Le grondement d’un moteur le fit sursauter. Il écouta, de plus en plus perplexe. Pourquoi Harry Feinstein faisait-il marcher sa voiture dans un garage fermé ? Est-ce qu’il était en train de se suicider ?
Au moment où il se préparait à ouvrir la porte du garage, le bruit s’atténua et s’éloigna. Milton Brabeck attendit quelques secondes, puis n’entendant plus rien, se décida à écarter le battant Le garage était vide.
Chapitre XXI
D’abord interdit, Milton Brabeck traversa le garage en courant, réalisant qu’il possédait deux portes ! Il poussa la seconde, donnant sur l’arriére et aperçut, légèrement en contrebas, deux feux rouges qui s’éloignaient sur un chemin s’enfonçant dans la colline boisée derrière Wisconsin Avenue. Harry Feinstein était en train de filer sous le nez des agents du FBI qui n’avaient pas flairé le piège…
Le gorille retraversa la cour au pas de charge jaillissant sur Wisconsin Avenue. Le temps d’atteindre sa voiture un peu plus bas, il bondit au volant, plongeant aussitôt à gauche dans une sente traversant la zone boisée, parallèle à celle empruntée par le clandestin du KGB, qui était la prolongation de S Street. Lui se trouvait maintenant sur R Street. Autant qu’il s’en souvienne, S Street faisait un coude, rejoignant R Street à Dumberton Oaks. Après avoir parcouru trois cents mètres, il stoppa juste avant le croisement, éteignit ses lumières et attendit, le coeur battant.
Harry Feinstein pouvait aussi s’être enfoncé dans Monrose Park pour rejoindre le Potomac Parkway sinuant au milieu de cette zone boisée… Des phares apparurent soudain sur sa gauche. Il eut le temps de voir une Lancet blanche franchir le carrefour, descendant la 32e Rue, qui coupait R et S Street.
Il avait recollé !
Quelques secondes plus tard, il démarra à son tour, gardant une distance limitée : il ignorait totalement où se rendait le clandestin du KGB, mais étant donné les précautions qu’il avait prises, ce n’était pas chez son coiffeur. Un peu plus loin, Harry Feinstein tourna à droite dans N Street, reprenant Wisconsin vers le Potomac. Il traversa K Street, en bordure du fleuve et alla se garer juste au bord de l’eau dans Harbor Parking !
Milton Brabeck le vit couper ses lumières et allumer une cigarette. Le clandestin du KGB allait à un rendez-vous…
Il attendit quelques secondes, puis se rua vers une cabine téléphonique voisine. Après trois essais infructueux, il réussit à joindre Franck Woodmill qui se trouvait encore à F Street, lui rendant compte de ce qui se passait.
— Malko doit être au Jefferson, dit le Directeur adjoint des Opérations. Je le prends et nous arrivons ! Surtout ne le perdez pas.
Le FBI avait été lâché, ils se retrouvaient en famille… Milton Brabeck regagna sa voiture, sortit de son holster un Sig automatique à quatorze coups, sa dernière folie, et en vérifia le chargeur. La voiture blanche était toujours immobilisée au bord du Potomac dans l’ombre du Harbor Parking. Qui Harry Feinstein attendait-il ?
Le bar lambrissé du Ritz-Carlton était quasiment vide. À l’exception d’un box occupé par William Nolan. Pour une fois, il avait changé son citron chaud pour un Martini qu’il s’était déjà fait renouveler une fois. Peu accoutumé à l’alcool, il était plongé dans une euphorie artificielle et inhabituelle. Il leva la tête. Fawn McKenzie se tenait devant lui. Somptueusement sexy. Avec un tailleur gris sombre, très près du corps, dont la jupe très courte découvrait une partie de ses longues cuisses gainées de bas gris. Elle se pencha pour embrasser son amant, posant un petit paquet devant lui :
— Happy Birthday darling !
— Merci, fit Nolan en lui rendant son baiser.
Il ouvrit le paquet, découvrant de superbes boutons de manchettes en or.
— Tu es folle ! s’exclama-t-il.
Elle le regardait un peu déhanchée, une lueur coquine dans le regard.
— Je te plais ?
— Tu es superbe ! affirma William Nolan.
Il effleura la cuisse gainée de nylon, éprouvant une sentation exquise d’excitation.
— Je me suis acheté ce truc français pour toi, dit-elle. J’ai retenu pour dîner au Watergate.
William Nolan la regarda, attendri et troublé et commanda au garçon une bouteille de Moet Impérial millésimé. Dès que le bouchon sauta, ils remplirent deux coupes et les choquèrent. Les yeux de Fawn pétillaient autant que le Moet.
— À notre bonheur ! dit-elle.
La vieille guitariste près du bar égrenait ses notes nostalgiques et l’atmosphère feutrée du bar donnait l’illusion d’être chez soi. Il était pratiquement vide et d’ailleurs, dans le coin où ils se trouvaient, personne ne pouvait les voir.
— J’ai une course à faire avant le dîner, avertit William Nolan en remplissant à nouveau leurs coupes de Moet.
Elle se pencha, serrée contre lui.
— Tu ne seras pas trop long !
Leurs regards se rencontrèrent et doucement, ils s’embrassèrent. Les longues cuisses gainées de gris fascinaient William Nolan. Timidement d’abord, puis avec des gestes plus hardis, il se mit à les caresser. Fawn semblait prendre goût à ce flirt poussé. Sournoisement, elle se laissa glisser sur la banquette, afin que les doigts de son amant remontent encore plus. Quand ils touchérent la peau nue au-dessus du bas, elle eut un sursaut de plaisir.
— On peut aller dîner dehors une autre fois, suggéra-t-elle.
Sa main effleura la taille de William Nolan et elle s’immobilisa, sentant la crosse d’un pistolet glissé dans sa ceinture.
— Pourquoi es-tu armé ? demanda-t-elle inquiète.
Il lui sourit :
— J’avais ce pistolet à mon bureau pour le faire nettoyer. On me l’a rendu et je le rapporte chez moi.
Rassurée, elle recommença à l’embrasser, à la fois honteuse de se tenir comme une « créature » et délicieusement excitée. Le Moet semblait aussi avoir libéré William Nolan. Il s’aventura à lui caresser la poitrine à travers sa tunique, maladroitement, mais avec tant d’intensité que Fawn faillit en gémir de bonheur. Il lui semblait être revenue à ses années d’Université lorsqu’elle flirtait sur les sièges arrière de voitures. Seule différence : elle mourait d’envie de sentir au fond de son ventre le sexe tendu dont sa main sentait le contour.
Elle eut soudain un geste fou : descendant le « zip » du pantalon de son amant, elle glissa la main dans l’ouverture et referma ses doigts sur le membre raidi. Le Directeur adjoint de la CIA eut un sursaut de tout son corps et tenta de la repousser.
— Tu es folle, arrête, dit-il à voix basse.
— Oui, je suis folle ! souffla Fawn.
Ses doigts allaient et venaient, doux et habiles, avec un souple mouvement du poignet. Les yeux de William Nolan devinrent vitreux. Fawn ne s’arrêta pas assez vite. Sa main fut secouée par les spasmes du sexe déversant son sperme dans sa main. Partagée entre la honte et le fou-rire, elle regarda autour d’elle et ne vit personne. Même la vieille guitariste était invisible.
William Nolan semblait frappé par la foudre. Il bredouilla quelques mots où il était question de rendez-vous et tenta de se rajuster tant bien que mal. Fawn McKenzie l’observait tendrement :
— Je t’aime, dit-elle.
Elle prit la bouteille de Moet et remplit à nouveau leurs coupes. William Nolan jeta un coup d’oeil à sa montre et sursauta.
— Il faut que j’y aille. Tu peux me déposer ?