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— Laissez-moi votre adresse, demanda-t-il. Je passerai voir votre jardin et je vous ferai un devis. Sans engagement, bien sûr.

— Je n’ai rien sur moi, fit-elle. Vous avez de quoi écrire ?

— Sûr, dit le fleuriste.

Il lui tendit une de ses cartes professionnelles et un stylo-bille noir pris dans la batterie qu’il arborait dans la poche extérieure de sa salopette.

Jessica Hayes y nota son adresse et son téléphone et lui tendit la carte. Au même moment, un des gardiens du cimetière passa près d’eux et lança au fleuriste :

— Hé, Harry, il y a le type du Grand Monument qui t’attend là-haut.

— J’y vais, fit Harry Feldstein.

Il empocha la carte et sauta au volant de son fourgon oubliant le stylo. Jessica le fourra dans sa poche et reprit son jogging aussitôt.

Malko avait suivi la rencontre dans ses jumelles et dans le récepteur de son Motorola sans rien y voir de suspect. Plus perplexe que jamais, il vit l’Econoline blanche s’éloigner à vitesse réduite vers le bas du cimetière. Jessica avait disparu. Il était convenu qu’elle rentrait chez elle après être allée chercher sa fille à l’école. Il l’y retrouverait. Maintenant, l’objectif, c’était Harry Feldstein. Ce n’était pas la peine de vérifier la tombe.

Il rejoignit le parking. Milton Brabeck trépignait. L’Econoline blanche filait déjà vers Arlington Bridge. Milton sortit du cimetière, tournant à droite dans Memorial Drive, la grande allée qui menait au Freeway. Cent mètres plus loin, deux « Marines » en uniforme, la nuque rasée, attendaient à côté d’une voiture, le capot levé. L’un d’eux leur adressa un signe accompagné d’un grand sourire. Milton Brabeck, instinctivement, freina.

— On va le jeter à un garage, fit-il.

À la vitesse à laquelle roulait l’Econoline, cela ne posait pas de problèmes. De toute façon, ils avaient une sirène et un gyrophare et Malko était persuadé que Harry Feldstein ne ferait rien dans l’immédiat s’il avait récupéré quelque chose. Milton obliqua vers le trottoir et baissa la glace.

— Vous avez un problème, les gars ?

Malko aperçut un visage dur avec des yeux gris et un sourire froid. Milton poussa un juron, en regardant le rétroviseur. Malko se retourna et un flot d’adrénaline se rua dans ses artères. Le second « Marine » avait sorti un court pistolet-mitrailleur de sous sa vareuse et les visait à travers la lunette arrière. Son compagnon tira un pistolet de sa ceinture au même moment et le braqua sur Milton Brabeck, muet de surprise.

Juste au moment où son compagnon ouvrait le feu dans leur dos.

Chapitre XVIII

La voiture fut secouée par une série de chocs sourds, tandis que le claquement ultra rapide des détonations parvenait faiblement jusqu’à Malko. La lunette arrière devint instantanément opaque. Instinctivement, Malko avait plongé sur la banquette. Ignorant, comme le tueur, que les glaces de ce véhicule utilisé pour des missions spéciales étaient à l’épreuve des balles. Médusé, le faux « Marine », son chargeur vide, contemplait la lunette arrière constellée d’impacts, mais intacte.

Le bras tendu, le second « Marine » visait Milton Brabeck encore assis au volant. Il appuya sur la détente et son projectile, comme les autres, s’écrasa sur la glace à demi levée.

D’un coup d’épaule, Milton Brabeck repoussa violemment la portière, déséquilibrant son adversaire qui tituba en arrière, lâchant son pistolet ; le gorille roula sur la chaussée au moment où le second tueur, toujours posté derrière la voiture, remettait un chargeur dans son arme. Milton Brabeck n’eut pas le temps de dégainer son 44 Magnum israélien, l’autre l’arrosait déjà au pistolet-mitrailleur. Le gorille dut ramper devant la calandre. Malko arracha son Cobra de sa ceinture, entrouvrit la portière et plongea à terre pour venir dégager Milton Brabeck. Ce dernier, à plat-ventre, attendait une occasion.

— Planquez-vous ! lança-t-il à Malko.

Le faux « Marine » au pistolet, après avoir ramassé son arme, venait de bondir dans la voiture soi-disant en panne, rabattant le capot au passage. Aussitôt, son compagnon lâcha une nouvelle rafale dans les pneus de la Pontiac, faisant exploser les feux arrière. Milton riposta, mais étant donné sa position le rata. L’autre tira sous la voiture, forçant Malko et Milton à se réfugier dans le fossé.

Le faux « Marine », se rendant compte que le guet-apens avait échoué, continuait à lâcher de courtes rafales bien contrôlées avec un calme étonnant. Il est vrai qu’à cet endroit éloigné de toute habitation, les coups de feu n’attiraient l’attention de personne. Derrière eux, c’était le cimetière, et devant un énorme rond-point où se croisaient les freeways menant à Arlington Bridge. Le « Marine » au pistolet-mitrailleur atteignit sa voiture. Son compagnon était déjà au volant. Il ouvrit la portière.

Malko releva la tête juste le temps de presser une fois sa détente. Le projectile frappa le faux « Marine » en pleine poitrine, le rejetant à l’intérieur de la voiture, qui démarra, portière ouverte… Milton Brabeck, jaillissant de son fossé, tira à son tour trois coups successifs. Sans résultat apparent. Les deux hommes virent même celui touché par Malko se redresser.

— Shit, il avait un gilet, explosa Milton.

Bondissant au volant, il passa en low et démarra. La voiture des tueurs venait de s’engager sur le George Washington, le freeway en direction de Crystal City et de l’aéroport.

Milton et Malko ne firent pas vingt mètres. Il y eut d’abord une effroyable odeur de brûlé, puis la Buick se mit à zigzaguer et même la poigne solide de Milton Brabeck ne put la maintenir en ligne. Ils terminèrent les deux roues avant à moitié dans le fossé… Juste avant d’arriver au freeway. Le vrai « Marine » de garde dans la guérite à l’entrée du cimetière arrivait en courant.

Milton était déjà penché sur son Motorola, appelant Franck Woodmill à la « safe-house ».

— Nous venons d’être attaqués, annonça-t-il. Deux faux « Marines » à la sortie d’Arlington. Je vous rappelle.

Le « Marine », essoufflé, braquait déjà son M. 16 sur les deux hommes.

— Freeze ![28]

C’était un jeune soldat à la nuque rasée, visiblement décontenancé par cet incident unique dans les annales d’Arlington.

— Secret Service ! cria Milton Brabeck, lui jetant son portefeuille avec son badge.

Le « Marine » l’examina et baissa son fusil.

— Que se passe-t-il, Sir ?

— Vous le voyez, fit sobrement Milton, on nous a tiré dessus. Vous avez le téléphone dans votre guérite. Il faut appeler la State police et le FBI.

Ils y coururent tous les trois. Malko se retourna. L’Econoline blanche avait disparu depuis longtemps de l’autre côté du Potomac. Il n’en revenait pas de cette attaque brutale. Il repensa à l’homme qu’il avait cru voir l’observer. Le KGB avait donc bien un système de surveillance. Ce qui venait de se passer ne pouvait avoir qu’une signification : William Nolan était bien la « super-taupe » du KGB et celui-ci venait de tenter une manoeuvre désespérée pour gagner du temps. Une chose échappait à Malko. En quoi la surveillance de la tombe de John Nolan avait-elle pu déclencher une riposte aussi brutale ? Et Jessica ? Avait-elle été repérée ?

Milton Brabeck s’expliqua brièvement au téléphone et raccrocha.

— On va venir nous chercher, annonça-t-il.

* * *

Une Ford blanche s'engagea à tombeau ouvert dans Memorial Drive, un gyrophare sur le toit, sirène hurlante. Malko et Milton Brabeck trépignaient depuis dix minutes. À bord du véhicule se trouvaient deux agents du FBI. Milton Brabeck s'identifia, puis lui et Malko montèrent dans le véhicule qui repartit aussitôt sur le Jefferson Davis Highway, longeant le Potomac.

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28

Ne bougez pas !