Ils remontèrent Pensylvania Avenue, pour retrouver le haut de Foxhall Drive. Le quartier le plus chic de Georgetown, quelques voies calmes bordées de maisons cossues, noyées dans des collines boisées. Trois kilomètres plus loin, Jessica Hayes fît ralentir Malko en face du Mary Mount College, lui montrant une maison, en contrebas de la route.

— C’est là.

Malko aperçut une grosse demeure d’allure austère avec son toit d’ardoises et sa façade en brique marron. Seul le porche blanc apportait un peu de gaieté. La maison comportait deux étages, dont un mansardé. Tout était éteint sauf une fenêtre du premier étage, à gauche.

Malko éprouvait une impression curieuse : lui, simple contractuel à la CIA, était en train d’espionner son patron.

— C’est immense ! remarqua-t-il. Il vit seul ?

— Oui. Avec un maître d’hôtel.

Il repartit et la résidence de William Nolan fut avalée par le virage.

— Pas de femme ?

— Il a une liaison, très discrète, précisa-t-elle. Franck a dû vous le dire. Avec sa secrétaire qui le suit depuis toujours, Fawn McKenzie. Une très belle fille blonde. Divorcée. Elle ne pense qu’à son travail et à son patron. Elle habite Skipwith Road, près de Langley et n’a pas de vie mondaine. Ils partent en week-end parfois. À New York, voir des pièces de théâtre ou dans les montagnes. Nous déjeunons quelquefois ensemble, à la cafétéria de la Company. Elle est intarissable sur lui. Je sais qu'il est très maniaque. Il exige son jus de citron chaud dès qu'il arrive, interdit qu'on fume dans son bureau, qu'elle touche à ses papiers. Il a des manies : ses stylos : il n'utilise que des stylos japonais jetables qui écrivent très fin. Il a demandé à Fawn, pour qu'on ne les lui vole pas, de les marquer d'un tampon à ses initiales…

— Et elle ? demanda Malko.

— Rien, fit Jessica. Irréprochable depuis trois générations. Elle s'occupe d'enfants handicapés, quand elle n'est pas avec lui.

Ils étaient arrivés presque en bas de Foxhall Drive. Les maisons étaient nettement plus modestes, des bungalows en bois décorés pour Noël. Jessica Hayes proposa :

— Nous sommes près de chez moi. Venez prendre un verre, je vous donnerai les documents.

Ils tournèrent à gauche dans une voie qui longeait une courbe boisée et elle fit stopper Malko devant la dernière maison de bois.

* * *

Dépouillée de sa veste de tailleur, Jessica Hayes était une vraie bombe sexuelle, avec sa poitrine somptueuse, sa taille fine et ses hanches en amphore. En arrivant, elle avait avec sa télécommande activé une chaîne Hi-Fi Akaï qui voisinait dans un superbe meuble de laque noire avec une télé Samsung et un bar. Elle avait offert à Malko une vodka et s'était servie un Cointreau.

Le petit living était meublé en moderne, contrastant avec l'extérieur de la maison, avec une décoration Claude Dalle, profonds canapés, table basse et ce superbe meuble télé-Hi-Fi.

La jeune analyste acheva son Cointreau.

— Je crois que je vais aller dormir. Demain matin, j’ai mon jogging très tôt. Vous avez mon téléphone ici. Vous pouvez m’y appeller. Même si ma ligne est surveillée, on pensera que vous me faites la cour… Dès qu’oncle Franck me le dit, je vous fais signe.

Elle le raccompagna à la porte et ils restèrent face à face quelques instants. Malko hésitait sur la façon de prendre congé. Il n’arrivait pas à lire dans les grands yeux noirs, mais la bouche entrouverte l’attirait irrésistiblement. Jessica lui coupa l’herbe sous le pied.

— Bonsoir, fît-elle.

Au lieu de lui tendre la main, elle s’approcha et posa ses lèvres épaisses sur les siennes. À la façon américaine. Sans les desserrer. Malko eut l’impression de se trouver en contact avec du plomb fondu. Automatiquement, il passa un bras autour de sa taille et l’attira. Jessica résista à peine et sa poitrine s’écrasa contre lui. Il lui sembla qu’elle palpitait plus rapidement. Sous ses doigts, sa hanche était merveilleusement ferme et élastique.

Jessica Hayes recula un peu le buste et lui sourit.